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Mieux articuler la protection sociale et le marché du travail

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Mettre en perspective régulation du marché du travail, protection sociale et dispositifs de prise en charge des plus fragiles : telle est l'originalité du rapport Minima sociaux, revenus d'activité, précarité,rédigé par Jean- Michel Belorgey, conseiller d'Etat, pour le compte du Commissariat général du Plan. Sa version définitive a été rendue publique le 7 juin.

Commandé en septembre 1998 par le Commissariat général du Plan, le rapport Minima sociaux, revenus d'activité, précarité a été rendu public le 7 juin. Il est l'œuvre d'un groupe de travail présidé par le conseiller d'Etat Jean-Michel Belorgey (1), la rapporteure générale étant Annie Fouquet, alors directrice du Centre d'études de l'emploi. Son constat : le recours accru aux minima sociaux vient « d'abord, [...] de la fragilité de l'emploi dans un monde du travail en mutation, des conditions d'accès à la protection sociale ensuite ». Aussi invite-t-il, et c'est là son originalité au regard d'autres études déjà menées sur la question, à mieux articuler la protection sociale avec les évolutions du marché du travail, afin de « redonner cohérence à un système qui l'a perdue », expliquait Jean-Michel Belorgey auxASH, dès février dernier (2).

Certes, avec une croissance durable, le retour au plein emploi se profile à l'horizon. Mais pour les chercheurs, fonctionnaires et partenaires sociaux auteurs du rapport,« l'emploi sera beaucoup plus mobile, fractionné, avec différents statuts successifs ou concomitants et des périodes de transition parfois importantes pour les trajectoires individuelles ».Ainsi, « l'amélioration de l'emploi dans le long terme ne réglera pas “en soi” le problème de la précarité ». Ils appellent donc à s'attaquer aux causes de celle-ci, en agissant « en amont sur la régulation du marché de travail ». Et, en attendant que cette stratégie porte ses fruits, ils préconisent une amélioration du dispositif de protection sociale pour qu'il soit à la fois« plus efficace, plus lisible et plus cohérent ».

Au final, insistent ces experts, leurs propositions ne devraient pas être onéreuses. A une condition : « que les mesures soient articulées entre elles de manière à ce que leur coût respectif ne s'additionne pas ».

Agir sur le marché du travail

Le groupe de travail veut « reconstruire une sécurité des trajectoires des travailleurs, tout en opérant un meilleur partage des responsabilités individuelles collectives et sociales, cohérent avec le nouveau régime d'emploi qui se dessine ». Ses recommandations tournent autour de plusieurs idées-forces, notamment : la création d'un droit de l'activité professionnelle, l'accompagnement de la mobilité et une réflexion sur le rôle des acteurs des politiques de l'emploi.

Fonder un droit de l'activité professionnelle

« Le droit du travail ne doit pas demeurer seulement un droit qui protège les salariés de la grande entreprise, mais il doit devenir un droit qui assure de façon ouverte la prise en compte de l'ensemble des formes de travail contemporaines », plaide le conseiller d'Etat.

Face au développement de formes nouvelles de travailnon salariées, il juge possible de« définir l'ensemble des droits fondamentaux formant le socle commun de l'activité professionnelle dont seraient bénéficiaires tous les travailleurs : droit au travail, droit syndical, droit à la négociation syndicale, droit à l'assurance chômage, droit à la formation, droit à la sécurité sociale ». Une telle démarche va d'ailleurs « dans le sens du droit européen, dont certaines dispositions sont applicables à tous les travailleurs quels qu'ils soient », remarque Jean-Michel Belorgey.

La détermination « des conditions de transition entre des situations de demandeur d'emploi, de salarié ou d'étudiant et celle d'entrepreneurs, et l'harmonisation des règles d'accès aux régimes de retraite, notamment complémentaires », pourrait être poursuivie dans le même esprit.

Favoriser la mobilité

Alors que les formes partielles ou discontinues d'emploi (contrats à durée déterminée, temps partiel, activité réduite...) se répandent, « les désavantages quant aux droits à protection sociale l'emportent sur les aides, limitées, à la mobilité », déplore le Commissariat général du Plan. Pour y remédier, il propose de « mieux protéger les passages fréquents par le chômage », de rénover le dispositif de la formation professionnelle et d'organiser des « mobilités positives ».

