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Cadres de la CC 66 : revalorisation à l'usure

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Un statu quo de près de dix ans prend fin pour les cadres de la convention collective de 1966 avec la signature, le 20 juin, d'un avenant à l'avenant 265, fixant un calendrier d'application de la revalorisation de leur statut. Un échéancier avalisé, enfin, par Martine Aubry et assorti de l'assurance d'un agrément express.

L'heure était au soulagement, mardi, à l'issue de la réunion de la commission paritaire concernant la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. Les partenaires sociaux signataires de l'avenant 265 du 21 avril 1999 (1) se sont enfin accordés sur un calendrier d'application de la revalorisation du statut des cadres, avec la bénédiction de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, revenue sur ses dernières propositions (2). C'est la fin d'un feuilleton qui empoisonnait la vie du secteur depuis le 2 septembre dernier, lorsque le ministère avait refusé l'agrément, faute de « marge catégorielle » permettant de financer le reclassement. Cette fois, l'agrément devrait intervenir très vite, avant la fin du mois. Dès le 1er septembre, les cadres de direction se verront appliquer l'avenant (3). Le tour des autres- cadres administratifs, techniques - viendra en mai 2001. « C'est une victoire, qui n'était pas évidente après le rejet d'il y a dix mois », souligne Serge Lavagna, président de la FFASS-CFE-CGC. « Nos cadres sont aussi performants que dans d'autres secteurs, il était grand temps qu'on les reclasse », se réjouit Bernard Hertfelder, président du SGEIH-CFTC. Quant à Philippe Calmette, directeur général du Snapei et secrétaire général de la fédération des employeurs de la CC 66, il se félicite que « ce résultat [ait] été obtenu grâce à la mobilisation de tous : des associations, de leurs présidents, des syndicats de salariés et des cadres ». « Tous ensemble, ils ont contribué à la prise de conscience des pouvoirs publics, qui n'avaient pas mesuré les enjeux de cet avenant pour les associations et les cadres », ajoute Alain Freudberg, directeur adjoint du Snasea.

  Une mobilisation sans précédent

La campagne pour la revalorisation du statut de l'encadrement a connu, il est vrai, une ampleur et des formes inédites dans le secteur. A l'initiative de la CGC, des milliers de cadres ont inondé Martine Aubry de courriers lui demandant d'agréer cet avenant. Des centaines de questions écrites ont été posées par les parlementaires au gouvernement, suite au lobbying des fédérations d'employeurs. Celles-ci se sont offertes de pleines pages de publicité dans les quotidiens nationaux pour interpeller la ministre. Surtout, c'est une première, les cadres sont descendus dans la rue. Une manifestation, en janvier, à Paris, en a rassemblé plusieurs milliers, à l'appel de la CGC, de la CGT et de la Coordination « avenant 265 ». Une autre, le 15 mai, à Lille, a réuni moins de monde, mais fut plus houleuse, des heurts se produisant avec les forces de l'ordre. « Si l'on en est là aujourdhui, c'est parce que les cadres eux-mêmes ont bougé », estime Serge Lavagna. Lequel situe au 15 mai la « prise de conscience » de Martine Aubry qu' « il ne fallait pas laisser pourrir la situation », mais trouver rapidement un accord.

L'intensité de la mobilisation est sans aucun doute à relier avec l'exaspération des 20 000 cadres de la convention, « lassés de voir passer les trains du reclassement sans jamais monter dedans », selon une expression largement utilisée au cours de ces mois de bras de fer. Depuis la dernière revalorisation de leur statut, en 1991, les cadres de direction n'ont bénéficié ni de la hausse générale de 8,21 % des salaires de la CC 66 en 1993, ni, à l'instar de la quasi-totalité de l'encadrement, du « rattrapage Durafour » visant à assurer la parité avec la fonction publique, en 1994. Le dernier avenant proposant la revalorisation de leur statut, en 1997, avait également été refusé à l'agrément. Au bout du compte, on en arrivait à des chevauchements d'indices entre cadres et non cadres et à une échelle hiérarchique complètement écrasée.

De quoi entretenir un profond sentiment d'exaspération et d'injustice. Car, parallèlement, l'évolution des modes de gestion - notamment le renforcement des contraintes budgétaires, l'opposabilité des enveloppes, la nécessité d'élaborer des projets d'association - rend les structures de plus en plus exigeantes à l'égard des cadres, à un moment où viennent s'ajouter les difficultés de mise en œuvre des 35 heures. Ce déséquilibre entre les responsabilités et les salaires pose de sérieux problèmes de recrutement dans le secteur et, sans rémunération plus attractive, la situation risquait de devenir encore plus critique, plusieurs études confirmant le départ à la retraite, dans les cinq ans à venir, d'un nombre important de cadres. Certaines comparaisons, en outre, font mal : à responsabilité similaire, la convention collective de 1951 offre aux directeurs des rémunérations supérieures d'environ 40 %.

