Promesse électorale, les 35 heures sont désormais une réalité. La loi du 19 janvier 2000 « relative à la réduction négociée du temps de travail » constitue la dernière étape d'une démarche engagée par le gouvernement il y a 2 ans. Pour mémoire, la loi Aubry I, du 13 juin 1998 (1), était un texte d'orientation et d'incitation : elle fixait un principe, les 35 heures en l'an 2000 (2002 pour les plus petites entreprises), et invitait, entre temps, les partenaires sociaux à négocier les modalités de réduction effective du temps de travail. En revanche, elle laissait à une seconde loi le soin de définir, en s'inspirant des accords conclus, les modalités concrètes de ce passage aux 35 heures. C'est chose faite avec la loi Aubry II, qui réforme en profondeur la législation sur le temps de travail. Conformément à l'esprit de la loi de 1998, ses multiples dispositions privilégient le recours à la négociation.
L'essentiel de la loi a été validé, le 13 janvier, par le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par les parlementaires de l'opposition. Il a néanmoins censuré plusieurs articles portant sur la taxation des heures supplémentaires, le sort des accords conclus sous l'empire de la loi Aubry I, le complément différentiel de salaire institué au profit des salariés rémunérés au SMIC et les licenciements économiques (2).
La nouvelle durée légale est donc fixée à 35 heures depuis le 1er janvier, dans les entreprises de plus de 20 salariés. En raison de la publication tardive de la loi, la plupart de ses dispositions ne s'appliqueront, cependant, qu'à compter du 1erfévrier, date d'entrée en vigueur de la loi.
Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité annonce la publication imminente d'une quinzaine de décrets, simples ou en Conseil d'Etat, ainsi que d'une circulaire générale. Dans l'attente de connaître toutes les modalités d'application de la loi, nous en présentons les principales dispositions.
La durée légale du travail, qui sert de référence au seuil de déclenchement des heures supplémentaires, est fixée à 35 heures depuis le 1er janvier 2000, dans les entreprises dont l'effectif, à cette date, est de plus de 20 salariés. Pour les autres entreprises, les 35 heures seront la norme au 1er janvier 2002 seulement.
Le seuil de 20 salariés, apprécié mois par mois, doit avoir été dépassé pendant au moins 12 mois, consécutifs ou non, depuis le 1erjanvier 1997. Par exception, pour les entreprises qui connaissent une baisse durable de leurs effectifs (20 salariés au plus depuis plus de 12 mois consécutifs), l'entrée en vigueur des 35 heures est reportée à 2002.
Les salariés sont décomptés selon les conditions prévues pour l'élection des délégués du personnel (3).
La loi Aubry II ne s'applique ni à ceux qui sont exclus du champ habituel de la durée légale (assistantes maternelles, par exemple), ni à la fonction publique. Pour cette dernière, des négociations sont en cours (4). La loi prévoit que le gouvernement devra remettre au Parlement, chaque année, unbilan de l'application de la RTT dans le secteur public.
La définition du temps de travail effectif adoptée en 1998 reste inchangée. Mais la loi vient davantage encadrer les temps de « casse-croûte » et d'habillage, les astreintes et les équivalences.
Les temps de restauration et les pauses sont, désormais, du temps de travail effectif lorsque le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations.
Les temps d'habillage et déshabillage, même si une tenue spécifique est imposée, ne sont pas du temps de travail effectif (sauf s'ils étaient déjà comptabilisés comme tel). Mais, à compter de 2001 (entreprises de plus de 20 salariés) ou 2003 (20 salariés et moins), les salariés devront bénéficier decontreparties, en jours de repos ou sous forme pécuniaire.
La loi du 19 janvier donne une définition de l'astreinte inspirée de la jurisprudence.
L'organisation des astreintes et leur compensation (repos ou argent) doivent être fixées par un accordcollectif ou, à défaut seulement, par l'employeur. Sauf circonstances exceptionnelles, la programmation individuelle des astreintes doit être portée à la connaissance du salarié 15 jours à l'avance.
Les équivalences ne peuvent plus être mises en place que par un accord de branche, suivi d'un décret, ou bien directement par décret.
Par ailleurs, les rémunérations versées, par le passé, au titre des heures de permanence nocturne effectuées en chambre de veille dans les établissements sociaux et médico-sociaux sont validées, sous réserve des décisions de justice devenues définitives (5).
La définition des heures supplémentaires demeure identique : il s'agit de toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire, soit 35 heures désormais (ou au-delà de la durée considérée comme équivalente).
Il faut distinguer les heures effectuées de la 36e à la 39e heure incluses de celles effectuées au-delà de la 39e heure.
Deux régimes d'heures supplémentaires sont institués : l'un, pérenne, fait l'objet d'une codification dans le code du travail ; l'autre, de nature transitoire, doit permettre une adaptation des entreprises à la nouvelle donne.
Il s'appliquera, au terme de la période de transition, à compter du 1er janvier 2001, pour les entreprises de plus de 20 salariés, le 1er janvier 2003, pour celles de moindre taille.
