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Une aide personnalisée à l'autonomie pour remplacer la PSD ?

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Exit la prestation spécifique dépendance ? Le gouvernement a chargé Jean-Pierre Sueur de réfléchir à une meilleure prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. L'enjeu : sortir de la logique d'aide sociale. Au cœur du dispositif proposé par le maire d'Orléans, figure une prestation légale, l'aide personnalisée à l'autonomie (APA), qui se veut plus généreuse et offre des conditions d'accès similaires sur l'ensemble du territoire. L'APA serait gérée par les départements et les caisses de retraite, avec une participation financière de l'Etat.

Le rapport tant attendu de Jean-Pierre Sueur a enfin été rendu public le 15 mai. C'est, en effet, en décembre 1999, que le maire socialiste d'Orléans s'est vu confier par Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, une mission de concertation, avec l'ensemble des partenaires, sur les améliorations à apporter à la loi du 24 janvier 1997 sur la prestation spécifique dépendance (PSD). Mis en place dans l'attente du vote d'une loi instituant une prestation autonomie, promise depuis plus de 10 ans, ce dispositif a fait l'unanimité contre lui. Echec qui, finalement, sous la pression des organisations à l'origine du livre noir puis du livre blanc sur la PSD (1), a été reconnu d'abord par Martine Aubry devant le Conseil économique et social, puis plus récemment par Lionel Jospin. Alors que le gouvernement était resté bloqué pendant 3 ans sur ce dossier.

Parmi les griefs, repris d'ailleurs par Jean-Pierre Sueur, le caractère inégalitaire etaléatoire de la prestation. Sur 1, 3 million de personnes potentiellement concernées, seules 120 000 en bénéficient. Quant au niveau de la prestation, il varie de 1 à 4 selon les départements, pour s'établir à une moyenne mensuelle de3 400 F à domicile et de1 800 F en établissement  (2). Des sommes de toute façon jugées dérisoires et qui auraient permis aux conseils généraux d'économiser 600 millions de francs entre 1996 et 1998. La PSD a «  manqué son objet  », reconnaît Jean-Pierre Sueur, qui propose de mettre en place une nouvelle prestation, plus généreuse, donc plus coûteuse, que celle actuelle : l'aide personnalisée à l'autonomie (APA). Celle-ci pourrait toucher 900 000 personnes âgées fortement et moyennement dépendantes vivant à leur domicile.

Souhaitant sortir de la logique d'assistance ou de l'aide sociale, le dispositif qu'il préconise repose sur un droit mis en œuvre dans les mêmes conditions sur l'ensemble du territoire et personnalisé en fonction de la situation de chacun. Propositions qui s'inscrivent dans le droit fil de l'engagement du Premier ministre, le 21 mars dernier, de procéder à une «  vaste réforme  » de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées «  d'ici à la fin de la législature  », en 2002 (3).

Ce travail, réalisé en étroite coopération avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, devrait servir de base au projet de loi prévu pour la fin de l'année. C'est «  une contribution majeure aux réflexions engagées pour rénover profondément les conditions de prise en charge de la dépendance », estime le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, dans un communiqué du 15 mai. Et selon lui, la réflexion va «  se poursuivre avec l'ensemble des partenaires concernés, notamment les départements et les caisses de sécurité sociale  ».

Pour l'essentiel, l'APA vise les personnes âgées dépendantes vivant à domicile. Toutefois, elle se veut «  en cohérence  » avec les propositions examinées actuellement par Jean-René Brunetière pour améliorer la prise en charge en établissement (4).

Globalement, les propositions sont plutôt bien accueillies par les organisations du secteur. Celles-ci saluent, en effet, la « nouvelle étape » que constitue ce rapport, même s'il reste en deçà de leurs attentes sur bon nombre de points. Et laisse encore beaucoup de questions en suspens.

Les caractéristiques de l'aide personnalisée à l'autonomie

La prise en charge des situations de dépendance doit êtreun droit pour chaque personne concernée, droit qui se concrétise par une mise en œuvre dans lesmêmes conditions sur l'ensemble du territoire, indique Jean-Pierre Sueur dans son rapport. « On passe de la logique de l'aide sociale à celle du droit garanti à tout être humain, dans des conditions qui sont les mêmes pour tous »(5).

