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Radioscopie « d'un site pour la vie autonome »

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A Grenoble, le SCAPH 38, une structure d'aide et de conseil aux personnes handicapées, a mené, pendant deux ans, l'expérimentation du « guichet unique des besoins de compensation ». Premiers enseignements.

« En France, il y a des modes en matière de politique sociale. Le handicap souffre actuellement d'un manque de priorité », dénonce Bernard Mémin, médecin de rééducation fonctionnelle au Service conseil autonomie pour personnes handicapées (SCAPH 38)   (1).

Situé au cœur de la cité universitaire de Grenoble (Isère), le SCAPH 38, qui est un Centre d'information et de conseils sur les aides techniques (CICAT), s'adresse à toutes les personnes handicapées physiques et sensorielles du département. Sa mission :favoriser le maintien à domicile et réduire les obstacles à l'insertion sociale et professionnelle. L'équipe, composée de 32 personnes en fait le centre le plus important de France. Pour cette raison, le SCAPH 38 a été sélectionné, en 1996, parmi 23 services et structures adhérant à la Fédération nationale des CICAT, pour participer à l'expérimentation des « sites pour la vie autonome ». Sous l'égide de la direction de l'action sociale, son objectif est d'améliorer les conditions d'accès aux moyens de compensation fonctionnelle en instaurant des guichets uniques d'évaluation et de traitement des demandes.

Mieux connaître les situations de handicaps

En avril 1998, la première phase de l'expérimentation commence. Le SCAPH 38 décide d'abord d'apprécier le dispositif de prescription. Quel fauteuil roulant faut-il préconiser pour réduire l'incapacité de Paul, paraplégique ? Comment aménager sa salle de bains pour lui faciliter l'accès à la baignoire ? Une équipe, composée d'un médecin de rééducation fonctionnelle, d'un ergothérapeute et d'un travailleur social, se rend chez chaque personne handicapée participant à l'expérimentation (288 au total). Le but :définir précisément les besoins individuels en matière d'aides techniques et d'aménagements du domicile.

Au SCAPH 38, cette façon de procéder a déjà fait ses preuves : « Ici, cela fait longtemps que la préconisation des moyens de compensation fonctionnelle est établie par des professionnels de l'évaluation, souligne Bernard Mémin. Mais c'est loin d'être le cas dans la plupart des départements français. L'un des intérêts de l'expérimentation est de montrer la nécessité de mettre en place des équipes labellisées. » Progrès de la technologie oblige, les aides techniques sont de plus en plus pointues et diverses. Connaître les dernières innovations est un impératif auquel répondent des spécialistes dont l'intervention systématique à domicile assure aux personnes handicapées une analyse précise de leurs besoins. « Avant l'existence des équipes d'évaluation, la prescription était réalisée par un médecin, souvent généraliste, explique Eric Baudet, directeur du Service régional d'aide et d'information (SRAI) Dauphiné Savoie de l'Association française contre les myopathies (2). Celui-ci préconisait, par exemple, un fauteuil roulant électrique, mais faute de connaître les divers modèles, il ne précisait pas quelles options étaient éventuellement nécessaires. C'est donc avec une ordonnance très floue que la famille de l'usager se rendait chez un revendeur, qui faisait essayer le fauteuil dans sa boutique sans prendre en compte la configuration du logis de la personne handicapée. Résultat : celle-ci se retrouvait souvent avec un appareil inadapté à sa situation et son environnement. Il fallait donc recommencer la démarche de prescription et, par la même occasion, la procédure de demande de financement. »

Une procédure de prise en charge très complexe

D'après l'étude nationale menée par l'Association des paralysés de france (APF) et l'Association française contre les myopathies (AFM), une personne handicapée doit expliquer son cas à environ six interlocuteurs pour obtenir le financement partiel d'un fauteuil roulant (3). Pour en finir avec ce « parcours du combattant », le SCAPH 38 implante un médiateur pour faire office de conseil et d'aide auprès des personnes handicapées. Conjointement à la préconisation technique, une assistante sociale examine ainsi chaque situation, afin d'établir un dossier de demande de financement et de le présenter à la caisse primaire d'assurance maladie, puis aux différents partenaires (mutuelle, caisse de retraite, conseil général, associations caritatives...). Ce principe d'un guichet unique réunissant l'évaluation et l'aide aux démarches de prise en charge simplifie considérablement la vie quotidienne des personnes handicapées. Mais cette mesure, à elle seule, ne suffit pas à réduire les délais d'obtention des moyens de compensation, dont l'importance (environ sept mois d'attente entre le dépôt du dossier et l'acquisition de l'aide technique) était dénoncée par les associations. « Jusqu'à la mise en place de l'expérimentation, les procédures administratives étaient longues et compliquées, explique Eric Baudet. Les financeurs attendaient de voir si la caisse primaire d'assurance maladie prenait en charge l'aide technique avant de se prononcer. Puis, ils acceptaient éventuellement d'assumer une partie du financement, mais à condition que les autres partenaires en fassent autant. Autrement dit, chacun se renvoyait la balle ! » Pour simplifier les procédures administratives, le SCAPH 38 crée des comités départementaux, sous la direction de la DDASS. « Tous les mois et demi, nous avons réuni autour d'une même table les différents partenaires, précise Bernard Mémin. En examinant ensemble des cas concrets, les financeurs ont constaté la complexité et la lourdeur de leur façon de procéder. Et ils ont pu en mesurer les conséquences directes sur les personnes handicapées. » Résultat de l'implantation des comités départementaux : un délai d'attente de 4,4 mois pour les aides techniques (au lieu de 6,8 mois) et de 4,9 mois pour les aménagements (contre 8,1 mois auparavant). « C'est bien, mais encore trop long », juge Rose-Marie Clevas, déléguée départementale de l'APF en Isère (4).

