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Eviter les illusions d'une croissance retrouvée

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Avec « l'embellie économique », les lacunes des dispositifs d'aide à l'emploi apparaissent plus criantes. Et rendent d'autant plus délicate et nécessaire l'action des missions locales et PAIO.

La priorité accordée aux politiques de l'emploi par le gouvernement de Lionel Jospin et la loi contre les exclusions ont incontestablement contribué au dynamisme du réseau des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes et des permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO). Elles ont constitué une étape majeure dans sa reconnaissance et sa visibilité. Pilotes du programme TRACE, mais aussi acteurs essentiels avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) des dispositifs « emplois-jeunes » et « nouveaux départs », les missions locales/PAIO ont pris un tournant décisif.

Le chemin parcouru depuis leur création en 1982, à titre expérimental et sous l'inspiration de Bertrand Schwartz, est long. Elles forment aujourd'hui un réseau imposant et reconnu (612 structures, soit 348 missions locales et 264 PAIO), comme l'ont rappelé les participants aux dernières assises nationales des missions locales et PAIO (1). Fortes de 18 années d'expérience, initialement vouées à mobiliser un partenariat local au service de l'insertion des jeunes, elles sont devenues des organismes centraux des politiques de la jeunesse et de l'emploi. Et ce, dans un contexte, il y a peu encore, très défavorable à l'emploi des 18-25 ans.

Une mission de service public reconnue

Autorisées, depuis 1993, à passer des accords de collaboration pour prosposer l'ANPE et à devenir « Espace jeunes » pour proposer un accès direct aux offres d'emploi ;intégrées, depuis 1996, au sein du réseau public de l'insertion des jeunes avec les ministères de l'Agriculture, de la Jeunesse et des Sports et de l'Education nationale, les missions locales remplissent bien, aux yeux du gouvernement, « une mission de service public ». Un principe d'ailleurs clairement rappelé dans le protocole 2000, qui redéfinit un cadre général d'action, signé le 20 avril entre ces der- nières, l'Etat et les régions (2). Faut-il en outre préciser que le réseau des missions locales/PAIO est partie prenante des politiques de formation professionnelle et d'insertion, dévolues aux régions depuis la loi quinquennale de 1993 ? Et qu'il occupe une place importante dans la politique de la ville dont il partage la culture pluridisciplinaire et territoriale ? C'est d'ailleurs à ce dernier titre que, le 18 avril, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a invité les missions locales à « être les témoins privilégiés des actes de racisme et des acteurs à part entière de la politique de lutte contre les discriminations ». De la même manière , leur participation est prévue au sein des équipes « emploi- insertion » instituées par la délégation interministérielle à la ville (3).

Bref, les missions locales et PAIO semblent atteindre sereinement leur majorité. Pourtant, leur apparente bonne santé ne saurait masquer certaines inquiétudes et insatisfactions.

Première d'entre elles : avec l'embellie relative de la situation de l'emploi, les écarts se creusent, rendant plus visible et plus intolérable encore la situation de ceux qui demeurent exclus du marché du travail. « Avec le retour de la croissance, nous sommes d'autant plus responsables de la place que pourront y tenir les jeunes », défend Michel Destot, président du Conseil national des missions locales. Or, dans ce nouveau contexte, les limites ou les lacunes des dispositifs utilisés apparaissent encore plus criantes.

Les limites de TRACE

Le programme TRACE affiche ainsi un bilan mitigé. Certes, beaucoup de missions locales, les premières craintes dépassées, y voient un outil proche de leurs pratiques, bien adapté, et qui a même obligé les équipes à s'interroger sur leurs publics et leurs pratiques. Certes, les missions locales bénéficient du satisfecit délivré par le gouvernement à ce programme :50 000 jeunes sont entrés dans le dispositif ; la moitié de ceux qui en sont sortis ont un emploi et 75 % de ceux entrés il y a 15 mois sont en formation ou embauchés. Enfin, 28 % des programmes TRACE concernent bien des jeunes des quartiers défavorisés, l'objectif initial de 25 % étant dépassé. Mais les directeurs, comme les élus, confirment aussi le constat moins reluisant dressé par la députée Hélène Mignon (4). « Malgré les efforts, on est encore loin du cœur de cible et les plus exclus restent trop souvent en dehors des dispositifs », avoue Gérard Michel, président de la mission locale de Nancy. Tous déplorent également que la plupart des emplois trouvés par les jeunes à l'issue de TRACE soient des contrats emploi-solidarité et que les contrats d'orientation restent si peu utilisés. « Il faut par ailleurs souligner les dysfonctionnements de certains comités de pilotage locaux et les difficultés d'organisation rencontrées par les missions locales avec la montée en charge du programme. Aussi, les personnels ont-ils pu se sentir un peu esseulés », reconnaît Hubert Peurichard, délégué interministériel à l'insertion professionnelle des jeunes. Même si le bilan des missions locales ne peut se réduire au seul programme TRACE, ses limites valent souvent pour l'ensemble des actions.

« Il faudrait mieux articuler les réseaux et les compétences autour du jeune », s'accordent à penser les professionnels. Car, le bât blesse là aussi. Certains liens restent difficiles à tisser. « Le partenariat avec le monde économique est notoirement insuffisant. Nous manquons d'expérience et de savoir-faire dans ce domaine », admet Pierre de Saintignon, président de la mission locale de Lille. Si des expériences existent et que se construisent çà et là des collaborations (entreprises marraines, travail avec les chambres des métiers), « les relations ne sont pas souvent formalisées », convient de son côté la présidente de la mission locale de Bordeaux, Véronique Fayet.