MIEUX PROTÉGER LES PASSAGES FRÉQUENTS PAR LE CHÔMAGE

Le rapport prône une amélioration de l'indemnisation des travailleurs précaires, des chômeurs créateurs d'entreprise et des travailleurs indépendants. Il suggère également que l'ensemble des prestations auxquelles peuvent prétendre les chômeurs, tant au titre du chômage qu'à celui de la garantie de revenu, soit servi par un même guichet.

L'indemnisation des précaires

A ce chapitre, deux propositions : d'une part, unallongement des périodes de référenceprises en compte pour le calcul des indemnités de chômage ; d'autre part, une diminution du principe contributif pour l'accès à l'allocation de solidarité spécifique, tout en maintenant les conditions de ressources. Cela aurait pour effet, selon les auteurs, « de rejeter vers le RMI un moins grand nombre de chômeurs de longue durée, qui garderaient ainsi le bénéfice de la validation de leurs droits à la retraite ».

L'accompagnement du risque d'entreprendre

Les personnes en difficulté qui souhaitent se lancer dans la création de leur propre emploi « se heurtent aujourd'hui à des obstacles difficilement surmontables ». Le Plan recommande donc, entre autres, de rétablir une prime pour les chômeurs et titulaires de minima sociaux, cumulable avec l'avance remboursable (3) ou encore d'assurer un droit plus étendu à l'indemnisation chômageen cas d'échec de l'entreprise. Pour mémoire, le gouvernement a lui-même récemment invité les partenaires sociaux à améliorer la couverture sociale des créateurs d'entreprise (4).

La continuité dans la garantie de revenu des chômeurs

Outre la suppression du délai de carence à l'entrée dans l'indemnisation, Jean-Michel Belorgey suggère qu'un même guichet serve aux chômeurs l'ensemble des revenus de remplacement :allocation unique dégressive ou allocations de solidarité assorties, le cas échéant, du complément RMI.

RÉNOVER LA FORMATION

Allant dans le sens des orientations de la réforme de la formation professionnelle voulue par le gouvernement (5), le rapport se prononce pour une rénovation du droit au congé individuel de formation. L'objectif étant d'en faire« un vrai droit individuel général et mutualisé, financé par exemple par l'alimentation d'un crédit temps de formation, dont le montant serait fonction des temps de travail (salarié ou non) antérieurs ». Les conditions d'utilisation de ces crédits temps seraient négociées au niveau local.

Par ailleurs, à l'instar du rapport Gauron (6), il est favorable à l'inscription dans la loi d'une obligation réciproque de formation incluse dans le contrat de travail.

ORGANISER LES MOBILITÉS POSITIVES

Afin « d'encourager les mobilités positives, en évitant l'enfermement dans la rotation sur des emplois précaires », le Plan juge prioritaire d'instaurer des possibilités de cumuls de sources de revenus et de positions d'emploi et d'activité (pour les bénéficiaires de minima sociaux , voir).

De plus, il insiste sur la nécessité de revoir les droits à la retraite pour intégrer l'expansion des formes discontinues d'emploi. Il s'agirait de ne pénaliser ni les carrières atypiques, ni la pluractivité. Il faudrait également valider les périodes d'activité non salariée et, enfin, créer un fichier unique des cotisants.

Les auteurs se sont également penchés sur lesmesures d'aide à l'emploi. En particulier, ils estiment nécessaire de « renforcer les mesures telles que les formations en alternance qui sont porteuses de professionnalisation ». Quant auxemplois-jeunes, la question de leur professionnalisation est « cruciale ».

Faut-il moduler les cotisations patronales d'assurance chômage ?

Toujours « pour sécuriser les trajectoires et clarifier les responsabilités », le Plan s'interroge, dans la sphère du salariat, sur une éventuelle modulation des cotisations des employeurs au régime d'assurance chômage en fonction de leur gestion de la main-d'œuvre. Relançant ainsi un débat récurrent depuis les propositions du rapport Malinvaud en 1998 (7).

