Le groupe de travail interministériel, présidé par Jean Favard, conseiller honoraire à la Cour de cassation, a été installé en juin 1999 par les cinq ministres en charge du dossier des tutelles, pour analyser et approfondir les suggestions émises, quelques mois plus tôt, par les inspections générales des finances, des services judiciaires et des affaires sociales (1). Conformément à la lettre de mission, le rapport Favard Sur le dispositif de protection des majeurs ne remet pas en cause l'économie générale du dispositif né de la loi du 3 janvier 1968. Ses propositions visent, plutôt, à redonner leur pleine effectivité aux principes de nécessité et de subsidiarité des mesures posés par la loi. Il insiste également sur l'importance d'uneconsécration législative de la protection de la personne. A ce titre, le conseiller honoraire plaide pour que le majeur en tutelle puisse être autorisé à voter (2) ou à conclure un pacte civil de solidarité (3).
S'appuyant sur le bilan réalisé par les trois inspections, Jean Favard dénonce l'utilisation abusive de la tutelle, devenue « l'ultime mesure d'intervention sociale ». 540 000 personnes font, aujourd'hui, l'objet d'une telle mesure de protection juridique. Une tendance à la hausse, qui s'explique par la conjugaison de différents facteurs : le vieillissement de la population et les situations de dépendance qu'il entraîne, l'évolution de la prise en charge de la maladie psychiatrique et l'accroissement des situations de précarité et d'exclusion sociale. Ces dérives, défend-il, ne peuvent pas être consacrées, « même si elles ne constituent que des pratiques substitutives d'une action sociale qui s'est avérée insuffisante ». C'est pourquoi il soutient l'idée d'une évaluation médico-sociale des situations individuelles, préalable à l'entrée dans le dispositif judiciaire. Parallèlement, une nouvelle mesure de gestion budgétaire et sociale, qui remplacerait l'actuelle tutelle aux prestations sociales adultes, serait insérée dans le code civil. Au plan procédural, un plus grand souci du respect de la personne appelle, notamment, une audition systématique du majeur protégé et un renforcement de laprésence de l'avocat auprès des majeurs. Par ailleurs, une série de propositions vont dans le sens d'uneharmonisation des règles de financement des mesures de protection et d'une certification des compétences des intervenants à la tutelle.
S'agit-il d'un rapport de plus sur le dispositif de protection des majeurs ou ce texte constitue-t-il la première étape d'une réforme, réclamée de longue date, par l'ensemble des acteurs (4) ?Une chose semble certaine. Selon les projections réalisées par le groupe de travail, si le système n'est pas rapidement modifié, l'effectif des majeurs protégés pourrait doubler d'ici à 2010, pour atteindre 1 125 000 personnes. D'ores et déjà, le ministère de la Justice a fait part de sa volonté de diffuser largement cette étude et de mener, prochainement, les consultations interministérielles préalables à la rénovation du système.
L'application des principes de nécessité et de subsidiarité énoncés par la loi du 3 janvier 1968 impose que les mesures restrictives de droit et de liberté ne soient ordonnées que « lorsqu'elles sont strictement nécessaires et lorsqu'il ne peut être pourvu d'une autre manière à la protection des majeurs ». Le rapport Favard se prononce, à ce sujet, en faveur d'uneapproche plus sociale des demandes de protection juridique.
Afin de remédier à l'hétérogénéité des publics pris en charge judiciairement et à l'utilisation « devenue abusive des mesures de protection », la mission préconise une évaluation médico-sociale des situations individuelles, préalable à l'entrée dans le dispositif judiciaire. Objectif : s'assurer que les conditions requises d'une protection judiciaire sont réunies.
Aujourd'hui, déplore l'auteur, l'organisation de la protection juridique des majeurs représente un dispositif spécifique, non articulé avec les systèmes d'aide et d'action sociale de droit commun, « alors que les publics qui peuvent y prétendre sont de plus en plus identiques ». L'idée est donc, en amont de la phase judiciaire, d'un « rapprochement fonctionnel des dispositifs existants ». Il s'agit de favoriser « une approche globale des besoins de la personne à protéger ou à accompagner ».