Afin d'améliorer encore le système, l'expérimentation entre dans une seconde phase durant l'année 1999, lorsque le SCAPH 38 décide de se concentrer davantage sur la question de la coordination des financeurs. Après une année de réflexion et discussion, l'équipe de Bernard Mémin, poursuivant le principe du guichet unique, incite les partenaires à adopter une même méthode de travail. « Nous avons établi une charte des financeurs reprend Bernard Mémin. Son premier principe : tous s'engagent à accepter un dossier unique de demande de financement. Deuxième principe : l'étude du dossier et la notification de l'aide financière individuelle doit être accordée sous un délai de 15 jours maximum après réception du dossier complet. Enfin, troisième principe : le versement de cette aide s'effectuera directement dans les sept jours qui suivent la notification par le biais d'une caisse pivot centralisatrice. » Cette charte, signée le 8 février 2000, a reçu le meilleur accueil de la part des associations. « Pour la première fois, tous les acteurs concernés par le problème du handicap parviennent à trouver une problématique commune », souligne Eric Baudet. A présent, on attend les résultats du « site unique de traitement des demandes »  : « Désormais, le délai pour obtenir le financement d'une aide technique devrait se limiter à un mois », espère Rose-Marie Clevas.

Changer les lois

Si l'équipe du SCAPH 38 et les associations sont satisfaites des résultats de l'expérimentation, tous s'accordent à dire que le dispositif mis en place ne représente qu'un début : « Il faut maintenant sortir du cadre expérimental, affirme Bernard Mémin . Pour cela, la législation doit changer de façon à ce que les financiers modifient leurs habitudes de fonctionnement. » De son côté, Eric Baudet estime que la condition des personnes handicapées évoluera véritablement lorsque le droit à la compensation fonctionnelle sera légalement inscrit et que le tarif interministériel des prestations sanitaires et sociales (TIPS) sera élargi : « Le TIPS est l'instrument qui sert de base à la prise en charge des moyens de compensation fonctionnelle. Il comprend environ 700 aides techniques alors qu'il en existe plus de 30 000. Autrement dit, il y a quelque 23 000 outils et appareils non remboursés par la sécurité sociale. Cela revient à en refuser l'accès aux personnes qui en ont besoin. Or, si la compensation fonctionnelle est affirmée par la loi, les usagers pourront se retourner contre le système archaïque du TIPS, qui se devra donc d'inclure l'intégralité des aides techniques. » Pour Rose-Marie Clevas, le problème de l'accès aux moyens de compensation est en bonne voie de résolution. « Il reste maintenant à s'occuper de la question des aides humaines ! »

Véronique Mahé

HISTOIRE D'UNE EXPÉRIMENTATION

Dans le Rapport sur les aides techniques de février 1995, le groupe d'experts, conduit par Simone Veil en 1994, émet l'idée d'une expérimentation sur deux ans permettant d'analyser les conditions d'accès des personnes handicapées aux moyens de compensation. En octobre 1997, quatre sites départementaux (Isère, Morbihan, Loire, Saône-et-Loire) sont désignés pour participer à l'expérimentation du guichet unique d'évaluation. Chacun s'engage à prendre en charge 175 personnes handicapées par an. Les moyens de compensation préconisés devront être 155 aides techniques et 20 aménagements à domicile. Pour mener à bien l'opération, la direction de l'action sociale accorde un million de francs par an à chaque site départemental. Prévue pour débuter dès janvier 1998, l'expérimentation commence finalement en avril. Elle a fait l'objet d'une évaluation par le Centre technique national d'étude et de recherche sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI) en avril 1999 (5) . Jésus Sanchez, coauteur du rapport se dit favorable à la généralisation du dispositif, en veillant à mieux coordonner les financements pour obtenir une plus large prise en charge des aides techniques et des aménagements. Parallèlement, la commission animée par Maryvonne Lyasid, pour favoriser l'autonomie des personnes handicapées, propose d'inscrire le droit à la compensation fonctionnelle dans un cadre législatif (6) . Au vu de ces suggestions, Lionel Jospin s'engage, le 25 janvier dernier, devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), à ce que l'expérimentation soit menée, dès cette année, dans 15 départements, et généralisée d'ici à 2003 (7) . Il annonce également que l'Etat contribuera à la constitution de fonds de compensation départementaux destinés à favoriser l'acquisition d'aides techniques « onéreuses ».

Notes

(1)  SCAPH 38 : 271, rue de la Houille-Blanche - 38406 Saint-Martin-d'Hères cedex - Tél. 04 76 59 55 59.

(2)  SRAI Dauphiné Savoie : 2, allée d'Ouessant 38130 Echirolles - Tél. 04 76 09 90 00.

(3)  Voir ASH n° 2120 du 21-05-99.

(4)  APF Isère : 21 bis, rue Marcelin-Berthelot - 38100 Grenoble - Tél. 04 76 43 13 28.

(5)  Voir ASH n° 2126 du 2-07-99.

(6)  Voir ASH n° 2135 du 1-10-99.

(7)  Voir ASH n° 2151 du 28-01-00.

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