Les enfants seuls

 A 6 ans, Rosa passe parfois seule ses nuits, enfermée à clef dans l'appartement par sa mère qui sort sans rien lui dire ; Mickaël, 7 ans, accomplit les tâches domestiques, le soir en rentrant de l'école, sa maman ne revenant que vers 22 h 00 ; Alexandra, 8 ans, est laissée chaque année pendant plusieurs semaines à la garde de sa sœur de 14 ans, elle-même exclue du collège pour problèmes de toxicomanie... Souvent cachées, ces situations d'isolement et de solitude des enfants sont pourtant fréquentes, sous réserve qu'on s'intéresse à leur environnement, explique Laurent Ott. Depuis 1993, dans le cadre de l'association Intermèdes qu'il préside, cet ancien éducateur, devenu directeur d'école, milite pour combattre ce phénomène, souvent absent des préoccupations politiques et médiatiques. Tournant le dos aux discours stigmatisant la démission parentale ou la violence des jeunes, ce praticien tente d'analyser les formes et les causes de la solitude enfantine. Laquelle interroge tout à la fois la famille, la société, l'école, mais aussi les mouvements d'éducation populaire, le travail social dans son approche souvent cloisonnée et technicienne… Peu étudiée, la solitude des 6-13 ans engendre pourtant des difficultés relationnelles faisant obstacle à l'intégration ultérieure de l'enfant dans un groupe ou une collectivité. Elle peut se traduire par des attitudes de provocation ou de quête affective, voire des signes de dépression et, dans les cas extrêmes, des conduites d'errance. Alors, comment lutter contre le phénomène ? En créant « de nouveaux liens », explique Laurent Ott, et c'est en ce sens que certains professionnels ont adopté une vision globale de l'enfant et mis en place des expériences innovantes. Renouvelant l'approche classique du travail social, celles-ci reposent sur l'instauration d'un cadre souple d'intervention éducative en milieu ouvert où les enfants viennent de leur propre chef. C'est d'ailleurs ces derniers qui amènent peu à peu leurs parents à s'intéresser, voire à s'impliquer, dans les animations proposées. Lesquelles ont lieu dans des espaces publics, le plus souvent même sous les fenêtres et le regard des parents. « Loin d'être un mode d'animation au rabais, l'intervention en milieu ouvert a des qualités tout à fait nouvelles et remarquables », défend Laurent Ott. Et celui-ci de souligner la constance de la relation éducative, les principes de libre adhésion et de participation des enfants, de gratuité des actions, d'hétérogénéité des publics accueillis... Dérangeant parce qu'il remet en cause certains modes de faire, cet ouvrage a le mérite d'être constructif en proposant, à partir d'exemples concrets, d'autres façons peut-être de « faire du social ».  I.S. Les enfants seuls - Laurent Ott -Ed. Dunod - 140 F.