Si le majeur est déjà connu des services sociaux ou psychiatriques, les différents intervenants sociaux (équipe médico-sociale de secteur, psychiatres, membres des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel [Cotorep]) devraient, avant de saisir le procureur de la République,se réunir et étudier, ensemble, le dossier de la personne pour laquelle une demande de mesure de protection est envisagée.
Dans l'hypothèse où le majeur est inconnu des services sociaux, l'évaluation serait sollicitée auprès de l'un des services énumérés ci-dessus. A l'issue d'une réunion de synthèse, le choix d'une solution sociale ou d'une saisine du procureur de la République serait fait.
Un tel dispositif implique la constitution d'un réseau de professionnels à même de participer à l'élaboration d'un dossier unique destiné au procureur de la République. Ce réseau regrouperait, au minimum, les 4 partenaires déjà existants, c'est-à-dire :
• un représentant de l'équipe médico-sociale de la prestation spécifique dépendance (5) ;
• un travailleur social des services départementaux d'action sociale ;
• un psychiatre de l'équipe de secteur ;
• un membre de l'équipe technique de la Cotorep.
Afin de rester le plus proche possible des personnes, les missions interviendraient sur un champ infradépartemental, à proximité des demandes et des signalements.
Ces réseaux devraient être coordonnés et pilotés à l'échelon départemental. Telle pourrait être, défend le rapport, la fonction d'un correspondant départemental, bien identifié, animateur des missions locales et interlocuteur des juges des tutelles, du procureur de la République et des personnes ou des familles qui solliciteraient une mesure de protection.
Cette fonction d'animation et de coordination des réseaux pourrait être confiée à un organisme de protection sociale (caisse d'allocations familiales par exemple), à une association (à l'exception de celles ayant en charge l'exercice des mesures de protection) ouà l'un des membres du réseau.
Placés sous l'autorité conjointe du préfet et du président du conseil général, ces réseaux constitueraient, pour le procureur de la République et pour les juges, un « outil pertinent d'information pour leur décision ».
En même temps, souligne le document, ils joueraient un rôle de régulation. Ils auraient, en effet, la possibilité de saisir une instance non judiciaire. Dans ce cas, ils seraient tenus d'orienter la personne vers les autres acteurs présents en leur sein, pour une prise en charge sociale, à défaut de quoi le procureur de la République devrait être avisé de l'utilité d'une mesure de protection judiciaire.
Les nombreux dispositifs d'accompagnement (RMI, TRACE, fonds d'aide aux jeunes...) ont « montré leurs limites dès lors qu'il s'agit de personnes dont la détresse sociale et les conditions de vie peuvent constituer un danger pour elles-mêmes et pour leur entourage », juge la mission Favard. Aussi estime-t-elle impératif de proposer, parallèlement à la mise en place d'une mesure de gestion budgétaire et sociale , une alternative sociale offrant des conditions de prise en charge plus individualisée, à côté des dispositifs d'accompagnement déjà existants. L'objectif affiché est la réduction « des recours abusifs à des mesures restrictives de droit » prononcées à l'encontre des individus ou des familles en très grande difficulté sociale.
Ce contrat d'accompagnement social personnalisé s'adresserait à ceux dont la santé et lasécurité sont gravement compromises du fait de leur inaptitude à assurer seuls la gestion de leurs ressources sociales. Ce contrat, proposé par la mission d'évaluation médico-sociale, serait conclu avec l'accord de l'intéressé et sous lecontrôle de l'autorité administrative. Il définirait les modalités de l'accompagnement de la personne concernée, ses engagements, et seraitlimité dans le temps.
Ce n'est qu'en cas de refus d'adhésion à cette prise en charge individualisée qu'il serait faitappel à l'autorité judiciaire.
A noter : S'agissant des handicapés psychiques ou psychotiques, la mission dénonce une situation de « vide thérapeutique [qui] semble exister pour ces malades, compensé par la seule décision judiciaire ». Une réflexion particulière devrait être menée, estime-t-elle, afin de proposer un accompagnement thérapeutique, qui ne serait ni exclusivement social, ni limité à la protection de leur personne et à la sauvegarde de leurs biens.
