« En ce début d'année 2000, une douce euphorie semble avoir gagné notre pays. Le chômage régresse, le bâtiment va, le marché immobilier est actif, mais les inégalités se creusent et le mal logement ne recule pas suffisamment. » Dans son rapport annuel sur L'état du mal logement en France (1), la Fondation Abbé-Pierre pointe combien, malgré l'embellie économique, la situation reste tendue sur le front du logement pour les plus démunis.
Une offre inadaptée
L'offre, en effet, apparaît « structurellement inadaptée aux caractéristiques d'une partie de la demande, notamment celle qui émane des ménages les plus fragiles ». Le parc privé à bas loyer continue à diminuer. Une évolution accentuée par le mouvement d'amélioration de l'habitat ancien - 180 000 logements rénovés par an -, puisque les travaux s'accompagnent le plus souvent d'une élévation du coût du loyer. La production de logements sociaux, quant à elle, est « en chute libre », déplore la fondation. Le nombre de prêts locatifs aidés (PLA), par exemple, a diminué de 45 % entre 1993 et 1998, passant de 93 000 à 51 000. Autre difficulté, l'absence de perspectives pour les personnes en situation d'habitat transitoire. Entre 1990 et 1998, 15 000 places d'accueil et d'habitat temporaire ont été créées. Une offre nouvelle qui « permet certes d'élargir la gamme de solutions pour faire face à des situations de rupture et de basculement », mais qui se révèle également « un lieu d'enfermement dans lequel un public nombreux développe des trajectoi res “en boucle”, faute de pouvoir accéder à un logement locatif ordinaire ».
Tenir compte des aléas des situations
Le rapport préconise également « la nécessaire adaptation des dispositifs de droit commun pour loger les personnes à faibles ressources », qu'il s'agisse du financement du logement social et privé ou des aides personnelles au logement. Les auteurs plaident ainsi pour la création d'un statut du bailleur privé « social » donnant droit à des aides majorées. Le dispositif d'aide à la personne, de son côté, est devenu « trop complexe et inégalitaire » , sans pour autant prendre en compte les aléas de la situation économique et sociale des ménages.
Un chapitre est également consacré, cette année, aux cas jugés inacceptables. Les pratiques discriminatoires à l'égard des étrangers, en premier lieu, population la plus représentée dans les taudis exploités par les « marchands de sommeil ». Ou encore la « progression sensible » du phénomène des squats dans les grandes villes, « qui entraîne une dégradation des situations individuelles en termes de conditions de vie, de santé et d'accès aux droits ».
Optimiser le projet de loi SRU
Autant de constats qui amènent la Fondation Abbé-Pierre à formuler un certain nombre de propositions, reprenant en partie celles du Manifeste pour un second souffle de l'action contre l'exclusion du logement, qu'elle a publié en octobre (2). Elle se prononce, notamment, pour la création d'une aide personnalisée au logement spécifique pour les moins de 25 ans inscrits dans les dispositifs d'insertion par l'économique. Ses préconisations concernent également le projet de loi « solidarité et développement urbains » (SRU), actuellement discuté à l'Assemblée nationale, qu'elle souhaite « optimiser ». Elle demande que soit fixée à 15 ans - au lieu de 20 - la durée permettant d'atteindre la proportion de 20 % de loge- ments sociaux dans les communes. Un seuil qui devrait, selon elle, être établi par arrondissement à Paris, Lyon et Marseille, de façon à éviter la concentration des HLM dans les quartiers les plus défavorisés. Elle souhaite, enfin, l'élaboration d'une carte des immeubles et logements présentant des risques d'insalubrité et l'instauration d'un observatoire des familles en « sur-occupation critique » dans le parc privé.
(1) Disp. à la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés : 53, bd Vincent-Auriol - 75013 Paris - Tél. 01 53 82 80 30 - 92 F.
(2) Voir ASH n° 2137 du 15-10-99.