Le maire d'Orléans propose que ce droit prenne la forme d'une nouvelle prestation, l'aide personnalisée à l'autonomie. « Le choix des termes n'est pas neutre », explique-t-il. Le concept d'autonomie renvoie, contrairement à celui de dépendance, « aux espaces de liberté qu'il faut constamment préserver, conquérir, élargir ». Le terme « personnalisée » suggère que si le droit à la prestation doit être le même pour tous,sa mise en œuvre doit être clairement adaptée à chaque personne, au travers de plans d'aide individualisés (6).

Cette réforme vise à surmonter la césure actuelle entre les deux systèmes existants, qui se partagent les publics selon le degré de dépendance : la prestation spécifique dépendance, financée par les départements, et l'aide ménagère à domicile, à la charge des caisses de retraite.

Pour cela, précise Jean-Pierre Sueur, l'aide personnalisée à l'autonomie (APA) est basée, d'une part, sur l'harmonisation des règles d'attribution et de gestion de ces deux systèmes et, d'autre part, sur l'élimination, au sein de ces derniers,des disparités actuelles. Le processus proposé comporte ainsi « deux réformes principales susceptibles d'être mises en œuvre simultanément »  : la création d'un nouveau droit concrétisé par une prestation nouvelle et gérée par les départements pour les personnes les plus dépendantes selon l'échelle des groupes iso-ressources (GIR 1, 2 et 3)  ; la transformation de la prestation d'aide ménagère à domicile en une prestation légale allouée, dans les mêmes conditions et sous la même appellation, pour le GIR 4.

L'APA regroupe ainsi les deux anciens dispositifs en un système cohérent, du moins jusqu'au GIR 4 (7). Ainsi, l'architecture proposée « s'appuie sur l'existant pour faire [un] grand pas en avant », à partir d'undroit national assorti d'une gestion de proximité. Avec un pari : le développement du partenariat entre les départements et les organismes de sécurité sociale.

Les conditions d'accès à cette nouvelle prestation et les tarifs, seraient fixés par la loi et ses textes d'application. Elle prendrait en charge, outre des heures d'aide ménagère, des adaptations du domicile ou l'installation d'équipements appropriés, des prestations visant à enrayer l' « enfermement » dans la situation de dépendance (soutien psychologique, groupes d'écoute et de parole, socialisation, transports, loisirs...).

Le mécanisme de l'aide personnalisée à l'autonomie

Versée dans le cadre de plans d'aide, définis légalement selon le groupe iso-ressources d'appartenance, l'aide personnalisée à l'autonomie serai modulée en fonction du niveau de dépendance. Un ticket modérateur resterait à la charge des bénéficiaires, calculé à partir des ressources des allocataires, y compris leur patrimoine « dormant ». La récupération sur les successions serait supprimée et celle sur les donations interviendrait à partir de 300 000 F.

A noter : pour garantir les droits acquis et éviter les ruptures de prises en charge, un dispositif analogue à celui mis en œuvre lors de l'entrée en vigueur de l'allocation compensatrice pour tierce personne est préconisé. Les intéressés bénéficieraient ainsi, pour éviter de voir leurs avantages réduits du fait d'une nouvelle loi, d'un allocation différentielle qui serait périodiquement réévaluée.

Les plans d'aide subventionnés

Afin de promouvoir une prestation plus juste et plus cohérente, un  droit à des volumes d'aide, uniformes sur tout le territoire et calculés en fonction du groupe iso-ressources d'appartenance, est proposé. Il permettrait de couvrir des heures d'aide à domicile et d'autres dépenses destinées à favoriser l'autonomie des personnes âgées. De plus, ces dernières auraient le choix du mode d'intervention pour l'aide à domicile.

LE MONTANT DES PLANS

A chaque GIR correspond un montant garanti : le plan d'aide subventionné, exprimé en valeur monétaire. Les montants mensuels avancés sont les suivants (8)  :

•  7 000 F pour une personne du GIR 1 ;

•  6 000 F pour une personne du GIR 2 ;

•  4 500 F pour une personne du GIR 3 ;

• 3 000 F pour une personne du GIR 4.

Le montant garanti du plan d'aide pour chacun des groupes iso-ressources correspondrait à un droit de tirage que la personne pourrait utiliser totalement ou partiellement, à son gré, moyennant l'acquittement d'un ticket modérateur.