Quant au partenariat avec l'Education nationale, lui aussi essentiel, il ne semble pas débarrassé de ses contentieux « originels »  : sentiment de concurrence déloyale de la part des Centres d'information et d'orientation (CIO) et discours accusateurs des missions locales sur les pratiques excluantes des établissements scolaires. Il faut dire que les mission locales et PAIO n'ont vocation à accueillir que les jeunes sortis du système scolaire, alors même que les collèges et lycées n'ont ni la culture ni les moyens de suivre « l'après » scolarité. Pas facile, dans ces conditions, de travailler ensemble. Le programme « Nouvelles chances », né en septembre 1999 et issu de la loi de lutte contre les exclusions, tente néanmoins de jeter des ponts pour bâtir des compléments de formation et des solutions adaptées pour les jeunes déscolarisés et sans qualification. Et des initiatives locales vont dans le même sens (voir encadré).

Reste que missions locale et PAIO doivent gérer des liens peu clairs avec les autres institutions, d'aucuns soulignant « qu'on peut difficilement être un partenaire volontaire quand on est un opérateur obligé ». Devenues partie intégrante du service public de l'emploi, ne doivent-elles pas en particulier redéfinir leurs relations avec l'ANPE ?

Sortir les salariés de la précarité

Mais il semble qu'il y ait un chantier plus urgent. Car de « service public », le réseau n'a bien que la mission. Depuis bientôt deux décennies, il est confronté au problème de la reconnaissance et du statut de ses salariés. Environ 7 000, ces derniers exercent dans le cadre de multiples conventions ou accords d'entreprise. « Les écarts de salaires, selon les régions, sont impressionnants », s'alarme Philippe Berhault, secrétaire général du Syndicat national du réseau d'accueil et d'insertion des jeunes (SYNARIJ) -CFDT (5). « En revanche, poursuit-il, le salaire médian reste faible puisqu'il doit tourner autour de 7 000 F.  »

Le syndicat dénonce également le poids des contrats précaires  (contrat emploi- solidarité, temps partiel, contrat à durée déterminée) au sein du réseau. Serpent de mer, cette question est aujourd'hui sur la table des négociations, les salariés ayant enfin un interlocuteur, avec la création d'un syndicat d'employeurs en mars 1998 (6). Les discussions, commencées en janvier autour de la construction d'une branche professionnelle doivent déboucher sur une convention collective à la fin 2000. « La reconnaissance politique du réseau, notre inscription par exemple dans les contrats de plan Etat-région, nous permet de voir venir. Il n'y a donc pas de raison que les salariés restent dans la précarité », martèle Philippe Berhault. Un autre enjeu se situe dans une meilleure organisation territoriale. Car ces structures ont trop souvent été créées en fonction d'intérêts ou de volontés politiques très locales. Hors toute logique d'équipement national équilibré.

Valérie Larmignat

TRANSFO-EMPLOI À CONFLANS-SAINTE-HONORINE

Que faire de ces jeunes sortis du système scolaire ou refusant les solutions proposées par l'Education nationale, réticents à tout retour à l'école et n'accédant pas aux formations professionnelles offertes par la région ? C'est avec la conviction qu'une réponse spécifique devait leur être apportée que la mission locale de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) a monté, il y a trois ans, le dispositif Transfo-emploi (7) . Objectif : proposer à ces jeunes une remise en route, une « formation » et un travail sur leur projet professionnel au travers d'actions non estampillées Education nationale. « Nous travaillons à partir de leur dynamique, nous listons leurs acquis avec parallèlement une action importante de socialisation. Et nous offrons une préparation à la vie professionnelle tout en revenant sur la transmission des savoirs fondamentaux. L'ouverture à d'autres champs culturels et le développement de l'esprit critique sont pour nous essentiels », explique Martial Dutailly, directeur de la mission locale. A Conflans, cette dernière est donc devenue opérateur direct de formation, avec l'accord de la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Une mission a priori exclue de la vocation de ces structures. La totalité des 26 jeunes accompagnés depuis 1997 a trouvé un emploi . « Mais ce compte-là ne m'intéresse pas. Ce qui m'importe davantage, c'est combien de jeunes mènent un projet qui corresponde à leur choix et à une dynamique de vie », précise Martial Dutailly.

Notes

(1)  Le 20 avril 2000 - Palais des Congrès - Paris - Délégation interministérielle à l'insertion des jeunes - Conseil national des missions locales : 194, avenue du Président-Wilson - 93217 Saint-Denis-La-Plaine cedex - Tél. 01 49 17 46 46.

(2)  Voir ASH n° 2164 du 28-04-00.

(3)  Voir ASH n° 2164 du 28-04-00.

(4)  Voir ASH n° 2155 du 25-02-00.

(5)  SYNARIJ-CFDT : 47/49, avenue Simon-Bolivar - 75950 Paris cedex 19 - Tél. 01 40 18 77 96.

(6)  Voir ASH n° 2063 du 20-03-98. 

(7)  En collaboration avec un lycée, la mission régionale d'insertion de l'Education nationale et le centre d'informations et d'orientation de Poissy - Mission locale : 12, place Romagné - 78700 Conflans-Sainte-Honorine - Tél. 01 39 72 18 88.

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