La mairie de Montreuil (Seine-Saint-Denis), « terre d'accueil depuis toujours », a commandé au cabinet de consultants Fors une étude sur « les populations immigrées et le logement » dans sa circonscription (1). L'enquête, réalisée en 1999, a le mérite d'analyser le poids des résistances malgré la volonté politique municipale d'accueillir des étrangers. A Montreuil, « tout se passe comme si la non-prise en considération de la catégorie immigrée dans la politique publique locale du logement pour des raisons de droit, d'équité, et en vertu d'un antiracisme affiché, aboutissait à des phénomènes de ségrégation subie et à des déséquilibres à l'opposé même des principes affichés », observent les auteurs.
Cette commune comptait 22 % d'immigrés en 1990 (niveau moyen de la Seine-Saint- Denis : 19 %) qui, sans constituer de ghetto, se sont concentrés dans les quartiers « anciens et dégradés » (« bas-Montreuil » ) et dans le secteur d'habitat mixte comprenant des pôles d'habitat social. Victimes de « propriétaires peu scrupuleux rentabilisant à l'extrême un bien déqualifié » (signature de faux baux dans les squats, par exemple ), ils sont cantonnés dans des hôtels meublés ou dans des appartements vétustes et trop petits pour leur famille souvent nombreuse. Et ils ont du mal à en sortir. En effet, l'étude démontre combien les résistances sont importantes à leur intégration dans le parc privé ou social.
Alors que la mairie prône la non-prise en compte de l'origine étrangère dans l'attribution des logements, elle a peu de prise sur les bailleurs privés qui « anticipent les préventions supposées des propriétaires », à l'égard des Maghrébins et des Africains surtout (peur de la polygamie entre autres). Les bailleurs sociaux eux-mêmes créent par exemple des quotas par cage d'escalier sous prétexte d'éviter une « ghettoïsation ». Le logement social est également inadapté à la demande de ces familles (trop peu de grands appartements) et les clauses d'ancienneté de résidence en Ile-de-France (18 ans) ralentissent fortement leur intégration. Les immigrés sont donc aujourd'hui sous-représentés dans l'habitat social à Montreuil. Et lorsqu'ils y sont intégrés au bout de plusieurs demandes, c'est souvent dans les logements les plus vétustes du parc. Si elles échouent dans leur accès au logement social, ces familles ne sortent du secteur « délabré » qu'en cas de procédures de relogement d'urgence. Elles doivent alors déménager loin de leur quartier et subir une rupture de leurs liens sociaux.
L'enquête remet en cause également un préjugé concernant les foyers de travailleurs migrants : ils ne constituent pas, contrairement à ce que l'on croit ordinairement, un sas d'entrée dans le secteur social. Les personnes qui fréquentent les foyers de Montreuil (principalement des Maliens) apprécient cette formule pour son prix modique et parce qu'elle « joue un rôle structurant pour la communauté ». Elles ne cherchent donc pas à en partir, sauf pour retourner au pays.
Que faire devant cette ségrégation qui persiste malgré la volonté politique de la mairie ?L'étude, soulignant que le manque de connaissances sur les problèmes de logement des étrangers alimente les fantasmes et les discriminations, préconise la création d'un « observatoire du peuplement » et le lancement d'une campagne de sensibilisation, notamment auprès des grandes agences immobilières. Elle conseille également le relogement des familles sur place . P.D.
(1) Disponible à la fin de l'année à la mairie de Montreuil - Tél. 01 48 70 67 79.