Des milliers de parents d'enfants handicapés mentaux sont en émoi. Le groupe Axa les a, en effet, avertis en janvier du doublement du montant des primes d'assurance vie qu'ils versent chaque trimestre dans le but d'assurer, après leur décès, une rente à vie à leurs enfants. Motif invoqué par l'assureur : ce contrat -négocié en 1963 par l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (Unapei) (1) - était déficitaire de 500 millions de francs à la fin 1999. Et le déficit s'accroîtrait de 50 millions par an si l'on maintenait le niveau initial des primes. Dès juillet 1999, Axa avait informé l'Unapei de sa volonté d'augmenter celles-ci de 180 %, un taux ramené après négociations à 100 %, mais qui, selon l'assureur « permet juste d'équilibrer le contrat ». « Nous avons limité au maximum la casse », explique de son côté Patrick Gohet, directeur de l'Unapei, qui, cet été, a sondé en vain d'autres groupes pour reprendre le contrat... Il indique toutefois comprendre la colère des parents. Les 6 900 souscripteurs n'ont en effet que trois solutions : soit doubler la prime pour garder le même montant de rente, soit conserver le montant de la prime mais diminuer ainsi de moitié la rente, soit résilier leur contrat et perdre la totalité de leurs versements (2).
La balle, à présent, est dans le camp du gouvernement. Martine Aubry s'est déclarée « très choquée, et sur le fond et sur la forme » par la façon dont Axa a traité cette affaire. « Même si elle est légale, cette décision est brutale », a estimé, de son côté, le délégué interministériel aux personnes handicapées, Patrick Ségal. D'autant plus que l'assureur - dix milliards de francs de bénéfices en 1998 - met souvent en avant son association d'entreprise, Atout cœur, dont l'un des objectifs est d'aider les personnes handicapées. Le délégué interministériel a donc convié des représentants d'Axa, de l'Unapei et des services de Bercy à une réunion de concertation au ministère de la Santé, le 22 février (3). Son but est évidemment d'amener Axa à revoir sa décision. Une tâche ardue, le groupe ne manquant pas de souligner que « ce n'est pas à un assureur privé de jouer la solidarité, mais à l'Etat ». Cependant, Axa, qui avec la Caisse nationale de prévoyance (4), est le seul assureur à fournir ce type de contrat, ne serait pas hostile à une mutualisation de ce risque avec d'autres professionnels de l'assurance. La réévaluation du taux de déductibilité de la prime (5) pourrait constituer une autre piste pour la sortie de cette crise.
L'affaire prend une dimension européenne puisque Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente (PS) du Parlement de Strasbourg, a demandé mercredi à la Commission européenne « si elle juge conforme aux principes de non-discrimination le doublement par certaines compagnies d'assurances de la prime d'assurance vie des parents d'enfants handicapés mentaux ».
(1) Unapei : 15, rue Coysevox - 75876 Paris cedex 18 - Tél. 01 44 85 50 50.
(2) Axa a mis en place un numéro azur (0 810 418 420) pour informer les parents.
(3) Laquelle fera suite à la réunion du 21 février du comité de suivi de la rente survie des parents d'enfants handicapés, demandée en urgence par l'Unapei.
(4) Qui a négocié un contrat avec l'APAJH.
(5) Aujourd'hui, 25 % du montant des cotisations annuelles, dans la limite de 7 000 F plus 1 500 F par enfant à charge, handicapé ou non, sont déductibles des impôts.