Sous réserve d'« études de faisabilité approfondies », rien « n'interdit a priori » l'instauration d'un système de modulation des cotisations appuyé sur les licenciements, à l'instar de celui en vigueur aux Etats-Unis. Il s'agirait, explique Jean-Michel Belorgey, « de pénaliser et de récompenser les comportements extrêmes pour favoriser une gestion moralisée de l'emploi ».

Cependant, une modulation des taux en fonction de la proportion des contrats à durée déterminée ou intérimaires (et non plus du nombre de licenciements), « peut paraître plus simple à mettre en œuvre » (8).. Mais, là encore, prudence de l'expert : « Les contrats à durée déterminée [CDD] peuvent être pour partie un mode d'insertion dans l'entreprise et un mode d'accès au contrat à durée indéterminée [CDI]. Les CDI peuvent connaître un fort taux de rotation en raison de mauvaises conditions de travail ou de rémunération ou bien parce que certaines professions recourent aux licenciements non économiques de CDI plutôt que d'utiliser des CDD jugés trop rigides. »

Au final, conclut Jean-Michel Belorgey, « une voie intéressante serait d'envisager un bonus/malus lié au taux de rotation global au sein de l'entreprise ». Mais des « mesures moins ambitieuses » pourraient aussi être retenues. Par exemple : « l'augmentation de certaines subventions à l'emploi lorsque les embauches sont faites sur CDI ».

Enfin, il conviendrait, selon eux, de« promouvoir une véritable culture entrepreneuriale » dans le tiers secteur, afin d'y encourager la création d'activités nouvelles. Proposition qui pourrait alimenter la réflexion du nouveau secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

Reconsidérer le rôle des acteurs des politiques de l'emploi

« Le contexte actuel des relations entre les partenaires sociaux et l'Etat (9) est peut-être, espère Jean-Michel Belorgey,l'occasion de reconsidérer globalement l'ensemble des modalités de fonctionnement et de partage des tâches entre acteurs des politiques d'emploi » (Etat, ANPE, partenaires sociaux, associations, responsables locaux). Pour que le régime d'indemnisation du chômage devienne« un outil de relance économique », il juge indispensable d'en réformer le fonctionnement en « faisant de l'Etat un véritable partenaire ».

REVOIR LE RÔLE DES PARTENAIRES

Selon le groupe de travail, il incombe à l'Etat de « définir les objectifs politiques généraux », les partenaires sociaux étant les gestionnaires du régime en tant que service public délégué. Ensuite, il revient à une concertation tripartite « de s'accorder sur les principes de la mise en œuvre de ces grands objectifs, tant en matière d'indemnisation du chômage que de mesures actives en faveur de l'emploi ». Et à long terme, il faudrait parvenir à intégrer le service public de l'emploi (indemnisation et placement) dans uneagence commune.

PRIVILÉGIER LE NIVEAU LOCAL

« La régulation de l'emploi ne peut être assurée que sur les marchés réels du travail », c'est-à-dire localement, affirme Jean-Michel Belorgey. Pour cela, « il faut décentraliser les crédits pour l'emploi et donner la maîtrise de leur répartition et de leur usage aux acteurs locaux dans le cadre de règles nationalement définies ».

L'accent est mis sur l'importance des négociations locales, aux niveaux régional, départemental, des bassins d'emploi et des groupements de communes. Elles devraient « associer le plus grand nombre possible d'acteurs intéressés, c'est-à-dire, outre les partenaires sociaux, des représentants d'associations ».

Par ailleurs, l'auteur reprend à son compte la proposition de « décentraliser le service public de l'emploi sur la forme d'agence territorialisée avec des partenaires locaux » chargés d'utiliser les fonds publics de l'ensemble des politiques d'emploi (hors indemnisation).

Améliorer le système de protection sociale

Quelle que soit la situation du marché de l'emploi,« le système de prestation sociale continuera d'être nécessaire ». Les propositions émises par Jean-Michel Belorgey visent à améliorer le dispositif de protection sociale pour le rendre« à la fois plus efficace, plus lisible et plus cohérent ». Outre une simplification des minima sociaux, il préconise également une uniformisation des aides au logement et une réforme des règles dites « d'intéressement » à la reprise du travail.

