En 1999, le nombre de réclamations adressées au médiateur de la République et à ses 123 délégués départementaux a augmenté de 12,2 % par rapport à l'année précédente, passant de 45 600 environ à près de 51 200 (1). Une « progression sans précédent », note Bernard Stasi, dans son rapport annuel rendu public le 8 mars (2). Autre élément notable, l' « évolution significative » du public qui s'adresse aux délégués départementaux. Alors qu'il y a quelques années, il était surtout composé de personnes expertes en matière de procédures et connaissant bien le fonctionnement de l'administration, il s'agit essentiellement aujourd'hui de « citoyens qui se sentent démunis face à l'administration, qui sont souvent précarisés, qui ont peur ou se méfient des services publics et se sentent désemparés face au nombre croissant et à la complexité des textes administratifs ».
Une fois encore, c'est le secteur social, saisi des questions relatives à la santé, à la sécurité sociale et au travail, qui a reçu le plus grand nombre de dossiers : 32,6 % du total. Les trois quarts des réclamations portent sur des litiges avec les caisses d'allocations familiales, les caisses d'assurance maladie et les Assedic. Le dernier quart concerne les caisses de retraite, les Cotorep, l'Urssaf, les services sociaux départementaux et communaux et l'ANPE.
Les prestations familiales sur la sellette En matière de prestations familiales au sens large -domaine où la progression des dossiers a été la plus importante -, le médiateur de la République relève les « difficultés persistantes engendrées par l'extrême complexité de la réglementation, notamment en ce qui concerne l'appréciation de la base ressources des allocataires ». C'est dans le domaine des aides personnelles au logement que les réclamations « traduisent le plus le manque de lisibilité du dispositif et les incohérences auxquelles il peut conduire », ajoute-t-il. Egalement épinglé, « le manque de lisibilité » des notifications de décisions adressées par les Assedic aux demandeurs d'emploi. En matière d'assurance vieillesse, les différends - en hausse, eux aussi - portent majoritairement sur la validation des périodes par les caisses.
La médiature s'est, une nouvelle fois, intéressée à l'influence de la mobilité professionnelle sur la protection sociale. Ainsi, les difficultés rencontrées par d'anciens chômeurs après un échec dans une nouvelle activité non salariée, signalées en 1998, perdurent « faute de solution générale proposée par les partenaires sociaux » pour remédier à leur exclusion de l'assurance chômage, note le rapport. L'interruption de l'activité professionnelle se révèle également source de réclamations. La gestion des droits sociaux après le versement de l'allocation parentale d'éducation ou après le congé parental d'éducation, en particulier, engendre des conflits. « Il serait anormal que des personnes qui cessent temporairement leur activité pour se consacrer à leur vie familiale subissent des tracasseries administratives lors de leur retour à la vie active », pointe le document. Les caisses d'assurance vieillesse, enfin, rencontrent des difficultés pour prendre en compte la mobilité professionnelle. Au point que le médiateur « déplore le décalage persistant[...] entre les principes du droit social, inspirés par une logique de stabilité, et la réalité des itinéraires parfois chaotiques vécus par les usagers ».
Régularisations : « comportement abusif » de l'administration
L'année 1999 a aussi été marquée par l'enregistrement d'un grand nombre de réclamations émanant de ressortissants étrangers. Une tendance s'expliquant par la saisine massive du médiateur de la République par des collectifs de « sans-papiers », comme en 1997. Les situations, cependant, sont apparues « beaucoup plus délicates à instruire ». En effet, ces étrangers, pour la plupart, avaient déjà demandé, sans succès, leur régularisation dans le cadre de la circulaire Chevènement du 24 juin 1997. N'ayant, le plus souvent, aucun élément nouveau à faire valoir, ils ont rarement eu gain de cause, malgré l'intervention du médiateur. Le rapport dénonce à ce sujet, le « comportement abusif » de l'administration qui, dans certains cas, « s'est cru tenue d'opposer un refus de régularisation dès lors que l'étranger concerné ne pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, alors qu'elle aurait pu le régulariser en vertu du droit d'appréciation qu'elle détient ».
Signalons, enfin, que sept propositions de réformes émises par le médiateur ont trouvé une concrétisation l'année dernière. Comme celle de 1995 demandant une adaptation de la réglementation en vue de garantir aux personnes sans domicile fixe le droit d'ouvrir un compte bancaire ou postal.
(1) Voir ASH n° 2110 du 12-03-99.
(2) Rapport 1999 au président de la République et au Parlement - Le médiateur de la République : 53, av. d'Iéna - 75116 Paris - Tél. 01 45 02 72 72 - 100 F.