Pourquoi votre groupe de réflexion sur la déontologie a-t-il choisi pour thème les dossiers des usagers dans les institutions sociales et médico-sociales ?
- Le groupe souhaitait réfléchir sur les droits des usagers, leur place dans les structures et le respect de ces droits. Il a abordé précisément la question du dossier, car elle est assez éludée dans les structures. En effet, les professionnels considèrent que le dossier leur appartient, alors que la loi affirme qu'il est la propriété des usagers. Nous avons donc travaillé en nous référant aux textes, sur sa définition, sa composition, son organisation, le classement, le rangement et l'archivage. Nous nous sommes également interrogés sur l'accès des usagers. En effet, les familles revendiquent de plus en plus leur droit de consulter leur dossier. Or les professionnels ne sont pas armés pour répondre à cette demande.
Quels principaux problèmes avez-vous observés dans l'exploitation des dossiers ?
- Les pratiques sont très disparates. Par exemple, certaines institutions disposent d'un dossier unique alors que d'autres en font trois versions, l'une pour le directeur, l'autre pour l'assistante sociale et la dernière pour l'infirmière, chacune étant composée de manière différente ! La pratique est basée sur de vieux usages, avec peu de repères méthodologiques. Par ailleurs, lorsque les patients demandent à consulter leur dossier, les professionnels réagissent mal. Ils sont sur la défensive, par crainte sans doute de voir leur toute-puissance menacée. Or ce réflexe de thésaurisation de l'information est contradictoire avec l'idée constamment affirmée dans le secteur, qui prône une collaboration étroite avec les familles.
Quelles solutions apportez-vous pour rendre aux dossiers leur véritable fonction ?
- Pour respecter le droit des usagers et redonner une pertinence à cet outil, nous faisons des suggestions concrètes. Par exemple, les institutions devraient se limiter à deux dossiers par usager : l'un contiendrait les informations administratives (état civil, etc.), l'autre serait plus confidentiel et renfermerait les informations médicales, sous pli, avec des recommandations d'usage et de consultation. Par ailleurs, nous insistons sur la nécessité de n'y inclure que des documents à caractère définitif, rédigés de façon élaborée et sans jugement de valeur, avec mention de l'auteur.
Ces recommandations influencent-elles la nature des travaux écrits professionnels ?
- Bien sûr, elles vont provoquer un changement de méthode dans l'écriture des travaux professionnels. Un dossier conçu pour l'usager devra être argumenté, techniquement fiable et, encore une fois, débarrassé des jugements de valeur. Nous sommes conscients de provoquer des débats : que fait-on des travaux d'investigation, des hypothèses de travail ?Nous estimons que ces écrits n'ont rien à voir avec l'intimité de l'usager, donc ils n'ont pas à figurer dans le dossier. Ils doivent rester des outils de travail, à part. C'est une condition pour que cet outil ne soit plus un fourre-tout, mais une source d'informations pertinentes au service de l'usager.
Propos recueillis par Paule Dandoy
(1) L'ANCE, le CREAI, l'IRTESS et l'URIOPSS de Bourgogne.
(2) Le document de synthèse est disponible auprès de Jean-Luc Debard - IRTESS Bourgogne : 2, rue du Professeur-Marion - 21000 Dijon. Le groupe de réflexion organisera des débats fin 2000-début 2001.