Trois mesures de protection juridique sont, à proprement parler, issues de la loi du 3 juin 1968 et inscrites dans le code civil (c. civ.).
• La sauvegarde de justice : mesure provisoire, prononcée par voie médicale ou judiciaire. Elle n'entraîne pas d'incapacité, sauf dans le cas d'une désignation par le juge des tutelles d'un mandataire spécial (art. 491 et suivants du c. civ.).
• La curatelle : mesure d'assistance et de contrôle, dans laquelle les actes de gestion courante sont effectués par la personne elle-même. L'assistance du curateur n'intervient que pour les actes les plus importants. Dans le cas d'une curatelle renforcée, le curateur perçoit les revenus du majeur et assure le règlement de ses dépenses (art. 508 et suivants du c. civ.).
• La tutelle : système de représentation du majeur protégé et de gestion de ses affaires par le tuteur. Pour les actes les plus importants, l'autorisation du juge des tutelles est requise. La tutelle peut s'exercer de différentes manière : avec un conseil de famille, par administration légale, par nomination d'un gérant de tutelle, ou encore, être déférée à l'Etat, le plus souvent à un organisme exerçant la mesure pour le compte de ce dernier (art. 492 et suivants du c. civ.).
• En raison de la confusion instituée, dans la pratique, entre les différentes mesures, la tutelle aux prestations sociales adultes, prévue aux articles L. 167-1 et suivants du code de la sécurité sociale, est souvent assimilée, à tort, à une mesure de protection juridique. Il s'agit en fait d'une mesure d'action éducative, ordonnée par le juge des tutelles, lorsqu'il constate que les prestations perçues par l'intéressé ne sont pas utilisées dans son intérêt.
Jean Favard veut mettre un terme à la dérive constatée du nombre de saisines d'office des juges sans certificat médical, sur simple signalement d'un proche ou d'un travailleur social. « Alors que la possibilité de saisine d'office devrait être exceptionnelle, elle a représenté 64, 4 % des demandes de tutelles civiles en 1999 », a-t-il déploré, le 18 mai, lors de la présentation de son rapport.
La mise en œuvre de l'évaluation médico-sociale préalable devrait, à ce titre, s'accompagner de la suppression de la saisine d'office du juge des tutelles. Etant entendu que le juge aurait lafaculté de demander à être saisi par le procureur de la République, en cas d'urgence ou de nécessité particulière.
Afin de mettre un terme à la forte progression des doublons, c'est-à-dire des cumuls entre tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA) et mesure de protection civile, le rapport des trois inspections proposait de remplacer l'actuelle TPSA par une mesure de gestion sociale, instituée dans le code civil. La mission Favard reprend cette suggestion à son compte. Elle propose de substituer, à la TPSA, une mesure de gestion budgétaire et sociale, qui trouverait sa place dans le dispositif civil de protection des majeurs. Il s'agirait d'une gestion limitée aux prestations sociales, sans aucune des incapacités attachées à la tutelle ou à la curatelle.
Le groupe interministériel s'est refusé à étendre son champ aux revenus du travail actif. En effet, explique-t-il, autoriser cette mesure serait « inutilement restrictif de la liberté de la personne, alors que demeure possible la mise en œuvre d'une mesure de curatelle ou de tutelle ». Il appartiendrait donc au juge de décider, lors de la mise en place de la mesure, des prestations sociales à inclure, sous la réserve que seules les prestations directement versées à la personne entreraient dans cette gestion assistée.
L'action éducative en vue de la réadaptation des intéressés à une existence normale, prévue par le code de la sécurité sociale pour la TPSA, serait remplacée par une gestion sociale destinée à éviter l'exclusion et à rétablir l'insertion de l'intéressé.
Cette mesure pourrait être prononcée par le juge des tutelles :
• lorsque la santé et lasécurité de la personne sont gravement compromises du fait de son incapacité à assurer seule la gestion de ses ressources sociales ;
• et lorsqu'elle refuse un accompagnement social et personnalisé.
Outre la volonté d'améliorer les requêtes adressées aux juges des tutelles, une série de suggestions vise à permettre au majeur de mieux exprimer sa volonté. Ainsi, il devrait obligatoirement être auditionné par le juge des tutelles, être informé de la procédure mise en place et pouvoir être représenté par un avocat.
