« [...] Depuis cinq ans, nous avons rencontré plus de 1 000 intervenants sociaux (assistantes sociales, éducateurs, accueillants en missions locales, médecins, policiers, etc.) sur des formations sur la prostitution (de un à neuf jours). A la question “Avez-vous déjà reçu une formation sur ce sujet ?”, la réponse est non à 95 %. Les 5 % restants ayant eu une journée de sensibilisation réalisée par des bénévoles. Pourtant, la France a signé en 1960 une convention internationale qui rend libre la pratique de la prostitution et sanctionne fortement le proxénétisme. Elle a adopté les décrets d'application dès le 25 novembre 1960 qui prévoient que chaque département soit doté d'un service spécialisé chargé d'aller à la rencontre des personnes prostituées, de les accompagner, de les soutenir dans une réinsertion quand elles le souhaitent, et de faire de la prévention.
« Aujourd'hui, il n'existe que peu de services spécialisés en France : Nice, Toulouse, Paris, Lyon, Grenoble, Montpellier, Marseille, Strasbourg, Avignon, Valence, Nancy. Certains disposent d'une équipe pluridisciplinaire, d'autres d'un demi-poste ! La liste des départements sans service spécialisé est longue. Par contre, des initiatives se prennent et de plus en plus de travailleurs sociaux sont sensibilisés à cette prise en charge dans le cadre de leur intervention polyvalente. Et c'est essentiel, car la prostitution ne peut se réduire à ce qui se passe dans la rue. C'est aussi beaucoup de comportements plus discrets car cachés à sa propre famille (des femmes isolées qui payent en nature un loyer, un service), de déni (chez les jeunes en errance), de femmes organisées pour se prostituer discrètement via le téléphone et les petites annonces, beaucoup d'emplois-limites (hôtesses dans les bars de nuit), etc. C'est aussi le besoin d'argent impératif quand on est toxicomane [...].
« Peut-on cumuler le RMI et la prostitution ?Qu'en est-il des enfants des prostituées ? Comment aborder la question ? Et les impôts ? Et leur couverture sociale ? Et leur santé ? Comment protéger une étrangère victime de la traite ? Sur tous ces points les travailleurs sociaux ont besoin de repères professionnels. C'est ce sur quoi nous travaillons.
« Dans la Loire-Atlantique, après un état des lieux, nous avons publié une brochure (3) que nous avons diffusée dans les services en proposant une information aux équipes. Nous avons ainsi contacté l'ensemble du réseau hospitalier et psychiatrique et les centres communaux d'action sociale. Dans la Gironde, après la formation de 45 travailleurs sociaux, nous animons un groupe de travail chargé de faire des propositions pour améliorer la prise en charge.
« Il existe en France bien d'autres initiatives pour une meilleure prise en charge des personnes prostituées et pour s'adapter aux besoins locaux qui varient beaucoup d'un lieu à l'autre : la prostitution est multiforme et toujours mouvante. Le dossier prostitution est à la charge des DDASS et des délégations aux droits des femmes. Si nous manquons partout de financement pour couvrir les besoins et si nous déplorons souvent le silence des institutions sur le sujet, nous tenons à faire savoir qu'il existe en France un travail social spécialisé compétent. Mais méconnu. »
(1) Comme l'a illustré le colloque organisé par la Fondation Scelles - Voir ASH n° 2167 du 19-05-00.
(2) Metanoya- Antenne IDF : 46, rue Laude-Decaen - 75012 Paris - Tél. 01 43 45 22 73.
(3) Faciliter l'accès au droit commun des personnes prostituées - Réalisée à l'initiative de la DDASS et de la délégation régionale aux droits des femmes de la Loire-Atlantique.