Pourquoi ce colloque ?
- Nous avons décidé, avec 11 associations, de réagir aux a priori, aux silences et à l'ignorance de l'opinion, des médias et des pouvoirs publics sur les problèmes relatifs à l'exploitation sexuelle, en particulier la prostitution. Alors que ce phénomène est en augmentation, notamment par le biais des réseaux internationaux avec les pays de l'Est. Plus grave, la prostitution enfantine progresse, en France, de façon souvent sournoise avec le développement d'Internet et des nouvelles technologies de communication. Or les médias n'abordent ce sujet qu'à travers les affaires de proxénétisme. Ils ignorent complètement les réalités sordides de ce « nouvel esclavage », selon l'expression de l'Organisation des Nations unies, qui brise des femmes, des hommes, des enfants de plus en plus jeunes. Il y a encore un tabou terrible sur ce drame. A tel point d'ailleurs que lorsqu'on aborde l'exclusion, on n'évoque jamais les prostitués. Un public « oublié » de la loi du 29 juillet 1998.
Comment s'est passé le partenariat avec les associations ?
- Le travail d'aide et de réinsertion qu'elles mènent auprès des victimes de la prostitution est largement ignoré. Aussi ont-elles accueilli favorablement notre idée de lancer un cri fort auprès de nos contemporains pour susciter une prise de conscience. Toutefois, certaines associations de travailleurs sociaux se sont montrées choquées par l'intitulé du colloque : « Peuple de l'abîme, la prostitution aujourd'hui ». Mais cette formule, qui peut paraître trop dure vis-à-vis des prostitués, est surtout un signal d'alarme : des personnes vivent dans l'abîme, à quelques pas de nous, dans l'indifférence générale. Avec cependant l'idée, qu'au-delà de l'abîme, l'espoir peut renaître.
Concrètement qu'allez-vous demander le 16 mai ?
- Ce colloque, au cours duquel vont venir témoigner plusieurs anciennes prostituées, des philosophes et des juristes, vise d'abord à informer et ouvrir un débat de société sur une réalité que l'on veut nier, car elle est des plus dérangeante. Il sera d'ailleurs pour nous l'occasion de présenter Le livre noir de la prostitution (3). Nous lancerons également un appel solennel aux médias, citoyens et pouvoirs publics pour sortir de l'hypocrisie actuelle sur le phénomène. Néanmoins, la journée du 16 mai n'est que la première marche d'escalier. Nous avons bien l'intention de poursuivre le combat avec le groupe d'associations. Combat pour lequel nous espérons être à l'avenir plus nombreux.
Comment jugez-vous l'attitude actuelle du gouvernement sur la prostitution ?
- La France a une position claire en théorie. Abolitionniste, elle affiche comme objectifs la disparition de la prostitution et la lutte contre le proxénétisme. Or, dans les faits, l'attitude des pouvoirs publics est ambiguë. Si les lois sont bonnes, leur application est souvent plus ou moins laxiste : par exemple, les condamnations des proxénètes sont rarement sévères. Aussi, réclamons-nous d'abord l'application des textes. Nous proposons en outre la création d'un Haut Comité chargé de mettre en œuvre une politique cohérente à l'égard de la prostitution et rattaché au ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) Association contre la prostitution enfantine, Altair, Amicale du Nid, Association nationale d'entraide, ANRS, Bureau international catholique de l'enfance, Equipes d'action contre le proxénétisme, La Bienvenue, Mouvement national Le Cri, Mouvement du Nid, Union contre le trafic des êtres humains.
(2) Fondation Scelles : 14, rue Mondétour - 75001 Paris - Tél. 01 40 26 04 45.
(3) Le livre noir de la prostitution - Ed. Albin Michel - 98 F.