Quelles sont les conditions de l'inflexion - positive ou négative - du parcours délinquant d'un mineur ?A la demande de la Fédération de l'Education nationale (FEN), une équipe de psychologues et sociologues a mené pendant deux ans une enquête de terrain pour tenter de répondre à cette question complexe (1). Dirigée par Philippe Lacombe, enseignant en sociologie à l'université de Brest, la recherche s'est appuyée, d'une part, sur l'interrogation de représentants institutionnels (justice, protection judiciaire de la jeunesse, police, Education nationale...) et, de l'autre, sur une vingtaine d'études de cas, fondées sur des entretiens avec les acteurs eux-mêmes, les victimes, les policiers, les gendarmes, les familles, les éducateurs, les magistrats... Parmi les principaux constats des chercheurs, la nécessité de renforcer les dispositifs d' « explicitation » et d'accompagnement, toute mesure ou sanction n'ayant de sens que si elle est comprise et acceptée. En outre, l'efficacité des mesures ou des sanctions n'est pas tant liée à leur gravité qu'à leur « pertinence au regard d'un itinéraire singulier » (âge, récidive...). Autre enseignement, certaines propositions de l'ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs sont trop peu utilisées aujourd'hui.
La légitimité contestée des éducateurs
Sur le chapitre particulier des mesures éducatives, les auteurs mettent en avant la « position professionnelle et institutionnelle délicate des éducateurs ». Considérés par les mineurs comme des « objets de consommation » ( « On m'a donné un éducateur » ) ou comme des acteurs qui placent et contrôlent, ils se voient rarement accorder une vraie légitimité. « Les éducateurs rencontrent une réelle difficulté à trouver des modes de réponse en même temps efficaces et crédibles (c'est-à-dire suscitant l'adhésion des jeunes) », souligne l'étude. Seule l'aide à l'insertion professionnelle semble être reconnue par les mineurs, fréquemment guidés par une « logique de “gains” ». Néanmoins, elle reste rare dans la conjoncture actuelle. Il arrive également que les institutions, qui décident des mesures éducatives, se défient elles aussi des éducateurs. Tout comme les familles, qui les suspectent de porter atteinte à leur autorité.
Pour le SPJJ-FEN-UNSA, qui a participé au comité d'orientation de cette recherche, les questions soulevées par l'équipe de Philippe Lacombe « rejoignent les interrogations des personnels de la PJJ » . L'enquête montre, par exemple, que les mesures éducatives sont perçues comme trop « parlantes » et pas assez « agissantes » par les intéressés. « Nous avons tendance à trop recourir aux entretiens éducatifs et nous avons pris quelque distance avec le “faire avec” », reconnaît Michel Guerlavais, secrétaire général du syndicat. Lequel souhaite que ces travaux, notamment les monographies, puissent servir de support aux formations d'éducateurs.
(1) Mineurs délinquants : la priorité éducative et la reconnaissance de leurs responsabilités individuelles - Sous la direction de Philippe Lacombe - Edité par le Centre Henri-Aigueperse (centre d'histoire sociale, de recherches, de formation de la FEN) - FEN : 48, rue La Bruyère - 75440 Paris cedex 09 - Tél. 01 40 16 78 00 - 60 F.