Le 11 mai 2000, la cour d'appel de Versailles a écarté l'application de l'article 29 de la loi Aubry II pour les litiges faisant l'objet d'une procédure judiciaire lors de sa date d'entrée en vigueur, soit le 1er février 2000.
Pour mémoire, la disposition incriminée valide les rémunérations versées, par le passé, au titre des heures de permanence nocturne effectuées en chambre de veille dans les établissements sociaux et médico-sociaux, sous réserve des décisions de justice devenues définitives (1). Elle a été édictée à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 1999 qui avait invalidé les régimes d'équivalence instaurés par les conventions collectives nationales du secteur sanitaire, social et médico-social privé sans but lucratif (2).
En l'espèce, un éducateur d'une maison d'enfants à caractère social avait obtenu, devant le conseil des prud'hommes, un rappel de salaires pour sa présence en chambre de veille. L'association avait fait appel et invoqué les dispositions de la loi du 19 janvier 2000.
La cour d'appel de Versailles a estimé que « le risque financier que le législateur a voulu supprimer », avec l'adoption de l'article 29, « ne pouvait permettre, en soi, [qu'il] se substitue au juge pour régler le litige en cours sans que soient violés les principes et règles édictés par l'article 6§1 de la Convention européenne des droit de l'Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ». Celui-ci prévoit en effet que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement [...]par un tribunal [...] qui décidera [...] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ».
Se fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, la cour d'appel énonce que seule l'existence « d'impérieux motifs d'intérêt général » pourrait autoriser le pouvoir législatif à s'ingérer « dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le déroulement judiciaire d'un litige ». Or, selon elle, le législateur n'a cherché qu'à « protéger les intérêts financiers d'autorités publiques, alors qu'aucun motif impérieux d'intérêt général ne le justifiait ».
L'association a décidé de se pourvoir en cassation. Face aux conséquences financières qu'une telle décision pourrait entraîner, aussi bien pour les établissements, exposés à des rappels de salaires, que pour l'Etat, qui participe à leur financement, on guettera donc avec intérêt l'arrêt que rendront les juges suprêmes. En outre, un arrêt de la cour d'appel de Paris, portant sur la même question, est également attendu pour le 27 juin 2000. Là encore, quelle que soit la solution, un pourvoi en cassation est prévu à l'initiative, selon le cas, de l'une ou l'autre des parties.
(1) Voir ASH n° 2157 du 10-03-00.
(2) Voir ASH n° 2127 du 9-07-99.