LE CONTENU DES PLANS

L'équipe médico-sociale, dans la limite du droit légalement ouvert, aiderait la personne âgée à faire le diagnostic de ses besoins et à bâtir son plan d'aide concret (comme actuellement pour la PSD).

Ce plan comporterait, à la fois, des heures d'aide à domicile et d'autres dépenses de natures diverses, destinées à favoriser l'autonomie des personnes âgées. 50 % du montant du plan servirait à des aides autres que de personnel (contre 10 % pour la PSD actuelle) (9)  : accueil de jour ou accueil temporaire (y compris les frais de transport) (10), aides techniques appliquées à l'adaptation du logement... Parallèlement, pour favoriser une grande souplesse d'utilisation, la possibilité d'une annualisation partielle du versement de l'APA permettrait de couvrir les frais importants inscrits dans le plan d'aide (11).

Quatre principes

L'aide personnalisée à l'autonomie repose sur quatre principes :

• la définition de tarifs de référence nationaux, légaux et obligatoires pour les montants des plans d'aide subventionnés auxquels la personne a droit ;

• la détermination de ces montants en fonction du seul degré de dépendance (les groupes iso-ressources, GIR) ;

• une participation de la personne fixée au niveau national suivant un barème prenant en compte ses ressources ;

• une nécessaire solidarité nationale s'exprimant par une contribution de l'Etat, une implication plus forte des autres financeurs et des dispositifs de péréquation.

LE CHOIX DU MODE D'INTERVENTION POUR L'AIDE À DOMICILE

La personne âgée pourrait choisir le mode d'intervention de son aide à domicile :prestataire, mandataire ou gré à gré. Le seul recours au prestataire n'est pas la solution retenue par la mission Sueur, qui «  préfère respecter le libre choix de la personne âgée et de sa famille  » (12). De plus, le recours systématique au prestataire remettrait notamment en cause la possibilité, pour le bénéficiaire de l'APA, d'employer un membre de sa famille (un tiers environ des situations actuelles), souligne le rapport.

En revanche, le montant de la participation financière de la personne âgée dépendante serait calculé, non pas en fonction du coût de revient réel de l'intervenant à domicile, mais selon un tarif moyen national proche du tarif d'un prestataire (75 F de l'heure, par exemple).

De plus, dans un souci de qualité des interventions, le rapport met en avant la formation des intervenants (la loi du 24 janvier 1997 sur la PSD le prévoyait déjà, mais les textes d'application n'ont pas été pris). Cette formation pourrait être financée par les régions ou grâce à une cotisation forfaitaire sur l'APA destinée à alimenter un fonds.

Le ticket modérateur à la charge du bénéficiaire

Un ticket modérateur, à la charge des bénéficiaires, remplacerait la condition de ressources de la PSD actuelle, jugée trop limitative.

LES CARACTÉRISTIQUES DU TICKET MODÉRATEUR

Son taux varierait en fonction des ressources de l'intéressé, selon un modèle s'inspirant du calcul des ressources pour le versement de l'actuelle aide ménagère à domicile servie par la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Les ressources seraient appréciées en intégrant l'évaluation du patrimoine des intéressés. Les biens non productifs de revenus seraient ainsi valorisés en reprenant la méthode actuelle utilisée dans le cadre de la PSD (13).

Ce ticket suivrait le revenu et résulterait d'un barème « cohérent » au regard, entre autres, des réductions fiscales, précise le rapport Sueur. Il doit être tel, indique-t-il, que, après bénéfice des déductions fiscales attachées à la dépendance et à l'emploi d'un salarié à domicile, la participation de la personne (en pourcentage) soi fonction croissante de son revenu. Ce qui reste à la personne après paiement de son ticket modérateur devrait, en tout état de cause, lui permettre de vivre dans de bonnes conditions. Il ne serait pas dégressif selon le volume d'heures octroyées pour chacun des groupes iso-ressources (à la différence de l'actuel barème de la CNAV). De plus, il serait acquitté sur la part du plan d'aide consommé.

Les six groupes iso-ressources

Le groupe iso-ressources 1 correspond aux personnes confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions intellectuelles sont gravement altérées et qui nécessitent une présence indispensable et continue d'intervenants.

• Le groupe iso-ressources 2 se décompose en deux sous- groupes :

•  les personnes confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions mentales ne sont pas totalement altérées et qui nécessitent une prise en charge des activités de la vie courante ;

•  les personnes dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités locomotrices.

