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INTERNATS ÉDUCATIFS : L'IMPASSE DE LA LOGIQUE SUBSTITUTIVE

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Pour confirmer leur vocation, les maisons d'enfants à caractère social (MECS) doivent opérer « un repositionnement clinique, technique et organisationnel », soutient Francis Batifoulier, directeur d'un tel établissement à Biarritz. Selon lui, l'enjeu, pour les maisons d'enfants, est de s'imposer comme « des organisations de suppléance familiale et non plus de substitution ». Il nous livre ses réflexions.

«Les phénomènes de violences scolaires et urbaines, les difficultés rencontrées par de nombreux parents dans l'exercice de leurs fonctions parentales redonnent une actualité à ces structures si souvent décriées que sont les internats éducatifs, notamment par le biais de la demande de contenance sociale qui leur est adressée. Sous ce terme générique d'internats éducatifs, aux contours mal définis, sont souvent regroupées des réalités institutionnelles aussi différentes que les internats scolaires et les maisons d'enfants à caractère social.

« La logique qui sous-tend cette demande d'alternative éducative est une logique de substitution à des parents perçus comme défaillants et absents. Que la substitution soit requise dans un certain nombre de configurations familiales, c'est une réalité ; mais ce serait s'enfermer dans une impasse que de considérer que la systématisation d'une telle logique est porteuse d'avenir.

« L'expérience des maisons d'enfants est à ce niveau riche d'enseignements. C'est en se pensant comme des organisations de suppléance familiale et non plus de substitution que les maisons d'enfants sont amenées à reconsidérer leurs pratiques, tant vis-à-vis des usagers que de leurs parents.

Ne plus « faire sans les parents »

«L'enjeu est bien de ne plus “faire sans les parents”, pour reprendre une formule du psychanalyste Abdéraman Kouidri. En effet, caractériser les pratiques des maisons d'enfants en termes de suppléance permet une redéfinition de la mission des établissements, du cadre et des limites de cette mission et ouvre des perspectives nouvelles de co-éducation avec des parents provisoirement ou durablement en difficulté pour occuper une position parentale.

« Se distancier d'une qualification restrictive et enfermante, celle d'internat éducatif n'est pas qu'une question de sémantique ; cela permet aux maisons d'enfants de reconsidérer leur cœur de métier, de resituer leurs prestations hôtelières à leur juste place et de concevoir l'hébergement comme un outil modulable et non comme un cadre quasi intangible ; il devient alors possible de formaliser une offre de services déclinant les prestations classiques d'une MECS (protéger, soigner, organiser des activités éducatives...), mais faisant place aussi à des pratiques innovantes, articulées à une conception renouvelée de la séparation et du placement, centrées sur le lien parents-enfants, telles que, par exemple, elles ont été expérimentées dans le département du Gard, sous l'appellation Service d'adaptation progressive en milieu naturel (SAPMN), depuis plusieurs années.

« Une évolution était déjà à l'œuvre au niveau des équipes qui avaient individualisé les réponses éducatives en introduisant la méthodologie de projet personnalisé, diversifié les modes d'accueil en proposant des aménagements du temps d'hébergement sous forme d'internat modulable, de semi-internat... Mais cette évolution des modalités d'hébergement s'est réalisée sans que soit parallèlement repensé le modèle d'intervention dominant, celui de l'internat et de ses tâches habituelles d'élevage d'un enfant. Il s'agissait prioritairement de diminuer les temps d'internat en les adaptant à la problématique de l'usager et, de ce fait, on se situait plus dans une logi- que soustractive que dans un projet de construction de nouvelles prestations rigoureusement définies pour des populations aux caractéristiques bien iden- tifiées.

Une logique d'accompagnement éducatif

«Les pratiques innovantes telles que le SAPMN ne se limitent pas à vouloir adapter le dispositif et les procédures mais ambitionnent de faire exister de nouvelles modalités d'intervention qui, prenant appui sur une acception de la séparation plus symbolique que physique, se situent entre l'AEMO et les réponses classiques de l'internat et cela à partir des capacités d'expertise, des compétences, des savoir- faire acquis par les professionnels des maisons d'enfants dans l'accompagnement éducatif.

« Ce qui caractérise ce type de fonctionnement, c'est l'option de la souplesse institutionnelle et d'adaptabilité maximale aux besoins des personnes accueillies, la conviction que dans nombre de situations il est possible d'accompagner les parents dans une démarche de construction de leur être-parent, c'est la capacité d'une équipe à évaluer, dans le respect de sa mission de protection (1), les modalités d'accompagnement les plus propices à la mise au travail de la question du lien parents-enfants et, de ce fait, à opter pour le cadre d'intervention le plus favorable, sachant qu'il peut être modulé et modifié en fonction de l'évolution de l'usager et de son environnement parental.

« Des questions demeurent quant au cadre juridique à l'intérieur duquel de telles pratiques peuvent se développer, quant aux enjeux éthiques liés à l'introduction des professionnels, dont la mission s'exerce habituellement dans le cadre d'un établissement, sur le territoire des familles, quant à la construction de méthodologies professionnelles d'intervention auprès des parents... Mais c'est bien en opérant un tel repositionnement clinique, technique et organisationnel que les maisons d'enfants pourront confirmer leur utilité sociale, en démontrant leur capacité à construire des réponses en adéquation avec l'émergence de nouveaux besoins et, ainsi, prendre toute leur place dans l'éventail des dispositifs d'étayage des fonctions parentales. »

Francis Batifoulier Directeur de la maison d'enfants Saint-Vincent-de-Paul 16, rue Ambroise-Paré - 64200 Biarritz Tél. 05 59 24 22 23.

Notes

(1)  Dans le département du Gard, la prestation dite SAPMN s'exerce dans le cadre classique de la mesure d'accueil provisoire ou de la mesure judiciaire confiant un mineur à un tiers. C'est également le cadre juridique et administratif à l'intérieur duquel notre établissement expérimente une nouvelle prestation que nous appelons GAAM (Groupe d'accueil et d'accompagnement modulables). J. LAUNAY, juge des enfants à Nîmes, pour lequel l'hébergement plus ou moins régulier en famille n'est qu'une simple modalité de la mesure éducative considère que l'établissement doit aviser le juge des modifications de l'organisation de l'hébergement de l'enfant (par exemple si ce dernier est accueilli à l'internat alors que son hébergement quotidien avait été maintenu en famille) comme il doit le faire pour tout événement important concernant l'action éducative menée.

Tribune Libre

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