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Un plan triennal pour l'autonomie des handicapés

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Lionel Jospin a présenté, le 25 janvier, un plan triennal d'accès à l'autonomie des personnes handicapées. Dans leur ensemble, les associations reconnaissent le caractère global des mesures annoncées qui prennent en compte, pour la première fois, tous les aspects de la vie sociale.

Le 25 janvier, et c'est une première dans l'histoire du Conseil national consultatif des personnes handicapées  (CNCPH), un Premier ministre en présidait les travaux. Il était accompagné, pour la circonstance, de sept membres de son gouvernement, chargés respectivement, de l'Emploi et de la Solidarité, de l'Enseignement scolaire, des Transports, de la Jeunesse et des Sports, de la Santé et de l'Action sociale, du Logement et du Tourisme. Au-delà du symbole, c'était l'occasion pour Lionel Jospin de se prononcer, pour la première fois depuis son arrivée à Matignon, sur sa politique en matière de handicap. Certes, le Premier ministre a rappelé les actions déjà engagées par le gouvernement et, notamment, insisté sur la poursuite du plan de création de places en établissements spécialisés. Mais, au-delà, il a cherché à donner à sa politique une inflexion « nouvelle et sans précédent » en matière d'intégration dans la société. Pour cela, un plan triennal pour la vie autonome des personnes handicapées met l'accent sur tous les aspects de la vie sociale. Et mobilisera, sur la période 2001-2003, 1,52 milliard de francs, qui s'ajouteront au milliard de francs restant à consommer du plan quinquennal (1999-2003) de créations de 16 500 places en établissements pour adultes handicapés (1). L'accent mis par le gouvernement sur l'accès à l'autonomie et la reconnaissance de la citoyenneté marque, incontestablement, un infléchissement fort dans la politique à l'égard des personnes handicapées. Ce que saluent un animement les associations, qui attendent, maintenant, sa mise en œuvre sur le terrain. Elles jugeront, ainsi, la volonté gouvernementale à l'aune de la réforme de la loi de 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Sujet sur lequel Lionel Jospin s'est contenté d'indiquer qu'un projet de loi serait déposé au Parlement « avant la fin de cette session ». Néanmoins, parmi les principaux regrets, figure l'absence de mesures fortes en direction de l'insertion professionnelle. Point qui n'a pas échappé à certains députés de l'opposition (RPR), qui ont déposé, le jour même, une proposition de loi sur ce thème.

Développer l'intégration scolaire

Alors que le nombre de handicapés de moins de 20 ans est estimé à 200 000, seuls 11 200 jeunes sont, aujourd'hui, intégrés dans l'enseignement ordinaire. Pour accroître l'accueil des enfants et des adolescents dans les établissements scolaires, au-delà du plan Handiscol présenté l'an dernier par Ségolène Royal (2), 300 millions de francs seront débloqués pour le développement des centres d'action médico- sociale précoce et des services d'éducation spéciale et de soins à domicile. En outre, l'Etat aidera financièrement les établissements scolaires, à hauteur de 170 millions de francs, à acquérir des matériels pédagogiques et techniques adaptés « indispensables à la scolarisation des enfants handicapés ». Ces moyens nouveaux permettront de disposer d'ordinateurs adaptés pour les handicapés moteurs et les élèves non voyants, de s'équiper de mobiliers ergonomiques, de manuels en braille, ou encore, de logiciels d'apprentissage de la langue des signes et de la lecture labiale.

Pour les associations, des mesures « qui vont dans le bon sens »

  « Inflexion », « tournant », «  virage  » dans la politique du handicap. Si elles se donnent encore le temps d'évaluer les aspects techniques et financiers, les associations sont, dans l'ensemble, toutes d'accord. En abordant tous les domaines de la vie sociale et en mettant l'accent sur l'intégration, l'autonomie, la citoyenneté, le gouvernement, s'il confirme ses engagements, renouvelle l'approche du handicap. Et sort d'une vision encore très centrée sur la prise en charge en établissement. « Ce qui pourrait permettre de combler le retard de la France sur les questions de vie autonome par rapport à certains de ses voisins, comme la Grande-Bretagne  », se réjouit Paul Boulinier, président de l'Association des paralysés de France  (APF). Pour sa part, le Mouvement des sourds de France se félicite des promesses financières faites dans le droit fil du rapport Gillot. Et souhaite la mise en place d'une réelle concertation pour que les moyens soient bien adaptés aux demandes de cette communauté. Parmi les points positifs soulevés par les associations, la reconnaissance du droit à compensation, les mesures permettant le maintien à domicile, notamment la création de postes d'auxiliaires de vie... Même si certains voudraient aller encore plus loin. L'Association pour les adultes et les jeunes handicapés (APAJH) relève ainsi l'insuffisance des crédits en matière de prise en charge des personnes vieillissantes et des polyhandicapés et espère que la réforme de la loi de 1975 permettra «  une prise en charge tripolaire  », articulée autour des établissements mais aussi de services d'accompagnement et de centresressources. L'Unapei insiste quant à elle sur la nécessité d'intégrer les spécificités du handicap mental dans la notion de compensation afin d'aider les personnes, qui ont des difficultés de raisonnement, à «  prendre les bonnes décisions  ». Et l'Unafam souhaite que l'on étudie « un accompagnement médico-social adapté  » aux malades et handicapés psychiques afin de leur éviter les ruptures de prise en charge. C'est à ce prix que leur autonomie sera effective, souligne-t-elle. Par ailleurs, l'APF déplore la faiblesse du programme gouvernemental au niveau de l'accès aux transports. «  La citoyenneté pourtant ne saurait se réduire à la vie à domicile  », tempère néanmoins L'adapt, même si elle reconnaît les avancées de ce plan. Et elle regrette que le programme privilégie les mesures d'accessibilité et de cadre de vie au détriment de l'emploi, pourtant « le premier vecteur de cohésion sociale  ». Le taux d'embauche des personnes handicapées stagne toujours à 4 %, rappelle-t-elle, et un trop grand nombre d'offres d'emploi dans certains secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, le tourisme ne peuvent être pourvus, faute de trouver des candidats suffisamment formés. Une position partagée par la FNATH, qui appelle  « des mesures ciblées  » pour l'emploi et l'insertion professionnelle. Cette dernière estime en outre que «  la citoyenneté passe aussi par des moyens propres pour gérer sa vie » et donc des ressources suffisantes. Point sur lequel, tout comme la réparation des conséquences des risques professionnels, les efforts du gouvernement sont encore, selon elle, insuffisants. I.S.