• Le groupe iso-ressources 3 correspond aux personnes ayant gardé leur autonomie mentale et, partiellement, leur autonomie locomotrice, mais qui nécessitent, plusieurs fois par jour, des aides pour leur autonomie corporelle. La plupart d'entre elles n'assurent pas seules l'hygiène de l'élimination.

• Le groupe iso-ressources 4 comprend deux sous-groupes :

–  les personnes qui n'assument pas seules leurs transferts, mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l'intérieur du logement. Elles doivent parfois être aidées pour la toilette et l'habillage. La grande majorité d'entre elles s'alimentent seules ;

– - les personnes qui n'ont pas de problèmes pour se déplacer, mais qu'il faut aider pour les activités corporelles et les repas.

• Le groupe iso-ressources 5 correspond aux personnes qui assurent seules leurs déplacements à l'intérieur de leur logement, s'alimentent et s'habillent seules, mais qui nécessitent néanmoins une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage.

• Le groupe iso-ressources 6 réunit les personnes qui n'ont pas perdu leur autonomie pour les actes discriminants de la vie courante.

Enfin, aussi faible que soit le revenu de la personne, l'aide ne prendrait pas en charge la totalité de la dépense. Le bénéficiaire paierait toujours un pourcentage, si modeste soit-il, de son plan d'aide.

A noter : le rapport Sueur suggère d'inclure, de manière explicite, l'allocation de logement dans la liste actuelle des revenus non pris en compte au titre de la PSD. « Il faut une liste limitative en bonne et due forme pour mettre fin aux pratiques dilatoires qui subordonnent [la demande] à la fourniture de pièces justificatives supplémentaires non prévues par la loi », relève-t-il.

LE BARÈME DE PARTICIPATION

Le taux de participation du bénéficiaire, en fonction de son revenu brut fiscal (revenu fiscal de référence, revenu imposable), serait le suivant :

•  jusqu'à 3 800 F de revenu brut fiscal mensuel (soit légèrement au-dessus du minimum vieillesse), le ticket modérateur serait de 4% de la dépense ;

•  entre 3 800 F et 7 800 F (valeur proche de la moyenne des revenus de la classe d'âge en cause), le pourcentage augmenterait de façon linéaire de 4 % à 16 %, valeur atteinte pour un revenu de 7 800 F (à raison de 3 %par millier de francs)  ;

•  entre 7 800 F et 14 800 F (très proche du plafond de la sécurité sociale), le pourcentage progresserait de façon linéaire de 16 % à 100 %, à raison de 12 % par millier de francs. L'aide s'annulerait ainsi à partir d'un revenu de 14 800 F (14).

La récupération sur les successions et les donations

Plus radical que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, qui avait proposé un relèvement du seuil de 300 000 F à 500 000 F (15), le rapport Sueur suggère de supprimer le recours sur succession et fixe un seuil de 300 000 F pour celui sur les donations.

LE RECOURS SUR LES SUCCESSIONS...

Le recours sur succession (16) serait supprimé, dès lors que l'appréciation des ressources, au regard du barème de participation des intéressés, intègrerait une évaluation de leur patrimoine. L'effet psychologique induit par un tel recours sur succession, dénoncé par la grande majorité des organismes et associations auditionnés par la mission Sueur, serait supprimé. De plus, le double comptage actuel, au titre des conditions de ressources et du recours sur succession, disparaîtrait.

... ET SUR LES DONATIONS

Si un tel recours est «  juste  », ses modalités appellent des évolutions, indique le rapport Sueur. Il propose de modifier «  radicalement  » la logique du recours sur donation par deux mesures :

•  la suppression de tout recourssur les donations, dès lors que la valeur totale des donations réalisées dans les 10 ans précédant la demande de prestation ou postérieurement à cette demande n'excèderait pas 300 000 F  (17)  ;

• au-delà de 300 000 F de l'ensemble des donations réalisées, les revenus du donateur pris en compte pour le calcul du ticket modérateur seraient majorés forfaitairement de 3 % de la valeur de la donation excédant ce seuil.

Cette mesure aurait pour effet de se retourner uniquement vers le demandeur de l'aide.

