Recevoir la newsletter

Le temps de la maturité ?

Article réservé aux abonnés

Pierres angulaires des politiques de maintien à domicile des personnes âgées, les réseaux gérontologiques peinent à s'imposer. Quel avenir pour ces dispositifs ? Le point sur un paysage confus.

Prévenir et écourter les hospitalisations, permettre la continuité des soins entre l'hôpital et la ville, organiser et rendre possible le retour et le maintien à domicile des personnes âgées en proposant un accompagnement global, tout autant social que médical. C'est autour, notamment, de ces quelques idées que tentent de se mettre en place, depuis une vingtaine d'années, des coordinations ou réseaux gérontologiques.

Sur fond de vieillissement démographique, de croissance des pathologies chroniques, mais aussi de considérations économiques (coût de l'hospitalisation), la question de leur développement est devenue un véritable serpent de mer des politiques concernant les personnes âgées. Sans jamais être les vedettes des débats, ces dispositifs sont néanmoins évoqués partout : dans la loi instaurant la prestation spécifique dépendance et les discours récents annonçant sa réforme (1), dans le rapport Vieillir en France de la députée Paulette Guinchard- Kunstler (2). Passage conseillé, voire obligé, des politiques sanitaires à venir et notamment de celles concernant les personnes âgées en perte d'autonomie, le réseau « de soins, préventif, curatif, palliatif ou social », emblématique des ponts à jeter, hors des murs, entre le sanitaire et le social, a même fait l'objet, en novembre dernier, d'une circulaire conjointe des différentes directions ministérielles concernées (santé, action sociale, hôpitaux, sécurité sociale) (3). Objectif : faire le point et clarifier un paysage des réseaux pour le moins « mal connu et composite », derrière lequel se cachent « des contenus très différents et d'ailleurs souvent très flous », selon les termes du rapport  Réseaux de soins et relations entre l'hôpital et la médecine de ville remis à Martine Aubry en mai 1999. Il y a bien une définition simple et largement partagée des réseaux, proposée par la Coordination nationale des réseaux (CNR)  : « Le réseau constitue à un moment donné sur un territoire donné la réponse organisée d'un ensemble de professionnels et/ou de structures, à un ou des problèmes de santé précis, prenant en compte les besoins des individus et les possibilités de la communauté. » Mais les professionnels investis dans ces démarches et rassemblés récemment, pour un colloque, par la Fédération hospitalière de France (4), s'accordaient à parler de «  maquis d'une incommensurable complexité  ».

Ici, comme ailleurs, l'empilement a été de mise. Après les pionniers, telle la désormais renommée association de gérontologie du XIIIe arrondissement de Paris, fondée en 1965, est venu le temps des premiers encouragements législatifs et réglementaires depuis la création des services de soins infirmiers à domicile en 1978, l'officialisation des réseaux VIH en 1991, jusqu'aux ordonnance et décret de 1996 précisant les conditions d'expérimentation et d'agrément de réseaux de soins. On assiste depuis au développement tous azimuts des réseaux dans le champ sanitaire, avec en pointe, les réseaux ville-hôpital-sida. Résultat : un même mot recouvre des configurations très variées, six ou sept types d'agréments, des réalités très locales et des réseaux d'ampleur quasi nationale. De quoi s'y perdre. Les pouvoirs publics dénombrent aujourd'hui entre 1 000 et 1 500 réseaux de toutes tailles regroupant le plus souvent hôpital, médecins de ville, pharmaciens, établissement d'hébergement, associations d'aide à domicile et services sociaux, et organisés soit autour d'une pathologie particulière (sida, diabète, cancer), soit autour de populations spécifiques (précarité, personnes âgées). Mais derrière sa complexité et malgré son ampleur apparente, le phénomène reste marginal. Il ne concerne encore « qu'une minorité militante d'intervenants dans les champs de la santé et du social  », affirme la CNR. Reste à passer au temps de la maturité et de la clarification. Car, si les réseaux gérontologiques de la Mutualité sociale agricole viennent d'être officiellement agréés (5), beaucoup d'initiatives, marquées à l'origine par le militantisme, la précarité et le dépassement des institutions se heurtent encore à la difficulté des procédures et à l'absence de reconnaissance.