Le rapport Favard propose que, outre la famille stricto sensu, toute personne proche puisse présenter une requête au juge des tutelles. Par personne proche il faut entendre celle qui assure en fait, de manière habituelle, la charge effective du majeur. Parallèlement, la personne proche figurerait sur la liste des personnes susceptibles d'être désignées comme administratrices légales.
L'article 1244 du code de procédure civile fixant le contenu de la requête devrait être complété. Le requérant devrait fournir, à l'appui de sa demande, des informations permettant d'apprécier la situation patrimoniale de la personne à protéger. Il devrait, aussi, être fait état de l'existence éventuelle d'une personne ayant manifesté le souhait de prendre en charge la gestion des affaires du majeur à protéger et susceptible d'exercer la mesure de protection demandée. La requête indiquerait également s'il paraît nécessaire, au demandeur, de procéder immédiatement à des actes urgents.
Selon le groupe de travail, l'obligation de produire un certificat d'un médecin spécialiste doit être « rigoureusement » entendue. Toute demande dépourvue de certificat devrait être rejetée comme irrecevable.
Par ailleurs, ce document devrait être argumenté et circonstancié. A ce titre, il devrait non seulement décrire l'altération des facultés mentales, mais aussi indiquer en quoi elle entraîne des conséquences sur les actes de la vie civile, empêchant le majeur de pourvoir à ses intérêts, ou présente un risque de mise en danger de ses intérêts. Le Conseil national de l'ordre des médecins rendra prochainement sur ce sujet un rapport sur la pratique du certificat médical.
Le groupe de travail n'a pas retenu l'idée d'une expertise contradictoire. Toutefois, il préconise que l'intéressé puisse être assisté, lors de l'expertise, par la personne de son choix (un proche ou son médecin traitant). S'agissant du coût du certificat, le rapport prône un « tarif spécifique et raisonnable ».
A noter : pour les personnes hospitalisées, la mission recommande que le certificat soit établi par un médecin spécialiste autre que celui de l'établissement de soins.
S'appuyant sur la recommandation du Conseil de l'Europe du 23 février 1999, ainsi que sur des travaux du ministère de la Justice, la mission Favard se prononce en faveur d'uneconsultation obligatoire du majeur protégé par le juge des tutelles. L'intéressé devrait également être informé de l'engagement d'une procédure à son encontre, par le magistrat, dès le début de celle-ci.
Dans le même ordre d'idée, le rapport suggère un renforcement de l'intervention du médecin traitant. Plusieurs dispositions du code civil consacrent déjà ce rôle. Mais, remarque le groupe de travail, « la situation d'absence avérée de médecin traitant, s'agissant de personnes non admises en établissement, n'est pas clairement résolue ». Pour pallier cette absence, l'appel à l'équipe psychiatrique de secteur devrait être prévu dans les textes. Dès lors, l'avis du médecin qui a dispensé ou a commencé à dispenser des soins devrait toujours être joint avant toute transmission d'un dossier au procureur de la République.
Le rapport Favard se prononce en faveur d'une présence accrue de l'avocat auprès du majeur. Celle-ci n'est actuellement organisée que dans des cas ponctuels par le code de procédure civile. A ce titre, à l'occasion de son audition, le majeur non assisté devrait être « averti de son droit à l'assistance d'un avocat, formalité qui pourrait être prescrite à peine de nullité du procès-verbal d'audition ». Dans l'hypothèse où le juge serait amené, sur l'avis du médecin, à décider de ne pas procéder à l'audition du majeur, il devrait également prendre une motivation particulière sur la question du conseil, s'il juge que sa présence n'est pas nécessaire.
Par ailleurs, le dossier du majeur devrait êtrecommuniqué à l'avocat, à tout moment de la procédure, et pas seulement, comme c'est le cas actuellement, dans les 15 jours qui précèdent l'audience fixée pour statuer sur la mesure de protection. De même, le constat du médecin spécialiste devrait être remis au requérant « à tout moment de la procédure ».
Toujours dans l'esprit du respect de la dignité et de la liberté des individus, la mission Favard plaide pour une révision périodique des mesures de protection. Ainsi, le juge des tutelles devrait, lors de sa décision initiale, fixer la durée maximale de la mesure, sans que celle-ci puisse excéder 5 ans. L'absence de renouvellement aurait pour effet de rendre la mesure caduque.
Pour le renouvellement de la mesure, il devrait être fourni, au minimum, un nouveau certificat médical d'un médecin agréé ou une nouvelle évaluation médico-sociale.
S'agissant des recours, la mission propose d'en harmoniser les voies et de tous les confier à la cour d'appel.
Le système actuel se caractérise, déplore Jean Favard, par « un assemblage disparate de réglementations prévoyant des financements tantôt trop restreints, tantôt inégalitaires, tantôt d'une générosité incontrôlée, à moins qu'elles n'omettent au contraire tout financement comme dans le cas des mandataires spéciaux ». Pour y remédier le rapport prône l'institution d'un financement par dotation globale.
Outre Jean Favard, conseiller honoraire à la Cour de cassation, qui en assurait la présidence, le groupe de travail était composé de 7 membres : Roland Cecchi-Tenerini, inspecteur des affaires sociales ; Claude Fournier, juge directeur du tribunal d'instance de Paris ; Thierry Verheyde, vice-président du tribunal de grande instance de Lille ; Yvon Guillerm, directeur des affaires sanitaires et sociales du Morbihan ; Philippe Vitoux, directeur des affaires sanitaires et sociales du Maine-et-Loire ; Véronique Bedague- Hamilius, direction du budget du ministère de l'Economie et des Finances et Daniel Buchet, conseiller technique à la caisse nationale des allocations familiales.
La mission Favard a procédé, de juin à octobre 1999, à l'audition de tous les acteurs du système de protection des majeurs : associations, gérants de tutelle privés, représentants des avocats, des magistrats et des greffiers en chef des tribunaux. Dans une deuxième étape, les observations des différents partenaires ont été sollicitées sur la base des hypothèses de travail retenues par le groupe interministériel.
La proposition des trois inspections d'aligner les prélèvements du gérant de tutelles sur ceux des mesures d'Etat « est on ne peut plus justifiée ». Ce prélèvement unifié serait étendu à toute la gamme des mesures de protection ordonnées par le juge. L'idée est, donc, de généraliser à l'ensemble des mesures de protection le dispositif de prélèvement sur ressources applicable aux curatelles et tutelles d'Etat depuis l'arrêté du 27 juillet 1999 (6), soit :
• 3 % sur la tranche de revenu inférieure ou égale au minimum vieillesse ;
• 7 % pour celle comprise entre le minimum vieillesse et le SMIC brut ;
• 14 % pour celle comprise entre le SMIC brut et le SMIC brut majoré de 75 %.
Au-dessus de ce plafond ou si l'importance des biens à gérer le justifie, le juge des tutelles pourraitautoriser des prélèvements supplémentaires, comme le décret du 6 novembre 1974 le prévoit, mais cela, « sans automatisme et sur justifications suffisantes ».
A noter : dans le cadre des mesures de gestion budgétaire et sociale, les prélèvements viendraient en déduction de la rémunération à la charge de l'organisme débiteur de la prestation sociale, comme c'est aujourd'hui le cas pour les tutelles et les curatelles d'Etat.
La très grande disparité des financements constitue la principale source de mécontentement, note la mission. Partant du constat que le coût d'une mesure est variable, d'une part, selon les besoins individuels de chaque personne protégée, quelle que soit la mesure prononcée et, d'autre part, en fonction du temps, le groupe propose un financement par dotation globale. Et ce, « de manière à rémunérer la réalité d'un service de protection des majeurs plus que les mesures elles-mêmes ».
Une telle réforme, plaide Jean Favard, « favoriserait la prise en charge sociale, patrimoniale et juridique des personnes protégées, quelle que soit la nature de la mesure décidée ». Autre avantage d'un tel système : le choix de la mesure de protection serait uniquement déterminé par les besoins réels de la personne et non plus, comme à présent, par les modalités de financement de cette mesure.
Le financement public des tutelles aux prestations sociales adultes et des mesures d'Etat s'élève, selon le rapport, à près de 1, 5 milliard de francs par an. Concrètement, il s'agirait de gérer une enveloppe nationale, destinée à financer les organismes gestionnaires de mesures de protection. L'opérateur recevrait les financements, provenant des diverses origines, et lesredistribuerait par enveloppes régionales. En tant que tel, estime le rapport, ce dispositif devrait êtregéré par l'Etat. Il ne tranche pas la question entre une gestion exercée par le ministère de la Justice (comme la protection judiciaire de la jeunesse) ou par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, comme c'est le cas actuellement. L'idée d'une gestion par les caisses d'allocations familiales est en revanche exclue, en raison, notamment, de leur implantation uniquement départementale et de la présence au sein du conseil d'administration des caisses de représentants des associations gestionnaires de mesures de protection.
Afin d'éviter que le système ne devienne « conservateur et générateur d'un tassement de l'activité de protection », la mission prône des financements incitatifs qui prennent en compte l'évolution de la qualité et du dynamisme du service rendu. Elle propose ainsi un système de contractualisation entre l'association gestionnaire et la structure régionale de financement, « gage d'un engagement réciproque, motivé et transparent ».
Sans s'avancer à fixer un prix par mesure, Jean Favard estime cependant qu'un délégué peut gérer « correctement » une quarantaine de mesures en moyenne, pour une activité à temps plein. Mais, ajoute-il, au-delà des indicateurs quantitatifs, « la qualité de la prise en charge et, plus particulièrement celle liée à l'accompagnement de la personne, devrait être prise en compte ».
La mission Favard juge indispensable de corriger le déséquilibre entre les formations existantes (certificat national de compétence pour les délégués à la tutelle aux prestations sociales et formation de tuteur aux majeurs protégés) et de donner une meilleure cohérence au dispositif. A ce titre, elle propose de réunir les deux types de formation en une formation unique, obligatoire pour toute personne, autre qu'un membre de la famille, qui doit assurer la gestion d'une mesure de protection. Cette formation serait sanctionnée par un certificat national de compétence.
Par ailleurs, Jean Favard estime essentiel de diversifier l'accès au métier de protecteur des majeurs, notamment par le biais de la validation des acquis professionnels. Le certificat national de compétence serait obligatoire pour l'inscription sur la liste des gérants de tutelles et des délégués à la tutelle d'Etat, la perspective d'une seule liste nationale étant à envisager.
Cette formation devrait être adaptée aux gérants privés. Pour les gérants bénévoles, des mesures devraient être prises pour que le coût de la formation ne soit pas un obstacle à celle-ci.
S'agissant des tuteurs familiaux, en revanche, cette formation n'apparaît « pas la plus pertinente ». Le rapport préconise, plutôt, la voie de l'aide aux tuteurs familiaux.
Par ailleurs, insiste le rapport, le système devraits'adapter à la variation du nombre de mesures, en cours d'année.
Placée sous l'autorité du préfet de région, une conférence régionale sur la protection des majeurs serait instituée. Elle attribuerait, annuellement, à chaque association ou service tutélaire, le budget nécessaire à son fonctionnement. Elle se substituerait à l'actuelle commission départementale des tutelles aux prestations sociales. Une évaluation préalable des activités serait effectuée.
Avant que le système ne soit généralisé, le groupe de travail préconise d'expérimenter ce financement dans 4 régions pendant 2 ans, puis d'en réaliser une évaluation. Il serait sage, poursuit-il, de ne rendre cette expérimentation effective « qu'après la mise en place législative et réglementaire du dispositif de saisine des juges et des procureurs de la République et de celui permettant l'évaluation médico-sociale. Car le financement des associations ne représente qu'un élément d'un dispositif d'ensemble auquel il importe de conserver le plus de cohérence possible. »
Indépendamment de toute réforme du dispositif de protection des majeurs, la mission défend l'idée d'un contrôle minimum, en deçà duquel la responsabilité de l'Etat pourrait être engagée.
S'agissant des tuteurs familiaux, « en général honnêtes et de bonne foi », elle défend l'idée de lamise en place d'une aide consistante, en matière d'établissement des comptes, avec une information préalable et adaptée sur leurs droits et obligations. Par ailleurs, le rapport Favard met l'accent sur l'importance des contrôles internes et suggère, à ce titre, la désignation, dans le cadre de l'administration légale, d'un administrateur subrogé. Il aurait les mêmes fonctions que celles assumées par le subrogé tuteur, dans les cas d'une tutelle avec conseil de famille.
Les associations sont également invitées à renforcer leurs contrôles internes :recours aux commissaires aux comptes et séparation systématique entre l'ordonnateur (délégué à la tutelle) et le payeur, comme en matière de comptabilité publique. En outre, la loi devrait prévoir une obligation d'assurance responsabilité civile.
Par ailleurs, des agents du Trésor public ou de la Caisse des dépôts et consignations devraient être mis à la disposition des magistrats dans les tribunaux d'instance.
Enfin, dans leur rapport de 1998, les trois inspections avaient notamment mis en cause le fonctionnement des comptes pivots, quiregroupent dans un compte unique ouvert au nom de l'organisme tutélaire concerné, l'ensemble des comptes des majeurs pris en charge, générantdes intérêts ne revenant pas directement à ces derniers. Pour Jean Favard, ces intérêts ne peuvent être regardés que « comme la propriété des majeurs protégés ». Il préconise donc leur redistribution aux personnes concernées. Pour l'avenir, il note avec satisfaction que les « associations tutélaires seraient disposées à revenir à un mode de gestion plus individualisé ».
Sophie Courault
Un sentiment global de satisfaction : c'est, sans conteste, l'état d'esprit de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et de l'Association nationale des gérants de tutelle hospitaliers (ANGT) à la lecture du rapport Favard. Sur un plan général, les deux organisations se réjouissent que le document intègre largement leurs propositions.
Concrètement, l'UNAF apprécie que la priorité soit donnée à la personne : l'union « a toujours, tout au long des discussions, fait de la personne le centre de gravité de la réforme attendue ». Ainsi, sur le plan symbolique, elle se félicite, tout particulièrement, de la proposition de remplacer les termes d'« incapable majeur » par ceux de « majeur protégé ». La suggestion de mettre en place une évaluation sociale, en amont d'une éventuelle procédure judiciaire, est également saluée avec intérêt. Ainsi, l'UNAF déclare-t-elle avoir « toujours souhaité que le juge soit éclairé avant de décider et que le professionnel qui exerce la mesure dispose d'un diagnostic préalable ».
Par ailleurs, l'idée d'un financement par dotation globale des mesures est tout aussi bien accueillie. L'ANGT revendique, en effet, depuis longtemps un financement unique, qui permette d'aligner la rémunération perçue dans le cadre de la gérance de tutelle sur celle des autres mesures de protection. En outre, la référence à « des indicateurs fiables de fonctionnement des services », introduite dans le rapport, est de nature à rassurer l'UNAF.
Cette dernière déclare, toutefois, être vigilante quant à la mise en œuvre de la réforme préconisée par Jean Favard. Selon elle, celle-ci doit se traduire, en premier lieu, par une modification de la loi, ensuite par des évolutions administratives et, enfin seulement, par des décisions d'ordre financier. « Il ne saurait être question de modifier le fonctionnement des services, qu'il s'agisse de leur mode de travail ou de financement dans le cadre ancien de la législation », avertit-elle. L'enjeu est, maintenant, de construire « un partenariat exigeant » avec l'ensemble des acteurs « pour progresser vers un dispositif respectueux de la liberté et de la dignité des personnes ».
(1) Voir ASH n° 2094 du 20-11-98.
(2) Le Sénat a adopté en novembre 1999, en première lecture, une proposition de loi visant à permettre au juge des tutelles d'autoriser le majeur en tutelle à exercer seul son droit de vote.
(3) La loi du 15 novembre1999 prévoit expressément qu'un majeur sous tutelle ne peut pas conclure un pacte civil de solidarité - Voir ASH n° 2142 du 19-11-99.
(4) Voir ASH n° 2150 du 21-01-00.
(5) Le rapport Sueur sur la PSD ne remet pas en cause l'existence de cette équipe médico-sociale - Voir ASH n° 2167 du 19-05-00.
(6) Voir ASH n° 2129 du 20-08-99.