«Amis républicains et démocrates, élus du peuple, de 1789 à 1901, des hommes se sont battus pour se voir reconnaître le droit de s'associer et d'agir ensemble librement.
« Aujourd'hui, à un an de son 100e anniversaire, trois graves dangers pèsent, dans les faits, sur notre plus grande liberté collective qu'est la loi de 1901 sur les associations à but non lucratif.
« Premier danger : la loi unique du “tout marchand”. Tous les services (culturels, sociaux, sanitaires, éducatifs, de proximité ou de solidarité...) sont appelés à passer dans le secteur marchand au nom d'une uniformisation mondiale.
« C'était à l'ordre du jour du sommet de Seattle. Ce sera dans les décisions du prochain sommet de l'Organisation mondiale du commerce si nul ne s'oppose au rouleau compresseur des lobbies financiers internationaux. Le récent forum des “puissants” du monde, à Davos, a d'ailleurs déjà repris ce thème.
« Voulez-vous d'une société où chaque geste de solidarité, chaque main tendue vers l'autre devienne un geste commercial ?
« Second danger : les conséquences néfastes pour les associations à but non lucratif de l'instruction fiscale du 15-09-98. L'objectif affiché de cette instruction était de clarifier la situation fiscale des associations. A juger les interprétations données par les services fiscaux, les associations exemptées des impôts commerciaux deviendront l'exception. En contradiction avec la volonté officiellement exprimée du Premier ministre.
« Afin de pouvoir fiscaliser les activités des associations, les services de Bercy ont décidé de choisir la primauté de la notion de concurrence. On aurait pu penser que la nature intrinsèque du “produit” (le service associatif d'intérêt général et collectif) serait à la base de cette évaluation. Mais non !
« Ce qu'apporte l'intervention associative : son projet, l'engagement désintéressé de ses dirigeants bénévoles à leurs concitoyens, le réinvestissement des résultats dans le projet social, tout cela ne compte pour rien. C'est la présence ou la proximité d'un concurrent commercial et lucratif qui détermine la nature du produit.
«Autrement dit, ce n'est plus la République qui reconnaît l'utilité sociale d'une action citoyenne. Ce sont les groupes financiers, leurs entreprises industrielles et commerciales qui désormais feront la loi.
« Voici un essentiel transfert de souveraineté ! Transfert inacceptable parce qu'au nom d'une pensée unique, on veut installer les entreprises de profit comme seul modèle d'action solidaire et d'engagement des citoyens. Or, les associations ont démontré, depuis longtemps, qu'elles sont également des partenaires actifs de l'économie sociale.
« Ou bien désormais voudrait-on d'une société où il n'y aurait que le tout-Etat et le tout-marché ? Ce qui ne va pas dans le sens d'une démocratie chaque jour améliorée.
« Troisième danger : la restriction du droit au “volontariat”. Les animateurs bénévoles dans les activités de jeunesse, qui, jusqu'à présent, faisaient don de leur temps de loisirs et découvraient ainsi le sens des responsabilités et de l'engagement solidaire et citoyen, seront désormais assimilés à des salariés avec charges sociales.
« Pour appliquer une telle mesure, il faudrait tripler les équipes d'encadrement du fait des horaires légaux du travail et décupler les subventions publiques !Puisqu'elles ne viendront pas, c'est la fermeture programmée d'une grande partie des activités socio-éducatives, de loisirs et de vacances : soit un million d'enfants et d'adolescents “au tapis” et 250 000 jeunes volontaires privés d'implication civique et sociale...
« Veut-on d'une société où le lien social ne soit qu'un discours politique ?
« Devant ces dangers, amis républicains, et notamment vous, les élus du peuple : allez-vous rester silencieux ? Car si vous acceptez cette logique, les citoyens seront désormais libres de s'associer à condition de... ne rien faire, de ne rien entreprendre collectivement et de façon désintéressée !
« Depuis un siècle, le mouvement associatif a servi de révélateur et a inventé des réponses à de nouvelles demandes sociales, à de nouveaux services ouverts à tous et, notamment, aux plus faibles et aux plus démunis.
« Si, vous aussi, vous voulez une société républicaine et démocratique où les citoyens continuent à avoir la liberté de s'associer volontairement pour agir ensemble et dans un esprit pluraliste, alors utilisez vos multiples possibilités d'intervention en votre qualité d'élus ou de citoyens responsables. Et, comme il y a un siècle, battons-nous ensemble pour accroître les possibilités d'action, de cette loi 1901, véritable garant de nos plus grandes libertés collectives. »
Jean-Pierre Gourmelon Responsable d'associations 2, rue Chopin - 29600 Plourin-les-Morlaix -Tél. 02 98 62 13 88.