D'ailleurs, personne, ni Dominique Gillot, un temps secrétaire d'Etat à l'action sociale, ni Martine Aubry, n'a jamais contesté le bien-fondé d'une refonte du statut des cadres de la CC 66. Ce sont évidemment les considérations budgétaires qui ont fait traîner ce dossier. Et rendu nécessaire un arbitrage de Matignon entre Bercy et les Affaires sociales. La revalorisation, en effet, est coûteuse : près de 600 millions en année pleine, selon le gouvernement, autour de 500 millions selon les employeurs, qui estiment que les associations ont déjà opéré des reclassements de fait (4). Les questions financières, cependant, n'expliquent pas tout, et les cadres ont pu mesurer que certaines revendications ont plus de poids que d'autres, lorsqu'en mars, les médecins hospitaliers ont obtenu, sans trop batailler, une hausse de salaire qui devrait coûter 1,4 milliard de francs en année pleine.

  Une question de volonté politique

De fait, la désinvolture avec laquelle le gouvernement a semblé par moments traiter le dossier de l'avenant 265 est mal acceptée. Même par les signataires. Ainsi, « le retard de mise en œuvre de cet avenant est de la responsabilité du ministère Aubry. En 1999, la budgétisation du coût de cet accord était possible, mais la volonté politique d'accorder cette revalorisation était absente », regrette la CGT. Laquelle invoque cependant, pour justifier sa décision d'accepter le calendrier proposé, les leviers que contient l'avenant pour favoriser la revalorisation de carrière de l'ensemble des salariés de la convention et mieux prendre en compte les qualifications acquises dans le cadre de la formation continue. Mais c'est la Coordination « avenant 265 » qui se montre la plus amère. « Pourquoi se plier au diktat de la première année pleine en 2002 ? Pourquoi pas 2001 ? Estimez-vous devoir vous attarder longtemps encore dans un marchandage vexant pour les cadres ? », demande-t-elle dans un courrier adressé, le 19 juin, aux signataires de l'avenant. Depuis sa création, en décembre, elle n'a cessé de dénoncer l' « impuissance » des fédérations à faire reconnaître leur légitimité d'employeurs par les pouvoirs publics, les rendant responsables des dix années de non-aboutissement de la revalorisation du statut de l'encadrement. Même si Philippe Calmette estime que la coordination « se trompe de cible » et que « s'attaquer aux syndicats et aux fédérations, c'est se tirer une balle dans le pied », celle-ci entend bien, forte de ses 2 000 adhérents, continuer à se présenter comme « une alternative » aux employeurs pour la défense des cadres. Elle devrait décider de son avenir - et d'un nouveau nom, la bataille pour l'avenant 265 étant terminée - en septembre.

En attendant, un autre sujet préoccupe les employeurs. Le dossier de l'avenant « cadres » a servi de révélateur des dysfonctionnements des procédures d'agrément des conventions collectives du secteur social et médico-social. L'unanimité entre Bercy, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et l'Association des départements de France au sein de la commission nationale d'agrément n'est presque jamais obtenue, rendant nécessaire, même pour des amendements mineurs, le recours à un arbitrage interministériel. Mais surtout, regrette Philippe Calmette, « les employeurs et les salariés négocient sans savoir ce dont on dispose en caisse », avec le risque, évidemment, de se voir opposer une fin de non-recevoir . C'est pourquoi les employeurs souhaiteraient, « mesure de bon sens », que le gouvernement propose chaque année un taux directeur d'évolution de la masse salariale, de façon que « les partenaires sociaux connaissent d'entrée la règle du jeu ». Un système, souligne Philippe Calmette, « plus simple et plus responsabilisant ».

Céline Gargoly

Les grandes lignes de l'avenant « cadres »

Les dispositions générales et les différents textes spécifiques aux cadres sont désormais regroupés dans une unique annexe 6 à la convention collective du 15 mars 1966. En outre, l´avenant procède à une refonte du statut et des classifications des cadres. Les cadres concernés Après avoir donné une définition de la qualité de cadre, l'avenant précise que la revalorisation du statut bénéficie plus particulièrement aux :

 cadres techniques et administratifs, tels les psychologues ;

 cadres chefs de service ou ayant une mission de responsabilité hiérarchique, tels les chefs de services éducatif, pédagogique, d'animation et social ;

 cadres de direction. Classification et déroulement de carrière Pour la classification des cadres, l'avenant prend en compte trois critères : le niveau de qualification, le niveau de responsabilité et le degré d'autonomie dans la décision. En fonction de ces critères, il distingue quatre catégories de cadres.

   Les cadres hors-classe  :directeurs généraux et directeurs généraux adjoints d'association, directeurs des ressources humaines, secrétaires généraux et directeurs administratifs et/ou financiers d'association employant au moins 800 salariés permanents, y compris les titulaires de contrats aidés.

   Les cadres de classe 1  :directeurs d'établissements et de service, directeurs de ressources humaines, secrétaires généraux et directeurs administratifs et/ou financiers d'association employant moins de 800 salariés permanents, y compris les titulaires de contrats aidés.

   Les cadres de classe 2  :chefs de service, directeurs adjoints, directeurs techniques, etc., ayant une mission de responsabilité et un degré d'autonomie dans la décision. Ils sont classés en trois catégories en fonction de leur niveau de qualification (1, 2, ou 3), les directeurs adjoints devant posséder au moins un niveau 2.

   Les cadres de classe 3  :tous les cadres techniques et administratifs, classés en fonction de leur niveau de qualification 1,2 ou 3. Les cadres hors-classe et de classe 1 doivent avoir un niveau 2 minimum de qualification, une mission de responsabilité et une autonomie dans la décision définie par délégation. Pour l'ensemble des cadres, la progression de carrière est de 28 % en 28 ans selon une progression d'échelon tous les 3 ans (3 %), à l'exception du dernier échelon d'une durée de 4 ans (4 %). De nouvelles grilles de classement sont fixées en annexe. Sont également déterminées les modalités de reclassement des cadres déjà en fonction à la date d'application de l'avenant, ainsi que les conditions de maintien de l'ancienneté dans l'échelon. Le reclassement doit assurer un gain minimum de 70 points pour les cadres qui ne bénéficiaient pas de l'indemnité de sujétion spéciale (8,21 %). De plus, le déroulement de carrière ultérieur dans la grille de reclassement devra être plus favorable. Des grilles de correspondance entre l'ancien et le nouveau classement sont établies. Rémunération et régime indemnitaire Les cadres continuent à bénéficier des dispositions conventionnelles relatives aux salaires, indemnités et avantages en nature, à l'exception de l'indemnité de sujétion spéciale. Cette dernière est remplacée par deux indemnités de sujétions particulières (dispersion géographique des établissements ou des activités, nombre de salariés, sources de financement différentes à gérer...)  :

  l'une liée au fonctionnement de l'association, réservée aux directeurs généraux et directeurs généraux adjoints des associations employant au minimum 200 salariés. Son montant est, de manière générale, compris entre 100 et 300 points pour le directeur général et entre 70 et 210 points pour le directeur général adjoint ;

  l'autre liée au fonctionnement des établissements et services, d'un montant compris entre 70 et 210 points pour les cadres de classe 1, et entre 15 et 135 points pour ceux de classe 2 et 3. Les cadres bénéficiaires d'une indemnité de sujétion particulière pourront se voir attribuer une « garantie minimum personnelle de reclassement » qui s'ajoutera au classement indiciaire dans la nouvelle grille, au moment du reclassement. Régime des astreintes Les cadres bénéficient d'une indemnité destinée à compenser les astreintes auxquelles ils sont tenus. Elle est fixée à  90 points par semaine complète d'astreinte, y compris le dimanche ; 12 points par journée d'astreinte en cas de semaine incomplète, y compris le dimanche. Il ne peut pas être effectué plus de 26 semaines d'astreintes dans l'année. Cette indemnité peut, en tout ou partie, être rémunérée sous la forme d'un logement à titre gratuit, assorti de la gratuité des charges annexes (eau, chauffage et électricité). Date d'application L'avenant s'appliquera à compter du 1erseptembre 2000 pour les cadres qui ne bénéficient pas actuellement de l'indemnité de sujétion spéciale (cadres de direction), et du 1er mai 2001 pour les autres (cadres techniques, administratifs...). Sandrine Vincent

Notes

(1)  Du côté des employeurs, le Syndicat national des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales gestionnaires d'établissements et services (Snapei), le Syndicat général des organismes privés sanitaires et sociaux à but non lucratif (SOP) et le Syndicat national des associations pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte (Snasea). Et la CGC, la CGT et la CFTC du côté des salariés. FO et la CFDT, quant à elles, avaient refusé de signer.

(2)  Voir ASH n° 2171 du 16-06-00.

(3)  Voir encadré au verso.

(4)  Le financement de ces sommes se répartit de la façon suivante : 46 % pour l'assurance maladie, 42 % pour les conseils généraux et 11 % pour l'Etat.

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