Objectif : maintien à domicile

Sortis des tâtonnements, nombre de réseaux gérontologiques sont néanmoins en mesure de diffuser leur expérience. Ainsi, les Bureaux d'information et de coordination gérontologique de Metz (1994) ou de Lunel (1997) ont largement inspiré l'idée des centres locaux d'information et de coordination gérontologique préconisée par la députée Paulette Guinchard-Kunstler et reprise par le gouvernement (6). A Metz, un réseau simple, autour de l'hébergement, du centre hospitalier et des médecins de ville, organise, sur alerte du généraliste, les modalités du maintien à domicile. La coordination est assurée par l'assistante sociale du bureau. « Nous sommes un lieu d'accueil, d'écoute, d'information et d'orientation pour la personne âgée, sa famille et les professionnels, mais aussi un lieu d'évaluation de la situation de la personne dans son environnement, puis un lieu d'élaboration d'un plan d'aide en collaboration étroite avec le secteur médical et social  », explique de son côté Bernard Arnal, directeur de l'hôpital local de Lunel (Hérault). Dans les locaux de ce dernier, un guichet unique, le BICT (association loi 1901), s'est doté d'une équipe qui fait vivre et anime un réseau local regroupant 16 communes, ses CCAS, des caisses de retraites, des services sociaux, des associations de soins et d'aide à domicile, des maisons de retraite et de nombreux professionnels : médecins, infirmiers libéraux, professions paramédicales. La secrétaire animatrice assure le premier accueil et, aspect essentiel du fonctionnement, la diffusion et le relais des informations. Une infirmière analyse les situations de dépendance et coordonne les acteurs de santé, en lien avec une assistante sociale chargée de l'animation du réseau, mais aussi, entre autres missions, de l'évaluation concertée de la situation sociale, de la recherche de solutions et du suivi en cas d'hospitalisation.

Au final, la plupart des promoteurs de réseaux s'accordent sur la plus-value : baisse considérable de la durée de séjour à l'hôpital, taux de réhospitalisation en chute, meilleure organisation des interventions à domicile. On observe « une urgence gériatrique mieux gérée et une hospitalisation moins longue et donc moins souvent source de glissements et de désorientation », explique Alain Koskas, coordonnateur du réseau Géront'Aisne, qui s'étend du Nord à l'Ile-de-France et regroupe 5 400 lits. Pour lui, un réseau doit également être un lieu de formation et de soutien des soignants et des aidants. Un questionnaire diffusé au sein de Géront'Aisne a en effet fait ressortir « un besoin important de reconnaissance du travail des aidants. Or, quand celle-ci est absente, c'est la porte ouverte à tout un échelonnement de maltraitances ». Interrogés sur les conditions d'existence d'un réseau gérontologique, beaucoup renvoient aux expériences des multiples échecs faute d'objectifs bien définis, de personnels assurant le lien ou par essoufflement des bonnes volontés. D'autres critères font davantage débat comme le degré de formalisation ou l'étendue territoriale de la coordination.

Mieux intégrer le médico-social

Mais pour atteindre vraiment leur maturité, les réseaux doivent encore trouver des réponses, avec les pouvoirs publics, à quelques difficultés majeures. « Les ordonnances de 1996, qui prévoient les réseaux gérontologiques, stipulent qu'ils doivent être articulés nécessairement autour d'établissements sanitaires, alors que le monde des institutions pour personnes âgées est surtout médico-social », dénonce Gérard Miaut, vice-président de l'Adehpa, soulignant la difficulté du secteur social à trouver sa place et à être reconnu dans ces dispositifs. Une difficulté d'ailleurs rencontrée au moment des demandes d'aides ou d'agréments : « trop social », avancent certains organismes pour justifier leur refus de soutien. Enfin, les possibilités de financement suivent difficilement les incitations du législateur et se heurtent souvent au cloisonnement des enveloppes. Les réseaux fonctionnent donc fréquemment sur les budgets des hôpitaux ou sur des subventions exceptionnelles et, par définition, précaires. Si certains s'en sont mieux sortis, en mobilisant des partenaires multiples (conseil général, commune, hôpital), tous ont vu d'un bon œil la création, en 1999, du fonds d'aide à la qualité des soins de ville (7), doté de 500 millions de francs, qui pourra notamment servir à financer des « formes coordonnées de prise en charge ».