La gestion partagée de l'aide personnalisée à l'autonomie

L'aide personnalisée à l'autonomie aurait des règles d'attribution, de calcul et d'utilisation « homogènes » du GIR 1 au GIR 4. Il s'agirait d'une gestion « de proximité », partagée entre les départements et les caisses de retraite (18).

Le département, actuel gestionnaire de la PSD, serait «  naturellement  » appelé à gérer l'APA pour les personnes des GIR 1, 2, 3.

Les régimes de vieillesse les plus importants (CNAV, mutualité sociale agricole, notamment) administreraient l'APA pour les personnes en GIR 4, sur la base d'un financement public. En effet, l'aide ménagère facultative des régimes de vieillesse serait transformée en une prestation légale étendue, dénommée également APA, financée par l'Etat.

D'après le rapport Sueur, il s'agirait en effet de donner plus de cohérence à la prise en charge de la dépendance à domicile du GIR 1 au GIR 4. Les disparités actuelles en matière d'aide ménagère à domicile ne seraient pas supprimées pour les personnes âgées relevant des GIR 5 et 6 ; ces aides relevant toujours de l'action sociale des caisses de retraite ou de l'aide sociale des départements. A ce propos, la mission Sueur répond que le choix de ne pas étendre la prestation aux dépendances les moins lourdes (GIR 5 et 6) est en cohérence avec le dispositif proposé pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées. « La relative ou très relative perte d'autonomie qui caractérise les GIR 5 ou 6 paraît pouvoir relever de l'aide facultative des caisses. » De plus, l'apport financier de l'Etat pour le GIR 4 permettrait aux caisses de retraite de « concentrer » leurs aides facultatives sur les GIR 5 (et 6).

Les conventions départements-caisses de retraite

Les conseils généraux et les caisses de retraite auraient l'obligation, dans les 12 mois qui suivent la mise en œuvre de la réforme, de conclure une convention portant sur un plan gérontologique d'ensemble. Ils y détailleraient le rôle de chaque institution et la coordination de leurs interventions, dans un dispositif unifié " où la frontière névralgique GIR 3/GIR 4 serait supprimée ". Ces conventions assureraient ainsi la mise en cohérence globale du système.

Le financement par l'Etat et les départements

L'aide personnalisée à l'autonomie, plus généreuse que la PSD, devrait être plus attractive pour les usagers. Elle serait donc plus coûteuse. Ce surcoût serait financé de trois façons : le paiement par les intéressés du ticket modérateur, une plus forte contribution des départements, un abondement financier de l'Etat.

Une fois les mises à niveaux nécessaires effectuées, l'effort financier supplémentaire serait réparti entre l'Etat et les départements. Il serait de l'ordre de 3,4 milliards de francs pour le premier et d 1 milliard pour les seconds.

La part versée par l'Etat donnerait lieu à une péréquation entre les départements, en tenant compte, par exemple, du nombre de personnes âgées dépendantes et du potentiel fiscal des départements.

Les coûts de la prestation nouvelle

Le coût total du nouveau dispositif est estimé, par la mission Sueur, à  12, 4 milliards de francs pour les GIR 1 à 4, soit :

•  7, 7 milliards pour les GIR 1 à 3 (à comparer aux 4, 4 milliards de dépenses des départements sur le même champ en 1998)  ;

•  4, 7 milliards pour le GIR 4(à comparer aux 2, 2 milliards versés au titre de l'aide ménagère à domicile, dont 1, 7 milliard à la charge des caisses de retraite et 500 millions de francs au titre de l'aide sociale départementale).

Vu les économies réalisées par les départements lors de la substitution de la prestation spécifique dépendance à l'allocation compensatrice pour tierce personne à domicile (environ 600 millions de francs entre 1996 et 1998, selon le rapport Sueur) et les économies que l'Etat enregistrera au titre des déductions fiscales (environ 700 millions de francs pour les GIR 1 à 3 et 100 millions pour le GIR 4), le rapport conclut que le surcoût net à financer devrait s'élever à 2 milliards environ pour les GIR 1 à 3 et 2, 4 milliards pour le GIR 4, à répartir entre l'Etat et les départements.

La péréquation de la part Etat entre les départements

La part versée par l'Etat pour les personnes en GIR 1 à 3 donnerait lieu à une péréquation entre départements, sous forme d'un abondement de la dotation globale de décentralisation, préconise la mission Sueur. Le concours financier de l'Etat aux départements serait, en année courante, de l'ordre de 1, 7 milliard de francs (soit 1 milliard, moitié du surcoût pris en charge par l'Etat et, 700 millions d'économies fiscales). Cette somme serait distribuée aux départements selon plusieurs critères qui pourraient être :

•  le nombre de personnes âgées dépendantes du département ;

•  le potentiel fiscal du département ;

• le nombre de bénéficiaires du RMI.

Il ne serait «  pas légitime  » de prendre en compte, dans la répartition de l'aide, les dépenses passées ou actuelles des départements, estime le rapport. En effet, cela conduirait à favoriser « de manière indue » les départements qui, pour une raison ou une autre, ont eu l'attitude la plus restrictive dans l'attribution de l'allocation compensatrice pour tierce personne.

Les équilibres financiers pour le GIR 4

Dans l'hypothèse d'une prestation légale de l'Etat distribuée par les régimes de vieillesse, les crédits de l'aide personnalisée à l'autonomie pour le GIR 4 seraient inscrits au budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Les fonds d'action sociale des caisses de vieillesse seraient diminués des dépenses consacrées à l'aide ménagère au GIR 4. Une créance de l'Etat sur les régimes vieillesse serait ainsi constituée, qui pourrait être apurée via le Fonds de solidarité vieillesse, par exemple, en diminuant, à due concurrence, les recettes fiscales affectées à ce fonds au profit des régimes de retraite.

Le surcoût net pour l'Etat est estimé à 2, 4 milliards de francs. La dotation globale de décentralisation serait diminuée, pour chaque département, du montant de l'aide ménagère départementale au GIR 4 (environ 500 millions).

Véronique Halbrand

Un médiateur pour l'APA

Pour rendre effectif l'accès à ce nouveau droit, le rapport Sueur suggère l'instauration d'un médiateur. Il aurait le pouvoir de saisir le président du conseil général (ou la caisse de retraite concernée), en première instance, pour lui signaler les anomalies relevées dans l'application de la loi et d'en appeler au préfet, pour la mise en œuvre du contrôle de légalité.

Les associations circonspectes

Déjà bon nombre d'organisations professionnelles avaient considéré comme " un signe politique fort " les annonces de Lionel Jospin sur la dépendance, formulées en mars (19) . Le rapport Sueur vient confirmer leur sentiment d'un déblocage significatif de ce dossier. " Satisfaction globale ", " une nouvelle étape vient d'être franchie ", estiment-elles aujourd'hui, reconnaissant que la plupart de leurs griefs ont été pris en compte. Symbolique peut-être, la nouvelle appellation de la prestation réjouit les organisations. Lesquelles veulent y voir " le passage d'une logique d'exclusion à celle d'un accompagnement de la personne ", selon l'expression de Patrick Kanner, président de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas).

Première satisfaction, bien sûr, le passage d'une prestation dont le montant varie selon les départements à une prestation légale et nationale. De plus, désormais, le plan d'aide ne se réduira plus à un nombre d'heures d'aide ménagère, mais pourra être utilisé pour aménager le domicile ou aller en accueil de jour, se réjouit Maurice Bonnet, vice-président du Comité national des retraités et personnes âgées. Surtout, la suppression du recours sur succession - hypothèse privilégiée par Jean-Pierre Sueur - est saluée comme une " grande avancée ". Certes, l'aide personnalisée à l'autonomie reste une prestation hybride relevant à la fois de l'aide sociale et de la solidarité nationale. Elle ne devient pas une prestation de sécurité sociale comme le réclamait pourtant la majorité des représentants du secteur. Mais là, bon nombre d'organisations affichent un certain réalisme, estimant qu'au vu des avancées obtenues, le cinquième risque " n'est plus à l'ordre du jour ". " La question, c'est de savoir comment solvabiliser le plus grand nombre de personnes âgées dépendantes. L'Etat revient dans le jeu en encadrant et finançant en partie la prestation, ce qui est un net progrès ", estime Luc Broussy, délégué général à l'Union nationale des établissements privés pour personnes âgées.

