C'est la première fois que la Fnap Psy a une telle démarche. Pourquoi maintenant ?
- Il est temps que l'usager des services de santé mentale prenne la parole et devienne acteur, à l'image de ce qui se fait dans d'autres pays européens. Au Royaume-Uni, par exemple, certaines associations d'usagers sont reconnues comme de vrais partenaires par les professionnels. A leur demande, certaines d'entre elles interviennent auprès des patients, signalés en crise, et permettent ainsi, dans près de 60 % des cas, d'éviter l'hospitalisation. En France, nous sommes très loin d'une telle collaboration. Au contraire, les usagers souffrent de ne pas être écoutés, ni même considérés par les professionnels. Le sondage que nous avons réalisé auprès de 1 500 patients le montre bien :56 % disent se sentir moyennement respectés ou pas respectés ; 87 % d'entre eux souhaiteraient avoir le libre choix du médecin et 60 % un second avis médical. En fait, ils veulent être mieux informés, notamment sur les effets secondaires des traitements. Ce que les médecins occultent souvent.
Cependant, la position des professionnels à l'égard des associations de patients n'est-elle pas en train d'évoluer ?
- C'est vrai. Depuis deux ou trois ans, nous sommes de plus en plus invités à témoigner dans les colloques qu'ils organisent. Mais cette démarche est encore émergente. Nous souhaitons faire évoluer les choses plus vite. C'est pourquoi nous avons décidé d'organiser cette journée et d'y inviter, outre les (ex-) patients, tous les acteurs en santé mentale : les psychiatres des secteurs privé et public, les infirmiers et les assistantes sociales. Nous voulons mieux connaître leurs positions et pouvoir leur présenter nos propositions pour améliorer, à la fois, la place et l'image de l'usager en santé mentale.
Quelles améliorations apporter ?
- Il y a beaucoup à faire. Ce qui nous semble primordial, c'est l'amélioration du travail en réseau ainsi que des relais entre les professionnels et les différents services. Souvent l'entrée dans le dispositif de soins en psychiatrie ne se fait pas correctement. Trop de généralistes ne savent pas renvoyer leurs patients vers les psychiatres et décident de traiter ces derniers avec des antidépresseurs, par exemple, qui ne sont pas toujours indiqués. Il faut savoir que cette prise en charge catastrophique peut aller jusqu'à engendrer des pathologies. Au-delà des contacts entre médecins, il faut également que se renforcent les relations entre ces derniers et les travailleurs sociaux. Nous souffrons trop des querelles de chapelle entre les deux professions qui mettent à mal le suivi médico-social. En matière d'hospitalisation, il nous semble important de revoir « la politique de secteur » qui contraint les patients à d'importants déplacements et, surtout, de préférer aux grands centres hospitaliers, qui accentuent la désocialisation des usagers parce qu'ils sont construits en dehors des villes, de petites unités inscrites dans le tissu urbain. Voilà les sujets que nous voulons aborder dans l'immédiat. Mais nous souhaitons également, à plus long terme, revenir sur la question de l'hospitalisation à la demande de tiers (HDT) et de l'hospitalisation d'office (HO), décidée par le préfet, auxquelles nous sommes catégoriquement opposés. Ces pratiques ont conduit à l'émergence d'une véritable zone de non-droit. Nous préférons que l'internement soit lié à une décision de justice, comme en Europe du Nord.
Propos recueillis par Anne Fairise
(1) Créée en 1994, elle regoupe une quinzaine d'associations d' (ex-) patients en psychiatrie - dont Le Fil retrouvé, Médiagora, L'autre regard et Revivre Côte-d'Or - comptant au total quelque 2 500 adhérents. Fnap Psy : 6, rue Saulnier - 75009 Paris - Tél. 01 42 46 51 19.