A condition que les réseaux ne soient pas limités à être de simples outils de réduction des coûts, leur survie constitue bien un enjeu démographique et social (10 millions de personnes auront plus de 75 ans en 2010). Mais ils portent également des formes d'organisation d'une prestation à la personne, hors les murs et pluridisciplinaire, qui pourrait se diffuser, au-delà des soins, au secteur social et médico-social.

Valérie Larmignat

NICOLE TRICAUD : « CAPITALISER LES EXPÉRIENCES »

A quoi sert la Coordination nationale des réseaux (CNR) ? - La Coordination nationale des réseaux est une association créée en 1997 avec l'objectif de rassembler le maximum de réseaux ville-hôpital, de réseaux de santé ou de proximité afin de capitaliser leurs expériences, de les soutenir, de bâtir et diffuser des outils. L'idée était que chaque réseau qui se montait n'eût pas à réinventer la roue à chaque fois. La coordination, en faisant remonter les problématiques rencontrées, en les rendant visibles, en produisant des réflexions via des colloques ou des écrits, est devenue un interlocuteur privilégié de la direction générale de la santé sur ces questions. Aujourd'hui, elle regroupe environ 120 réseaux, dont finalement très peu de réseaux gérontologiques. La composition des instances représentatives de la CNR est restée très médicale. Est-ce à dire que les réseaux gérontologiques ont des problématiques spécifiques ? - Actuellement, les réseaux gérontologiques sont présents dans tous les discours, ne serait-ce qu'à travers les débats et les rapports qui se multiplient autour de la question de la dépendance et du maintien à domicile des personnes âgées. Ces réseaux sont confrontés à une problématique originale puisque la famille proche, les aidants naturels, sont souvent eux-mêmes des personnes qui ont au moins 60 ans et qui, essoufflés, ont une forte demande. Mais globalement, ils ont des objectifs communs à l'ensemble des réseaux : éviter les hospitalisations inadaptées ou « sociales », les écourter, permettre le retour et le maintien à domicile, prendre en compte la problématique sociale de la personne au sein d'une approche globale, assurer la continuité des soins et leur cohérence. Et ils rencontrent des difficultés similaires en termes de financement et de mise en commun de cultures professionnelles différentes. Propos recueillis par V. L. Nicole Tricaud est vice-présidente du réseau gérontologique d'Action coordonnée à domicile (ACAD) dans le Loiret et membre du conseil d'administration de la Coordination nationale des réseaux ville-hôpital, des réseaux de santé et des réseaux de proximité : 35, rue des Cascades - 75020 Paris -Tél. 01 43 66 56 70.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2159 du 24-03-00.

(2)  Voir ASH n° 2135 du 01-10-99.

(3)  Voir ASH n° 2146 du 17-12-99.

(4)  VIe assises nationales du secteur social et médico-social en faveur des personnes âgées - « Les réseaux et la coordination gérontologique », le 17 mars 2000 à Paris-Nord -Villepinte - Fédération hospitalière de France : 33, avenue d'Italie - 75013 Paris - Tél. 01 44 06 84 44.

(5)  Voir ASH n° 2161 du 7-04-00.

(6)  25 sites devraient être expérimentés dès cette année - Voir ASH n° 2144 du 3-12-99.

(7)  Voir ASH n° 2142 du 19-11-99.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur