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Une centaine de plates-formes de services de proximité ont vu le jour au cours de ces dernières années, pour tenter de rapprocher l'offre et la demande. Ce secteur, qui se développe moins vite que prévu, peine à trouver un second souffle.

De 300 000 à trois millions... La fourchette était vraiment très large. Trop large pour que l'on sache exactement ce que recouvre ce formidable gisement d'emplois présumé que constituent les services de proximité, abusivement assimilés aux emplois familiaux (1). Au milieu des années 90, les pouvoirs publics ont en effet suscité diverses initiatives et même légiféré pour stimuler la création d'emplois, surtout à travers les services de la vie quotidienne (ménage, garde d'enfants, services aux personnes âgées). Ceux-ci auraient permis de créer, jusqu'à présent, environ 264 000 équivalents temps plein (2). Une centaine de plates- formes de services se sont montées pour rendre ces derniers plus lisibles et plus accessibles à la population. Certaines tentent, aujourd'hui, d'ancrer leur démarche dans une politique de développement local durable (3).

Lancées dans les années 1994-1995, les plates-formes de services ont été mises en place, le plus souvent, à l'instigation des conseils généraux, parfois des services de l'Etat (direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, DDASS, préfecture), plus rarement des prestataires eux-mêmes. Elles visaient, en principe, toutes le même objectif : favoriser le développement des activités de proximité, pour créer des emplois, et croiser la demande avec l'offre fournie par les prestataires adhérents. En clair, structurer des services jusqu'alors dispersés. Mais, aujourd'hui, la création d'emplois semble avoir perdu son aura de départ... Sous les effets d'une croissance momentanément retrouvée ? En tout cas, un tiers seulement des plates-formes interrogées par l'Institut de développement des activités de proximité  (IDAP), en 1999, estime que c'est une priorité. Viennent ensuite la structuration de l'offre et la réponse à des besoins nouveaux. Nouvelle dimension, en revanche : l'amélioration de la qualité du service n'est plus liée à la professionnalisation ; elle devient un objectif à part entière. Tout comme la volonté de créer de véritables métiers qualifiés répondant à des parcours de formation.

La cohérence du territoire

Structures associatives dans leur grande majorité, parfois portées directement par une collectivité territoriale ou une union départementale des associations familiales (UDAF)   (4), elles rassemblent soit des prestataires associatifs, y compris parfois des centres communaux d'action sociale (CCAS), soit des associations et des prestataires privés du secteur de l'aide à domicile et des emplois familiaux, parfois rejoints par des sociétés privées, des artisans, etc.

Ces plates-formes se sont généralement implantées sur des territoires identifiés : plus de la moitié sur des communautés de communes, communautés urbaines, agglomérations ou bassins d'emplois, mais aussi 40 % au niveau d'un département. Et elles commencent à s'inscrire dans la démarche des « pays »   (5). Plus que le nombre d'habitants, ce qui compte, dit-on à l'IDAP, c'est la cohérence du territoire : deux tiers des plates-formes couvrent ainsi une population de moins de 500 000 habitants.

Dans la pratique, l'orientation des plates- formes est singulièrement marquée par le promoteur d'origine. Ainsi, dans la Nièvre, le conseil général a engagé, en 1995, en s'appuyant sur le partenariat local, une politique de soutien aux projets situés sur des micro-territoires autour des services de proximité.

Les besoins ? Une étude préalable a montré qu'ils concernaient essentiellement les services liés au domicile, à la garde des enfants, au vieillissement. Le département décide alors de conventionner trois projets sur trois territoires différents : deux en milieu rural portés par les centres sociaux, début 1998, et un sur l'agglomération neversoise en 1996, sous la houlette de l'association Rézo (6). Outre les fonds d'insertion du conseil général, le Fonds social européen a apporté sa manne et, selon le territoire, les structures intercommunales, la DDTEFP, le Fonds régionalisé d'initiatives locales pour l'emploi (FRILE) et la caisse d'allocations familiales.