Des zones de fragilité

Qu'on ne se méprenne pas pour autant. Toutes les inquiétudes ne sont pas levées, loin de là. Tout en reconnaissant qu'" un réel effort est fait ", et qu'" offrir jusqu'à 7 000 F pour un GIR 1 constitue une proposition sérieuse ", Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées (Adehpa), rappelle qu'en Allemagne, les personnes les plus dépendantes peuvent percevoir jusqu'à 12 000 F par mois. " Ce n'est pas 4,4 milliards de francs supplémentaires qu'il faut réinjecter mais 10 milliards ", s'agace Maurice Bonnet. Certains, à l'instar d'Emmanuel Verny, directeur général de l'Union nationale des associations de soins et services à domicile (Unassad), remettent même en cause le lien mécanique entre le niveau de dépendance et le montant du plafond de prestation. " Il n'est pas évident qu'une personne classée en GIR 1 bien entourée coûte plus cher qu'une autre rangée en GIR 2 mais seule ", explique-t-il.

Autre motif de circonspection, l'intégration du patrimoine dans le calcul des ressources. Les modalités n'en sont pas encore fixées, mais les acteurs associatifs affichent leur vigilance. " Il ne faudrait pas, parce que l'on veut exclure les “Rothschilds” du dispositif, exclure aussi les classes moyennes ", résume Pascal Champvert. Quant à l'instauration d'un double système de gestion de l'aide personnalisée à l'autonomie - les départements pour les GIR de 1 à 3 et les caisses de retraite pour le GIR 4 -, " il n'est pas sûr que ce soit une bonne idée, l'articulation pouvant se révéler difficile ", relève Françoise Toursière, directrice de la Fédération nationale des associations des directeurs d'établissements et services pour personnes âgées. " Cette réforme s'apparente à un faux semblant, s'insurge Alain Villez, conseiller technique à l'Uniopss. Elle maintient les départements en première ligne tout en créant une rupture dangereuse avec ce double système de gestion. Là où on attendait une simplification, on va maintenir les procédures de conventionnement conseils généraux-caisses de retraite, déjà très difficiles à mettre en œuvre dans la PSD. " De même les propositions n'apaisent pas les craintes des intervenants de l'aide à domicile, bien au contraire. Ainsi, l'Unassad regrette que Jean-Pierre Sueur n'entende pas revenir sur le choix laissé entre l'emploi de gré à gré, le recours à un service mandataire ou à un prestataire. " Nous aurions souhaité, souligne Emmanuel Verny, que la prestation autonomie serve uniquement à financer les prestataires " pour garantir la qualité de l'aide. " La professionnalisation du secteur est abandonnée. La concurrence entre prestataire et gré à gré n'est pas réglée, pire elle s'étend à la prise en charge des GIR 4 par les caisses de retraite ", déplore l'Union nationale ADMR, qualifiant cette réforme de " compromis sans ambition ".

Le domicile favorisé ?

Mais c'est surtout du côté des fédérations d'établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes qu'apparaissent les craintes les plus aiguës. Ne se dirige-t-on pas vers un trop grand fossé entre la solvabilisation proposée aux personnes à domicile et à celles en institution ?, s'interrogent-elles. Pour la redéfinition des contours de la PSD en établissement, Jean-Pierre Sueur renvoie en effet aux travaux en cours de Jean-René Brunetière sur la réforme de la réforme de la tarification des EHPAD. Certains n'hésitant pas à juger " schizophrènes " ces réflexions parallèles " dont on ne sait pas quand elles vont se rejoindre ". De fait les dernières préconisations de Jean-René Brunetière, fin avril, se montrent beaucoup moins favorables : le plafond de ressources serait par exemple relevé de 6 200 F à 8 200 F, ce qui est très loin des 14 800 F de revenus mensuels proposés par Jean-Pierre Sueur. Il maintient en outre le recours sur succession. " Il est bon de permettre à la personne âgée de rester chez elle. Mais un trop grand écart des conditions financières serait préjudiciable s'il poussait la famille à maintenir au domicile quand l'hébergement en établissement est souhaitable ", note Jean Barucq, directeur de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif. " Qu'au minimum les critères d'entrée soient les mêmes en termes de niveau de revenu ", ajoute Erick Lajarge, adjoint au délégué général de la Fédération hospitalière de France. Laquelle attend à présent que Martine Aubry tranche de façon à uniformiser les deux systèmes. Et qu'elle prenne des engagements sur un calendrier précis. Pour les fédérations, en effet, le temps presse. En avril 2001, les conventions tripartites entre l'assurance-maladie, les départements et les établissements, prévues dans le cadre de la réforme de la tarification, devront être signées. Or, si l'architecture de la nouvelle PSD n'est pas arrêtée à cette échéance, cela risque de créer une belle confusion, voire de dissuader les établissements de signer. Peut-être faut-il compter, cependant, avec le souci de Martine Aubry, avant de quitter le ministère pour se lancer dans la bataille municipale de Lille au début de l'année prochaine, d'ajouter la réforme de la prestation dépendance au nombre de ses faits d'armes. Réforme sur laquelle l'Assemblée des départements de France restait en début de semaine pour le moins silencieuse. Interrogée par les ASH, celle-ci n'a pas souhaité s'exprimer après la présentation du rapport Sueur.