Favoriser l'autonomie des adultes

En réponse à la revendication « très forte et légitime » des personnes handicapées, le gouvernement s'engage dans une politique de soutien à la vie autonome. A cette fin, Lionel Jospin a confirmé l'annonce faite, quelques semaines plus tôt, par Martine Aubry et Dominique Gillot, lors de leur rencontre avec des associations représentant des personnes handicapées (3), de généraliser, d'ici à 2003, à tous les départements, l'expérimentation du guichet unique d'évaluation des besoins de compensation. Dès cette année, le Premier ministre s'est engagé à ce que cette expérience soit menée dans 15 départements. En outre, faisant sienne l'une des propositions émises par le groupe de travail animé par Maryvonne Lyasid sur les aides techniques (4), le gouvernement a annoncé que l'Etat contribuera, en partenariat avec des caisses de sécurité sociale et des conseils généraux volontaires, à la constitution de fonds de compensation départementaux. Ceux-ci sont destinés à favoriser l'acquisition par les personnes handicapées d'aides techniques « souvent onéreuses ». Le coût de ces deux mesures est estimé à 185 millions de francs.

Par ailleurs, reconnaissant l'insuffisance du nombre d'auxiliaires de vie, le gouvernement financera, à hauteur de 200 millions de francs, la création de 3 150 postes d'auxiliaires de vie, d'ici à 2003. Il répond, ainsi, à une revendication forte des associations du secteur, aucun poste n'ayant été créé depuis 1983. De plus, un décret élargira, très prochainement aux handicapés, les missions des services de soins infirmiers à domicile, actuellement cantonnés à l'intervention auprès de personnes âgées.

En matière de prise en charge des sourds, outre la confirmation des actions prioritaires, annoncées en décembre dernier par Dominique Gillot (5), l'interprétariat en langue des signes et « langage parlé complété » sera développé. 10 millions de francs sont affectés au financement de cette mesure spécifique.

Au-delà de la modernisation des ateliers protégés, qui mobilisera 100 millions de francs, le gouvernement va consacrer 45 millions de francs, d'ici à 2003, au renforcement des moyens des commissions départementales d'éducation spéciale et des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel. Une mission d'appui du ministère de la Solidarité est chargée d'émettre des propositions pour accroître leur efficacité et leur cohérence.

Faciliter la vie quotidienne

Afin de rendre l'ensemble du cadre de vie accessible à tous, le Premier ministre a également présenté une série de dispositions visant à donner aux personnes handicapées les possibilités d'accès aux transports, au tourisme, au sport et à la culture. Un code de bonne conduite, pour remédier aux difficultés rencontrées par les personnes handicapées en matière d'accès aux transports (6), devrait être conclu, en mars prochain, entre la direction de l'aviation civile et les compagnies aériennes, a rappelé Lionel Jospin. Par ailleurs, il a annoncé le lancement d'une campagne nationale de communication pour le respect des stationnements réservés. S'agissant du fonctionnement des équipements d'accessibilité existants dans les différents transports, le rapport d'une mission d'audit confiée au conseil général des Ponts et Chaussées est attendu pour la fin du mois de février. Par ailleurs, un groupe de travail étudie la création d'un label garantissant l'accessibilité des équipements de tourisme.

Des places pour les plus handicapés

Afin de « consolider l'effort de solidarité en faveur des personnes les plus lourdement handicapées », le gouvernement s'engage dans un programme de création de sections d'établissements spécialisés pour enfants très lourdement handicapés (handicapés mentaux profonds, polyhandicapés...). Le coût supplémentaire à la charge de la sécurité sociale s'élève à 120 millions de francs. Par ailleurs, une enveloppe particulière, de 45 millions, est destinée à soutenir des formules de prise en charge des personnes handicapées vieillissantes.

S'agissant du plan de rattrapage en faveur des autistes et des traumatisés crâniens, mis en œuvre depuis 1995, Lionel Jospin a rappelé que deux enveloppes de 50 millions de francs chacune sont inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Au total, l'effort financier sera porté à 300 millions de francs, d'ici à 2003.

Sophie Courault et Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Voir ASH n° 2131 du 3-09-99.

(2)  Voir ASH n° 2116 du 20-04-99.

(3)  Voir ASH n° 2139 du 29-10-99.

(4)  Voir ASH n° 2135 du 1-10-99.

(5)  Voir ASH n° 2146 du 17-12-99.

(6)  Voir ASH n° 2130 du 27-08-99.

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