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VIH en psychiatrie : l'urgence d'une prévention personnalisée

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Où en est-on de la prévention de la transmission du VIH parmi les patients suivis en psychiatrie, et quelles pistes suivre pour l'améliorer ? Telles sont les questions auxquelles tente de répondre le rapport que le groupe de travail dirigé par Christiane Charmasson, psychiatre et responsable du comité sida de l'établissement public de santé (EPS) Ville-Evrard, à Neuilly-sur-Marne, a remis, le 6 juin, à la division « sida » de la direction générale de la santé (1). Rapport dont les ASH avaient dévoilé les grandes lignes en décembre (2).

Les visions contrastées des professionnels

Premier constat de la recherche (3)  : une grande variété dans l'approche de cette problématique. L'histoire de l'institution, la nature des relations hiérarchiques qui y règnent, les règles de fonctionnement, etc., influent largement sur la forme et l'intensité des actions de prévention. En outre, selon leur appartenance professionnelle, les personnels apprécient différemment la vulnérabilité des patients et l'efficacité des moyens dont ils disposent pour réduire les risques.

Ainsi, les catégories qui s'estiment « éloignées de toute information décisive » - aides- soignants, secrétaires, personnels techniques - tendent à penser que le risque de contamination en milieu psychiatrique n'est pas « si considérable que ça », et que d'ailleurs l'institution n'intervient pas sur cette question. Les médecins, à l'inverse, bien que partagés sur la réalité des risques encourus, considèrent que la prévention relève bien de leur responsabilité et que leurs actions ont des effets positifs sur les comportements. Un constat partagé par les infirmiers, qui eux, cependant, jugent les personnes hospitalisées « particulièrement exposées ». Les assistantes sociales, de leur côté, tout en ne doutant pas que les patients soient plus exposés que d'autres, « ne se font pas d'illusions sur l'efficacité de leurs interventions », note le rapport. Elles « estiment que ce n'est d'ailleurs pas leur rôle professionnel », de même que la plupart des psychologues et des personnels paramédicaux.

Une telle variabilité des réponses « amène à penser que la réflexion sur ces questions est loin d'avoir abouti à l'établissement de principes généraux en ce qui concerne la protection des patients suivis en psychiatrie », relève le groupe de travail.

Outre les représentations des personnels, le document examine la réalité des actions de prévention, pour en souligner les lacunes. Par exemple, si la mise à disposition de préservatifs est effective dans chaque établissement, les lieux de distribution « ne sont pas toujours connus ni par les soignants ni par les patients, et le réapprovisionnement est très loin d'être régulier et systématique ». Plus fondamentalement, est mise en cause « une sorte de délégation des problèmes liés au VIH  » dans les services. Délégation vers les comités sida des établissements, à qui est confiée la réflexion de fond sur l'infection. Et surtout délégation vers les infirmiers, qui sont quasi uniquement à l'origine des actions en direction des patients. La désignation de ces « spécialistes » entraîne « l'économie d'un travail d'équipe » , alors que « celui-ci offrirait comme avantage de proposer un cadre et un soutien aux soignants », insiste le rapport.

En outre, les infirmiers interviennent le plus souvent dans le cadre d'une relation duelle, ce qui les place dans une situation délicate. En permettant une parole sur la sexualité, ils ont souvent le sentiment de « se placer en contradiction avec l'interdiction, au moins implicite, des relations sexuelles dans l'institution ». Et de « faire effraction dans l'intimité du patient », ce qui peut modifier la nature de la relation soignant-soigné « en [y] intégrant des éléments vécus comme potentiellement provocateurs ou séducteurs ».

Durant une crise, la contamination « peut devenir souhaitable » pour les patients

Ces obstacles à la prévention sont d'autant plus urgents à surmonter que la plupart des patients rencontrés « témoignent d'une sexualité active - ponctuelle ou régulière - à l'époque des entretiens ». Bien qu'ils sachent tous que les relations sexuelles sont interdites dans l'établissement, même lorsque cette interdiction n'a pas été explicitement énoncée.

Il apparaît également que les informations dont ils disposent ne leur permettent pas forcément une bonne évaluation des risques qu'ils prennent. Ainsi, alors que la prévention prend le plus souvent la forme d'une transmission d'informations, il devient prioritaire « de travailler sur les liens que les patients peuvent établir entre [celles -ci] d'une part et leur protection d'autre part », pointe le groupe de travail. D'autant plus que la « maladie mentale et l'hospitalisation jouent un rôle variable selon les personnes dans la réduction ou la majoration des risques ». Par exemple, dans les moments de crise, les soignants peuvent estimer qu'aborder la question du VIH est secondaire, tandis que « les entretiens avec les patients révèlent que c'est alors un moment de fragilité où, [pour eux], se protéger [...] peut sembler dérisoire ou que se contaminer peut devenir souhaitable », notent les auteurs. Lesquels soulignent la nécessité d'une prévention personnalisée. Et prônent la mise en place, dans les services, d'un « protocole, si possible standardisé, intégrant tous les paramètres intervenant dans l'exposition au risque et dans la prévention  ».

Ils proposent aussi des formations adaptées à chaque service, élaborées à partir de l'évaluation des expériences antérieures, des soutiens institutionnels et de l'implication des différents personnels.

Autre préconisation, inclure les questions de la prévention et de la prise en charge des malades parmi les critères d'accréditation des établissements. Enfin, l'équipe de Christiane Charmasson souligne « l'opportunité d'un cadre officiel à ces recommandations », cadre qui devrait, selon elle, prendre la forme d'une circulaire ministérielle.  C.G.

Notes

(1)  La prévention de la transmission du VIH parmi les patients suivis en psychiatrie - Disp. au Comité sida de l'EPS Ville-Evrard : 202, avenue Jean- Jaurès - 93332 Neuilly-sur-Marne cedex - Tél. 01 43 09 34 90.

(2)  Voir ASH n° 2144 du 3-12-99.

(3)  Lancée en 1996 et fondée sur 2 500 questionnaires et de nombreux entretiens avec soignants et soignés, l'étude a été menée dans cinq établissements : l'EPS Ville-Evrard et l'EPS Maison-Blanche à Neuilly-sur-Marne [93], l'EPS Montperrin à Aix-en-Provence [13], l'EPS Perray- Vaucluse à Epinay-sur-Orge [91] et l'Institut Marcel- Rivière à La Verrière [78].

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