Rézo a mis l'accent sur la structuration de l'offre de services aux particuliers, assurée en majorité par les associations d'aide à domicile et les structures d'insertion par l'activité économique adhérentes à la plate-forme. « Nous avons ouvert un point info, pour gérer l'interface entre l'offre et la demande, lancé un numéro vert, mis en place un réseau de relais sur l'agglomération et étudié la possibilité de nouvelles créations de services à l'occasion de la construction de l'hôpital de Nevers », indique Nathalie Roy, seul agent de développement local à faire fonctionner Rézo, avec l'aide d'un emploi-jeunes.

Les centres sociaux gérant déjà certaines prestations, comme le maintien à domicile, les deux plates-formes rurales, agissent sur des segments d'activités qui vont au-delà des services aux particuliers,  comme le tourisme et l'environnement. Les résultats en termes de création d'emplois ? « Difficile à mesurer, surtout en milieu rural, répond Nathalie Roy. Nous avons pu identifier environ 8 à 10 000 heures travaillées à partir de Rézo, indépendamment des plates-formes rurales. »

Générer de l'activité

Info Services à domicile 93 (7) a résolument choisi l'optique emplois familiaux. A l'initiative de la DDTEFP, cette fois, la plate-forme de la Seine-Saint-Denis rassemble, après un peu plus de deux ans d'activité, une cinquantaine d'adhérents agréés, dont huit CCAS et une entreprise privée. En sus des objectifs communs aux plates-formes, Info Services assure un suivi des prestataires pour garantir la qualité des services rendus et s'efforce de développer le lien emploi-formation, en organisant une coordination entre la DDTEFP, les organismes de formation et les employeurs. De l'aveu même du responsable, Régis Isambert, il a fallu un an avant de générer 1 000 heures d'intervention dans les structures adhérentes. Fin 1999, on en dénombrait 25 000, soit 2 000 heures par mois. « Cela peut paraître peu à l'échelle de ce département qui compte 1,4 million d'habitants. Mais un tiers des demandes de services seulement se concrétise. De plus, une intervention génère en moyenne une vingtaine d'heures de travail par mois. Il faut donc que la demande croisse fortement (712 en 1999) pour augmenter de façon significative l'activité générée. » Par ailleurs, pour développer l'emploi dans le secteur et améliorer son équilibre financier, Info Services à domicile 93 a engagé un partenariat avec le conseil général autour de la prestation spécifique dépendance (PSD).  « Nous aidons les bénéficiaires de la PSD à utiliser le chèque emploi-service, souligne Régis Isambert. Ce qui a permis de contribuer à la création, toutes activités confondues, de 38 équivalent temps plein mensuel. » Dans cette opération, l'Etat a versé 750 000 F en deux ans. « La mise n'est-elle pas élevée ?Ces heures d'activité n'auraient-elles pas été créées de toute façon, indépendamment de la plate-forme ? Pourquoi ne pa s s'appuyer plutôt sur l'existant, comme les CCAS, qui constituent déjà des pôles de services proches de la population ? », s'interroge Dominique Fruleux, adjointe au maire chargée des affaires sociales à Roanne (Loire) et conseillère régionale, qui a créé une plate-forme de services gérontologiques. « En outre, je trouve tout à fait anormal que l'on encourage des personnes reconnues dépendantes à devenir employeurs parce que la formule du chèque emploi-service revient moins cher que de passer par un organisme agréé ! », s'insurge-t-elle.