Céline Gargoly et Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Voir ASH n° 2075 du 12-06-98 et n° 2137 du 15-10-99.

(2)  Etudes et résultats n° 56 - Mars 2000 - DREES.

(3)  Voir ASH n° 2159 du 24-03-00.

(4)  Lors de la présentation du rapport à la presse, le 15 mai, Jean-René Brunetière a notamment précisé que le mode de participation du bénéficiaire, sous forme de ticket modérateur, était trop complexe pour être appliqué en établissement. En revanche, le plafond de ressources serait « coordonné » entre domicile et établissement.

(5)  L'idée d'un dispositif de prise en charge unifié, quels que soient l'âge ou la déficience, prônée par 26 organisations dans le « Livre blanc pour une prestation autonomie », n'a pas été retenue - Voir ASH n° 2137 du 15-10-99.

(6)  Le rapport Sueur préconise un dispositif opérationnel à partir des orientations avancées par Paulette Guinchard-Kunstler - Voir ASH n° 2135 du 1-10-99.

(7)  A la demande de Martine Aubry, la mission Sueur a réfléchi sur l'extension de la prise en charge de la dépendance à d'autres niveaux de dépendance. Cependant, et pour des raisons de cohérence avec la PSD en établissement, l'APA s'arrête au niveau 4 de dépendance.

(8) Actuellement, le montant moyen de la PSD à domicile est de 3 400 F, correspondant à un plan d'aide moyen de 55 heures par mois.

(9)  Le rapport Sueur va un peu plus loin que Martine Aubry qui proposait, en avril 1999, que la PSD couvre jusqu'à 30 % de dépenses autres que de personnel - Voir ASH n° 2118 du 7-05-99.

(10)  Martine Aubry avait déjà proposé d'utiliser la PSD pour couvrir les frais d'accueil temporaire, d'accueil de jour et de nuit - Voir ASH n° 2118 du 7-05-99.

(11)  Cette globalisation de la prestation sur plusieurs mois était déjà envisagée par le gouvernement - Voir ASH n° 2153 du 11-02-00.

(12)  Pour éclairer ce choix, Jean-Pierre Sueur a insisté sur le rôle des centres locaux d'information et de coordination (CLIC), dont la généralisation sur l'ensemble du territoire a été annoncée par le Premier ministre, lors de sa déclaration du 21 mars sur l'avenir des retraites.

(13)  Les biens ou capitaux non exploités ni placés sont censés procurer aux intéressés un revenu annuel évalué en pourcentage de la valeur locative - Voir article 6 de la loi du 24 janvier 1997, J. O. du 25-01-97 et article 6 du décret du 28 avril 1997, J. O. du 11-07-98.

(14)  Actuellement, les plafonds mensuels de ressources, y compris la PSD, sont fixés à 6 249, 16 F pour une personne seule et à 10 415, 25 F pour un couple.

(15)  Voir ASH n° 2118 du 7-05-99.

(16)  L'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale précise que des recours sont exercés par le département en récupération des sommes versées au titre de l'aide sociale contre la succession du bénéficiaire sur la part de l'actif net successoral qui excède un seuil porté par décret à 300 000 F.

(17)  Ce seuil était préconisé par Martine Aubry en avril 1999 - Voir ASH n° 2118 du 7-05-99.

(18)  Le 30 novembre dernier, Martine Aubry avait réaffirmé avec force son refus de voir la gestion d'une telle prestation retirée aux conseils généraux pour en faire un cinquième risque géré par la sécurité sociale - Voir ASH n° 2144 du 3-12-99.

(19)  Voir ASH n°2159 du 24-03-00.

LES POLITIQUES SOCIALES

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