« Notre choix de société c'est, clairement, celui des retraites par répartition », a assuré le Premier ministre, le 21 mars, lors de la présentation des orientations gouvernementales sur l'avenir des retraites, en présence de Martine Aubry, Christian Sautter, Emile Zuccarelli et Jean-Claude Gayssot. Ainsi, la possibilité de mettre en place pour les salariés des instruments d'épargne à long terme, « collectifs et négociés » (1) a été évoquée comme un complément aux retraites.
En exposant son plan, Lionel Jospin a reconnu que les régimes de retraite vont connaître des « difficultés financières » du fait des « évolutions démographiques ». Mais il a aussitôt relativisé : « Ces difficultés doivent être replacées dans un contexte nouveau, celui d'une croissance forte et dans la perspective désormais crédible du retour au plein emploi. » « Le gouvernement n'entend pas imposer une solution », a-t-il précisé, en invitant les organisations syndicales du secteur public à s'engager rapidement dans une négociation.
Fonction publique et autres régimes spéciaux
« Alors que les régimes des fonctionnaires- Etat, collectivités locales et hôpitaux
- couvrent 20 % des actifs, leur besoin de financement annuel à l'horizon 2020 devrait représenter plus de 60 % du besoin de financement annuel de l'ensemble des régimes, soit 170 milliards de francs », a averti Lionel Jospin. Aussi a-t-il appelé les syndicats à ouvrir des négociations pour aligner progressivement la durée de cotisation des fonctionnaires (37,5 ans) sur celle des salariés du privé (40 ans à partir de 2003). En contrepartie, il a proposé d'étudier : la prise en compte de la pénibilité de certaines fonctions (par exemple, le personnel soignant des hôpitaux) ; l'intégration d'une partie des primes des fonctionnaires dans le calcul des pensions ; le passage progressif à la retraite ;la possibilité de racheter des annuités.
Pour d'autres régimes spéciaux (exploitants agricoles, mines...), qui connaissent déjà une situation démographique difficile, « l'effort de solidarité » continuera de jouer à leur égard dans les mêmes conditions qu'actuellement.
Régime général du secteur privé
Contrairement aux préconisations du Commissaire au plan, Jean-Michel Charpin, qui proposait de porter à 42,5 ans la durée de cotisation, le Premier ministre a écarté l'idée d'un nouvel allongement de celle-ci (2). Il a rappelé sa priorité : le retour à l'emploi, notamment pour les personnes de plus de 50 ans. En revanche, Lionel Jospin s'est prononcé pour un passage plus progressif de l'activité à la retraite, ainsi que l'avait déjà suggéré l'économiste Dominique Taddéi (3). Par exemple, les pénalités en cas de liquidation avant terme des pensions pourraient être réduites. Par ailleurs, il a renvoyé à la responsabilité des syndicats la dégradation du rapport entre la retraite versée et le dernier salaire perçu. Cette diminution trouvant surtout sa source dans les mesures prises par les régimes de retraite complémentaire (ARRCO, AGIRC), « qui relèvent de l'entière liberté des partenaires sociaux ».
Fonds de réserve pour les retraites
Aucune forme nouvelle d'abondement n'a été annoncée. Le Premier ministre est resté à celles existantes : affectation des excédents de l'assurance vieillesse, des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et du produit de la réforme des caisses d'épargne (4). Le gouvernement table sur plus de 1 000 milliards de francs à l'horizon 2020 (20 milliards en 2000), grâce à une révision à la hausse du taux de croissance (3 % par an jusqu'en 2020) et à la baisse du chômage (7 %en 2010 et 4,5 % en 2020). De quoi « lisser » le surcroît de charges résultant du vieillissement de la population au-delà de 2020. La possibilité d'alimenter ce fonds par des ressources tirées de la gestion du patrimoine industriel et financier de l'Etat sera examinée.
Conseil d'orientation des retraites
La création d'un comité de suivi, réunissant partenaires sociaux, Etat, parlementaires et personnalités qualifiées, figurait notamment dans le rapport Teulade (5). Ce conseil, qui pourrait voir le jour dans les deux mois qui viennent, aura pour tâche d'observer les conséquences des évolutions économiques, sociales ou démographiques sur les régimes de retraite. Il devra proposer des mesures au gouvernement, si les réformes engagées ne lui semblent pas à même d'assurer l'équilibre à terme des différents régimes. Cependant, « il restera de la responsabilité du gouvernement de trancher et d'agir ».
(1) Le gouvernement devrait entamer fin mars une concertation avec les partenaires sociaux sur l'épargne salariale, notamment la création de plans d'épargne entreprise à long terme.
(2) Voir ASH n° 2112 du 26-03-99.
(3) Voir ASH n° 2136 du 8-10-99.
(4) Voir ASH n° 2100 du 1-01-99 et n° 2139 du 29-10-99.
(5) Voir ASH n° 2147bis du 31-12-99.