Quelle que soit l'origine des plates-formes, les opérateurs sont tous confrontés à des obstacles du même ordre. Les premiers sont connus de longue date : frein culturel (intrusion d'une personne étrangère chez soi), absence de solvabilité ou réticence à payer le coût réel du service de la part de populations habituées soit à la gratuité, soit à une participation financière limitée. D'où la modestie des résultats obtenus. Le second type d'obstacles, classique, est lié au manque de temps accordé pour faire vivre un projet et au financement des plates-formes : lorsque le conseil général ou l'Etat se désengagent, il faut chercher des relais. « Cela prend un temps considérable », regrette Nathalie Roy,  qui s'acharne aussi à défendre la plus-value apportée par la plate-forme à ceux des adhérents tentés d'y voir... une forme de concurrence.

Dans les Deux-Sèvres, « la volonté politique de penser autrement le développement de services dans l'espace rural, en s'appuyant sur la demande des citoyens et non sur le désir des élus, a guidé notre démarche », indique Simone Donnefort, elle-même élue du « pays » mellois, syndicat mixte qui regroupe 91 communes, soit 48 000 habitants. Avec, en arrière-plan, le projet d'un schéma des services sur le territoire, qui concernerait tous les secteurs : l'économie, les transports, les services administratifs, l'enfance... dans une optique de développement local. Grâce aux financements européens, « sans lesquels nous n'aurions jamais pu y arriver », et la région, avec laquelle a été signé un contrat de développement rural, le « pays » peut s'enorgueillir d'avoir installé, à la poste de Melle, un point de vente SNCF, la première gare étant située à une trentaine de kilomètres. Equipées en informatique, les écoles maternelles et primaires travaillent désormais en réseau ; un fonds de garantie aux petites entreprises permet à ces dernières de solliciter des prêts bancaires en apportant une garantie... Prochaine étape : la création d'une plate-forme de services, opérationnelle fin 2000, sous la forme d'une banque de données qui centralisera tous les services existants dans le pays, après en avoir vérifié la qualité, et diffusera les informations aux institutionnels, dans un premier temps, puis aux entreprises et aux associations. « Ce sera un outil de veille qui pourra être un observatoire en temps réel de ce qui fonctionne bien ou mal », espère Simone Donnefort, qui va inviter des partenaires potentiels (dont la DDASS et le conseil général) à un tour de table financier.

Vers un label d'utilité sociale ?

Alors, utiles les plates-formes ? Sûrement, à condition de bien réfléchir à ce qu'on met en place et aux fameux gisements qu'elles sont supposées susciter. « Il faudrait en finir avec une approche par le marché », estime Jacqueline Lorthiois, conseillère technique à la délégation à l'innovation sociale, qui travaille actuellement à la création d'un label d'utilité sociale pour des activités qui n'ont pas seulement une fonction de production. « On ne peut assimiler une production d'activités ayant pour objectif un développement durable à celles qui sont centrées sur le profit. » Ce label, s'il voit le jour, permettrait aux activités reconnues de bénéficier d'une aide de l'Etat proportionnelle à leur degré d'utilité sociale.

Dominique Lallemand

Notes

(1)  Selon le Conseil économique et social, les autres secteurs concernés par les activités de proximité sont le cadre de vie, l'accès à la culture et aux loisirs, l'environnement, les services aux entreprises pour leurs salariés ou leurs clients.

(2)  Situation fin 1999, hors emplois d'assistantes maternelles. Il s'agit des emplois créés au domicile des usagers via les organismes agréés, et grâce aux emplois de gré à gré.

(3)  D'après l'étude menée par l'Institut de développement des activités de proximité, qui organisait un séminaire autour des services de proximité, le 7 février 2000, à Paris - IDAP : 1, rue du 11-Novembre - 92120 Montrouge - Tél. 01 46 57 31 30.

(4)  Les SARL ou union d'économie sociale sont marginales.

(5)  Apparu dans la loi sur l'aménagement du territoire en 1995, le pays doit fédérer les acteurs locaux sur un territoire, autour d'un projet commun de développement. L'IDAP a réalisé une étude sur les activités de proximité au sein du pays.

(6)  Contact : Tél. 03 86 59 32 05.

(7)  Contact : Tél. 01 55 83 09 09.

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