Simplifier les minima sociaux

Dans le droit-fil du rapport Join-Lambert (10), le groupe de travail se déclare opposé à une fusion de l'ensemble des minima sociaux existants et à la création d'une allocation universelle. « L'allocation universelle n'est pas la solution, tant pour des raisons d'efficacité de la dépense publique que de dignité au travail des personnes »,explique-t-il. Les mesures retenues cherchent, d'une part, à assurer, à revenu et besoin égal, une prestation identique et, d'autre part, à instaurer un système d'aide dégressive pour supprimer les effets de seuil.

REVALORISER LE RMI

Dénonçant la dégradation relative du montant du revenu minimum d'insertion (RMI) par rapport à celui du SMIC, Jean-Michel Belorgey juge nécessaire de le revaloriser. Ainsi, estime-t-il, « pour retrouver le niveau relatif qu'avait le RMI par rapport au SMIC au moment de sa création, il faudrait revaloriser le RMI de 4, 7 %pour un coût global de 1, 4 milliard de francs ». Une telle mesure n'est pas, à ses yeux, « de nature à engendrer des effets pervers, si par ailleurs une politique vraiment dynamique d'insertion est poursuivie ».

A cette fin, le forfait logement (11), mécanisme qui « revient à diminuer l'allocation de tous les intéressés, à l'exception de ceux qui sont à la rue »,devrait être supprimé. Seuls 8, 8 % des titulaires du RMI perçoivent leur allocation en totalité, dénonce le conseiller d'Etat, alors que l'hébergement ne supprime pas toute participation aux frais de logement.

TENIR COMPTE DES RESSOURCES RÉELLEMENT DISPONIBLES

Le calcul de la base ressources du RMI prend pour référence les ressources encaissées et non celles réellement disponibles. Or, l'application de cette règle « aura de façon générale des conséquences de moins en moins tolérables au fur et à mesure que des dispositifs peu ou prou automatiques, calqués de près ou de loin sur celui du RMI, se substitueront, pour la couverture de certains risques, aux systèmes d'aide au besoin tenant compte des ressources et des charges ».

Un droit de la mise à disposition

Pour limiter la précarité due à la succession de contrats courts et pallier les difficultés des salariés pluri-employeurs, le rapport Belorgey imagine l'institution d'un droit de la mise à disposition. Applicable à toute forme de fourniture de main-d'œuvre licite, il assurerait aux salariés mis à disposition des droits équivalents à ceux des salariés de l'employeur utilisateur.

Par ailleurs, il met également en avant les formes de recours aux groupements d'employeurs et à la co-activité des entreprises.

La disparition de l'aide médicale, qui accompagne la création de la couverture maladie universelle,« soulève ainsi très clairement le problème des personnes qui, du fait de l'écart entre ressources encaissées et ressources disponibles, n'auront pas vocation aux nouveaux avantages organisés par la loi, mais n'auront désormais, en droit, vocation à rien d'autre, sinon aux aides facultatives ». Le Plan relève toutefois que la loi du 27 juillet 1999 permet au moins de retrancher les pensions alimentaires acquittées de la base de ressources qui sert à évaluer les droits en matière de couverture de base et de couverture complémentaire. Une règle qu'il souhaiterait voir étendue à la législation sur le RMI. Plus généralement, il propose de soustraire de la base de calcul, lessommes que les personnes ne peuvent, en aucun cas, se dispenser d'acquitter.

Par ailleurs, le rapport recommande de mieux considérer le cas des individus isolés. En raison de certaines dépenses incompressibles(d'énergie, par exemple) auxquelles ces personnes, non hébergées par des tiers, doivent faire face, les échelles d'équivalence pour l'octroi des prestations devraient être revues, notamment en ce qui concerne l'attribution de l'allocation logement .

INTÉGRER RMI, API ET ALLOCATION VEUVAGE

Bien qu'il se refuse à réunir l'ensemble des minima sociaux, Jean-Michel Belorgey appelle de ses vœux la fusion du RMI, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation de veuvage (12). Une telle mesure éviterait aux bénéficiaires« d'inutiles redoublements de formalités ou de discontinuités de droits ».

De plus, de manière à éviter que le RMI ne tienne lieu de « sous- minimum vieillesse » pour les personnes de moins de 65 ans ayant dû cesser leur activité après une carrière courte et/ou à faible revenu, il souhaite une majoration du RMI pour les plus de 55 ans. L'alignement sur le minimum vieillesse coûterait, selon ses estimations, 0, 5 milliard de francs.

HARMONISER L'AVANTAGE POUR ENFANT

L'idée consiste à réviser les barèmes du RMI et des allocations familiales, pour harmoniser l'avantage familial lié à l'existence d'un enfant. Ainsi, les avantages familiaux ne seraient pas réservés aux seules familles allocataires du RMI mais seraient ouvertes à toutes celles dont les revenus sont proches de ceux procurés par cette prestation (allocation de parent isolé ou revenus d'activités).« Une telle mesure, est-il indiqué,permettrait d'éviter les effets d'entrée-sortie du RMI avec la modification de la composition familiale et d'assurer les mêmes incitations à la reprise d'emploi quel que soit le nombre d'enfants à charge. »

C'est pourquoi, le conseiller d'Etat se prononce en faveur d'uneprestation dégressive sous condition de ressources au bénéfice des familles à faibles revenus, qui viendrait compléter les prestations familiales actuelles. Une mesure chiffrée à 5 milliards de francs si l'ensemble des prestations familiales (sauf l'allocation de soutien familial et l'allocation de parent de jeune enfant dite longue) était intégré dans la base de ressources.

ARTICULER MINIMA SOCIAUX ET DISPOSITIF SOCIAL ET FISCAL

A plus long terme, le Plan préconise de renforcer« le poids du droit individuel par rapport au droit familialisé ». D'où la proposition detransformer les minima sociaux en minima par personne adulteet de développer le rôle de revenu minimum pour enfant, modulé selon l'âge, que tiennent les prestations familiales.

Les jeunes : une priorité

La déconnexion entre l'âge de fin des prestations familiales (20 ans) et celui d'ouverture du droit au revenu minimum d'insertion (25 ans), sauf en cas de charges de famille, contribue « à rendre dans notre pays très difficile, et souvent destructeur, le passage [...] d'une situation d'enfant à charge à celle d'adulte autonome », déplore le groupe de travail. En outre, constatant que l'accumulation des dispositifs de formation n'a pas répondu au problème récurrent du chômage des jeunes, il prône une « sécurisation des trajectoires », dès l'entrée dans la vie active, quel qu'en soit l'âge. L'amélioration de la couverture par l'assurance chômage est un premier pas dans ce sens, reconnaît le rapport. Mais, celle-ci doit être assortie d'une réelle « assurance mobilité « garantie et gérée localement. Pour cela, différentes pistes de réflexion sont avancées :

• l'amélioration de l'indemnisation du chômage, par l'allongement des périodes de référence pour les courtes périodes d'activité. Ainsi, l'accès à l'indemnisation de tout jeune demandeur d'emploi ayant accompli un cursus qualifiant devrait être largement ouvert ;

• la transformation de l'assurance chômage en assurance mobilité. Il s'agirait de garantir un droit individuel « de tirage social » à une formation et un emploi. Ce droit pourrait être inversement proportionnel au niveau de sortie du système scolaire et de nature à permettre que tout jeune se voie reconnaître le statut de travailleur et la possibilité, à défaut d'avoir un emploi, d'être en formation rémunérée.

Dans la foulée des réflexions en cours concernant la création d'une garantie minimale de ressources pour les jeunes (13). , le Plan se déclare favorable à la création d'une allocation jeune isolé. Ce droit résiduel serait ouvert aux jeunes ne bénéficiant d'aucune autre prise en charge et permettrait « d'éviter les situations dramatiques [...] pour les jeunes qui n'entrent dans aucun dispositif ». En effet, explique-t-il, l'entrée en formation « comportera des périodes de friction ». Le coût de cette mesure est évalué à environ 1,6 milliard de francs pour une « clientèle potentielle » de 70 000 personnes.

Cette réforme devrait aller de pair avec celle du système d'imposition. Dans cette optique, les allocations pour enfant seraient distribuées à tous, sans condition de ressources, dès le premier enfant, et intégrées au revenu imposable. Parallèlement, le quotient familial serait supprimé. Cette dernière mesure rapporterait 64 milliards de francs, qui seraient redistribués sous forme d'allocation pour enfant.

RÉVISER LES TERMINOLOGIES

Enfin, le rapport dénonce la diversité des définitions auxquelles les législations sociales renvoient : « revenus bruts », « revenus perçus », « revenus imposables », « revenus nets catégoriels »... De surcroît, les périodes de référence prises en compte ne sont pas les mêmes selon les prestations. Harmoniser les définitions relatives aux revenus constituerait unemesure simple, non coûteuse, souligne-t-il.

Par ailleurs, la difficulté à lire les barèmes d'attribution des prestations est encore aggravée par la pluralité des notions de ménage, particulièrement en ce qui concerne les enfants jeunes adultes logés ou non chez leurs parents, rattachés ou non à leur foyer fiscal... Sur ce point, il est proposé de retenir la notion de foyer fiscal, la seule qui soit« juridiquement fiable » ou, à défaut, d'« isoler parmi les ayants droit, ceux qui n'appartiennent pas au foyer fiscal eta contrario noter la composition du foyer fiscal même si certains de ses membres ne sont pas ayants droit ».

Réformer les aides au logement

Unifier les aides au logement, supprimer les effets de seuil à la sortie du RMI, solvabiliser les charges réelles de logement et améliorer le sort des personnes sans domicile hébergées par des tiers. Autant d'actions qui contribueraient, d'après le Commissariat général du Plan, à limiter les effets de la précarité.

UNIFIER LES ALLOCATIONS DE LOGEMENT

Selon les auteurs, « se placer du point de vue de l'usager revient à appliquer la règle : à mêmes conditions de logement et de ressources, même aide ». Ils proposent donc d'aligner les paramètres des trois aides existantes (allocation de logement sociale, allocation de logement familiale et aide personnalisée au logement)  : loyer plafond, dégressivité en fonction du revenu... Une conception qui rejoint la volonté du gouvernement de parvenir à une simplification et une harmonisation des barèmes d'aides au logement (14).

L'alignement des loyers plafonds coûterait 1, 3 milliard de francs, celui de l'allocation logement sur l'aide personnalisée au logement s'élèverait à 1, 6 milliard de francs.

Par ailleurs, pour « supprimer la perte de revenu net qu'occasionne le passage du RMI à un demi-SMIC », le rapport esquisse différents scénarios visant à supprimer les effets de seuil en matière d'allocations de logement et de taxe d'habitation. Cette mesure coûterait, selon le Plan, de 4 à 6 milliards de francs.

Des droits équitables et continus

Jean-Michel Belorgey défend le principe de la continuité des droits. Ainsi, en cas d'incertitude, c'est la prolongation des droits, et non leur suppression, qui doit être la règle, dont le non-respect doit être sanctionné. A cette fin, il prône la mise en place d'intermédiaires, indépendants des organismes distributeurs de prestations, qui pourraient être sollicités par les usagers en difficulté. «»Il faudrait se décider à inscrire [l'idée de médiateur] dans le droit et à la traduire dans les faits », affirme son rapport.

Par ailleurs, il recommande la suppression de la règle des effets de seuil et la systématisation d'« une diminution en sifflet des avantages servis en cas de retour à meilleure fortune ». De même le système de délai de carence ou de fixation du jour de départ et du terme de versement d'une prestation devrait être aboli, ainsi que les possibilités de récupération d'indus dont l'origine vient de l'organisme.

En outre, une prise en charge ne devrait pas pouvoir être interrompue, tant qu'une autre n'en a pas pris le relais, sauf en cas de faute ou de négligence caractérisée de l'usager.

De plus, le Plan juge souhaitable une information systématique des usagers par les collectivités locales ou les caisses débitrices de prestations. Ces dernières sont, à ce titre, invitées à mettre à la disposition des usagers des formulaires « sobres, pédagogiques et précis », à réitérer à l'oral les explications nécessaires. Ces organismes devraient également adresser des avis aux bénéficiaires potentiels qui ne se sont pas manifestés.

S'agissant de l'urgence sociale, le rapport met l'accent sur le rôle fondamental que les collectivités locales de base ont vocation à jouer.

Enfin, selon Jean-Michel Belorgey, la notion de droits interprétables permettrait de répondre à l'ensemble des difficultés qu'il dénonce. D'après cette conception, la loi se limiterait à poser le principe d'un droit à prestation, au montant non prédéterminé, accordé en cas de situation objectivement repérable, mais non préalablement caractérisée. Le montant de la prestation serait renvoyé à une analyse individuelle de la situation. Aussi, défend-il âprement le système de l'aide sociale, jugé par certains « archaïque », alors qu'il est, à ses yeux, « dans son principe fondamentalement moderniste ».

SOLVABILISER LES CHARGES DE LOGEMENT

Le rapport souhaite également limiter les situations de surendettement, d'expulsion, d'hébergement social, puis de relogement « très coûteux pour la collectivité et déstructurant pour les ménages ». A cette fin, il préconise une révision des barèmes des allocations de logement, pour tenir compte plus exactement des charges locatives et des inégalités spatiales, ainsi qu'une formule permettant d'aider les propriétaires en situation précaire à assumer les charges de copropriétés.

FAVORISER L'HÉBERGEMENT DE PERSONNES SANS DOMICILE FIXE

Il s'agit d'aménager les normes de peuplement qui conduisent à la suspension des aides au logement, en cas d'hébergement provisoire à son domicile de personnes sans abri ni ressources. « La suspension, en pareille hypothèse, des aides au logement revient à interdire l'exercice de la solidarité, y compris à l'égard des membres de sa propre famille, et constitue une source de basculement dans l'exclusion. »

Par ailleurs, le rapport suggère d'examiner la possibilité de faire accéder aux aides au logement les sous-locataires, lorsque le locataire n'en perçoit pas lui-même.

Inciter à la reprise d'activité

Le mécanisme dit d'intéressement à la reprise d'activité permet le cumul, pendant un certain temps, de tout ou partie d'un minimum social (RMI, API, allocations de solidarité) avec un revenu tiré d'une activité ou d'une formation (15). Même s'il le juge « extrêmement complexe, illisible pour l'usager et plutôt pénalisant », Jean-Michel Belorgey estime que son maintien est nécessaire. Et ce, pour éviter que la reprise d'activité ne se traduise par une perte de revenu. Il propose, néanmoins, de réaménager le dispositif, selon les principes suivants :

•  la même règles'appliquerait à tous les minima sociaux ;

•  pour que le retour au travail soit« payant », les règles d'intéressement devraient s'appliquer au revenu individuel, calculé hors allocation de logement et allocations pour enfant, car les allocations différentielles au premier franc « comme le RMI qui globalisent les ressources au niveau du ménage font perdre tout intérêt au retour au travail en dessous d'un certain niveau de rémunération de ce travail » ;

•  un montant du revenu d'activité  « non dérisoire » devrait être conservé, même s'il est dégressif ;

•  la durée de l'intéressement serait assez longue pour être sensible dans un budget.

Le conseiller d'Etat plaide pour la création d'uneallocation compensatrice de revenu, accordée aux personnes bénéficiant du RMI et reprenant un emploi. Il s'agirait de « diminuer le RMI non de la totalité du gain mais d'une fraction en sifflet et ce jusqu'à un gain de 1, 2 SMIC ».

Enfin, pour tenir compte de la configuration familiale et éviter que l'intéressement ne décourage la reprise d'emploi pour le second actif du ménage, Jean-Michel Belorgey envisage un système« partiellement individualisé », dont la pérennité « ne serait pas infinie, mais plus longue que l'actuelle, cinq ans par exemple ».

S. C. - F. E.

Affiner les enquêtes sur la précarité

Le Commissariat général du Plan émet une série de propositions destinées à « mieux connaître les phénomènes de précarité et de pauvreté ».

L'analyse des trajectoires et des processus

La précarité doit s'analyser sur des périodes suffisamment longues « pour voir apparaître des tendances dans une succession de situations instables ». Aussi, le rapport demande-t-il qu'il soit donné suite à la recommandation du Conseil national de l'information statistique (CNIS) (16) de « créer des fichiers historiques de personnes passées dans les dispositifs », à partir des fichiers de gestion de la CNAF, de l'ANPE et de l'Unedic, et la mise en place « d'un panel inter-dispositif », sous la responsabilité de la direction de la recherche, de l'évaluation et des études statistiques.

L'analyse des ménages à bas revenus

Jean-Michel Belorgey insiste sur la nécessité de « mieux analyser le revenu réellement disponible des ménages à bas revenus ». En premier lieu, il s'agirait de « chercher à cerner systématiquement le revenu disponible net d'impôts directs et de dépenses de logement (loyer et charges, et éventuellement dépenses d'énergie) ». Par ailleurs, il juge indispensable d'aborder les questions de l'endettement et du surendettement dans toutes les analyses sur la pauvreté et la précarité, ainsi que les effets de la possession d'un patrimoine et le comportement d'épargne.

En outre, la notion traditionnelle de ménage (ensemble des occupants d'un même logement, supposés partager ressources et dépenses) ne tient pas compte de situations atypiques, tel que l'hébergement contraint chez autrui en cas de grande pauvreté. Le rapport recommande donc, ici encore, de mettre en œuvre la proposition du CNIS « d'analyser spécifiquement les conditions de vie des ménages repérés comme atypiques dans les enquêtes générales ». En particulier, la cohabitation de jeunes adultes chez leurs parents devrait être examinée. De même, les experts déplorent que les personnes vivant en logements collectifs (foyers de jeunes travailleurs, hôpitaux, foyers d'accueil) soient exclues de la plupart des enquêtes réalisées auprès des ménages.

Enfin, une étude devrait être menée sur les phénomènes de non-recours à un droit et les processus d'entrée dans les dispositifs existants.

Notes

(1)  Egalement président de la mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, Jean- Michel Belorgey était, en 1988, rapporteur du projet de loi sur le RMI. Il est également l'auteur de nombreux rapports, dont Lutter contre les exclusions, remis, en avril 1999, à Martine Aubry - Voir ASH n° 2114 du 9-04-99.

(2)  Voir ASH n° 2155 du 25-02-00.

(3)  Sur le dispositif de soutien à la création d'entreprise, voir ASH n° 2118 du 7-05-99 et n° 2119 du 14-05-99.

(4)  Voir ASH n° 2162 du 14-04-00.

(5)  Voir ASH n° 2154 du 18-02-00.

(6)  Voir ASH n° 2158 du 17-03-00.

(7)  Voir ASH n° 2081 du 21-08-98.

(8)  On se souvient que Martine Aubry avait menacé de recourir à une telle mesure, à défaut, pour les partenaires sociaux, d'améliorer l'indemnisation chômage des jeunes et des précaires  (voir ASH n° 2131 du 3-09-99). Sa décision est désormais suspendue à l'issue des négociations actuellement menées par le MEDEF et les syndicats dans le cadre de la « refondation sociale » (voir ce numéro).

(9)  Allusion est faite aux discussions actuellement menées par les partenaires sociaux dans le cadre de la « refondation sociale » voulue par le MEDEF.

(10)  Rapport de mission sur les problèmes soulevés par les mouvements de chômeurs en France fin 1997-début 1998 - Voir ASH n° 2060 du 27-02-98.

(11)  Sur l'évaluation des avantages en nature procurés par un logement, soit occupé par son propriétaire ne bénéficiant pas d'aide personnalisée au logement, soit occupé gratuitement, voir ASH n° 2147 du 24-12-99.

(12)  Cette suggestion figurait déjà dans les rapports Fragonard et Join-Lambert.

(13)  Voir ASH n° 2153 du 11-02-00.

(14)  Voir ASH n° 2127 du 9-07-99.

(15)  Voir ASH n° 2096 du 4-12-98.

(16)  Voir ASH n° 2066 du 10-04-98.

LES POLITIQUES SOCIALES

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