Quel est votre principal constat ?
- Dans le débat public, la question des jeunes renvoie toujours aux problèmes de chômage et de violence et possède une connotation négative. Cette façon de voir présente peu d'intérêt. Aussi notre démarche a-t-elle été d'interroger la société par rapport à la jeunesse. Et d'examiner comment se pose, à notre époque, la question de l'accès aux savoirs, de la participation à la vie économique et politique. On se rend compte ainsi qu'au moment où il y a une explosion des savoirs, les institutions permettant leur transmission, comme la famille et l'école, sont profondément déstabilisées. Ce qui retentit bien évidemment sur les jeunes.
Pourtant, depuis des années, les gouvernements ont multiplié les mesures et dispositifs en direction des jeunes.
- Le modèle français d'insertion sociale et professionnelle des jeunes n'est pas satisfaisant. Malgré les investissements budgétaires importants, les efforts des acteurs, il n'a pas produit les résultats escomptés. Il faut en finir avec cette quête du Graal que constituent les parcours individualisés et réfléchir plus globalement par rapport aux mutations du travail. Imaginer ainsi que l'entretien des savoirs doit être permanent et suppose une formation tout au long de la vie. Faire en sorte que la flexibilité, dont sont si demandeurs les employeurs, ne soit plus imposée aux entrants dans l'entreprise, mais constitue un risque partagé autrement : ce qui nécessite de revoir l'indemnisation du chômage de ceux qui occupent des emplois très courts, de développer peut-être davantage les collectifs d'employeurs. Aujourd'hui, seuls les plus fragiles, dont les jeunes, font les frais de la demande d'adaptation permanente au marché, ce qui ne fait qu'accroître les inégalités. Il faut modifier ces comportements institutionnels.
C'est une démarche à très long terme. Comment répondre pourtant à l'urgence des situations ?
- Justement toutes les politiques publiques se sont situées jusqu'ici dans le court terme et la volonté d'obtenir des résultats immédiats. Ce n'est pas forcément la meilleure façon d'agir. Nos réflexions visent à interroger les mécanismes de reproduction de la société. Mais cela ne nous empêche pas de formuler des propositions opérationnelles rapidement. Par exemple, les emplois-jeunes sont intéressants au sens où ils ont pu modifier le contenu de certaines fonctions. La présence des jeunes permet ainsi de changer les choses en profondeur.
Que pensez-vous des réflexions autour d'une garantie de ressources pour les jeunes, voire d'un statut de la jeunesse ?
- La multiplication des statuts et des dispositifs spécifiques a-t-elle changé les choses ? Notre objectif justement est que nos propositions n'aboutissent pas à créer un dispositif supplémentaire qui, de nouveau, va « naturaliser », c'est-à-dire banaliser le problème des jeunes. Nous voulons éviter de rajouter un système qui enferme ces publics dans leur jeunesse. Ils n'ont jamais été autant formés. Leur situation ne doit plus être considérée en termes d'incapacité dans l'entreprise, mais dans une visée de transformation sociale.
Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) Commissariat général du Plan : 18, rue de Martignac - 75007 Paris - Tél. 01 45 56 51 00.