A l'origine, la loi prévoyait un régime de rémunération différent des heures supplémentaires selon que le salarié était employé dans une entreprise qui a réduit sa durée collective de travail à 35 heures ou dans une autre entreprise. Le Conseil constitutionnel, toutefois, a jugé cette différence de traitement contraire au principe d'égalité.
Un seul régime subsiste donc : chacune des 4 premières heures supplémentaires donnera lieu à une bonification de 25 %, au profit du salarié.
Cette bonification pourra prendre la forme d'un repos(15 minutes par heure supplémentaire) ou d'unemajoration de salaire équivalente (25 %), les modalités devant être fixées par accord(accord collectif étendu ou accord d'entreprise ou d'établissement). A défaut d'accord, la bonification sera obligatoirement prise sous forme derepos.
A compter du 1er février 2000 (6), dans les entreprises de plus de 20 salariés et, en 2002, dans celles de 20 salariés et moins (7), labonification sera de 10 % seulement (repos de 6 minutes ou majoration financière, selon les modalités prévues par l'accord collectif ; repos à défaut d'accord).
Les heures effectuées au-delà de 39 heures donnent lieu à une majoration de salaire de :
• 25 % pour celles comprises entre la 40e et la 43e heure incluses ;
• 50 % pour les suivantes.
La loi ne prévoit pas de période transitoire. Ces dispositions s'appliquent donc à compter de février 2000, pour les entreprises de plus de 20 salariés, et janvier 2002, pour celles de 20 salariés et moins.
D'ici au 1er janvier 2002, les heures supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures dans les entreprises de 20 salariés et moins restent taxées à 25 % de la 40e à la 47e heure incluses, 50 % au-delà.
Les clauses des accords conclus en application de la loi du 13 juin 1998, conformes à la loi Aubry II sont réputées signées sur son fondement. Sans ce dispositif de sécurisation, la validité des clauses dépourvues de base légale lors de leur conclusion (8) aurait pu être contestée devant les tribunaux.
Les clauses contraires continueront à produire leurs effets jusqu'à la conclusion d'un accord collectif s'y substituant (9) . Cependant, les dispositions relatives au calcul et au paiement des heures supplémentaires sont d'application immédiate.
La loi du 19 janvier 2000 met également en place desdispositifs de sécurisation juridique particulierspour les accords de modulation, les accords organisant la RTT sous forme de jours, sur le mois ou l'année, les accords sur le travail à temps partiel et la formation.
Le contingent annuel d'heures supplémentaires pouvant être effectuées sur simple information à l'inspection du travail sera maintenu, par décret, à 130 heures par salarié.
Mais ce contingent sera réduit à 90 heures pour les entreprises qui appliquent un accord de forte modulation des horaires.
Pour le calcul du contingent, sont prises en compte, désormais, les heures effectuées au-delà de 35 heures par semaine. Toutefois, à titre transitoire, seules seront prises en compte les heures effectuées au-delà de :
• 37 heures en 2000 (10) (2002 pour les entreprises de 20 salariés et moins) ;
• 36 heures en 2001 (2003 pour les entreprises de 20 salariés et moins).
Comme c'était déjà le cas pour les heures effectuées au-delà de 39 heures, tout ou partie du paiement des heures supplémentaires et des majorations pourra être remplacé, sous certaines conditions, par un repos compensateur équivalent, dès la 36e heure.
Seules les heures supplémentaires remplacéesintégralement sont désormais exclues du décompte du contingent.
Par ailleurs, la loi du 19 janvier assouplit les modalités selon lesquelles le repos est pris (à la convenance du salarié, par journée entière ou demi-journée ; délai maximal de prise du repos pouvant être porté, par accord, de 2 à 6 mois).
En tout état de cause, la durée hebdomadaire du travail ne peut, sauf dérogation, excéder44 heures (contre 46 auparavant) sur une période quelconque de 12 semaines consécutives et 48 heures au cours d'une même semaine (inchangé).
Un régime unique de modulation se substitue aux trois formules existantes (modulation dites de type I, II et III), qui permettent aux entreprises, avec des modalités différentes, d'adapter le temps de travail aux fluctuations d'activité, sans rémunérer les heures supplémentaires.
La variation de la durée hebdomadaire sur tout ou partie de l'année doit être prévue par un accord collectif. Sur un an, la durée hebdomadaire ne doit pas excéder, en moyenne, 35 heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, un plafond de 1 600 heures. L'accord doit respecter lesdurées maximales quotidiennes (10 heures) ethebdomadaires (44 heures sur 12 semaines consécutives ou 48 heures par semaine). L'activité des salariés peut être organisée selon des calendriers individualisés.
Des clauses obligatoires encadrent cette modulation et les salariés bénéficient de garantiesnouvelles (calendrier prévisionnel, délai de prévenance d'au moins 7 jours en cas de changement des horaires...).
Les accords en cours continueront de produire leurs effets. Toutefois, la réglementation des heures supplémentaires s'appliquera aux heures excédant une durée moyenne sur l'année de 35 heures par semaine.
Les dispositions de la loi du 13 juin 1998 permettant une réduction du temps de travail sous forme de jours de repos sont pérennisées et assouplies. Les accords intervenus sur son fondement restent en vigueur.
La RTT peut être organisée par l'octroi dedemi-journées, et non plus exclusivement dejournées entières de repos, soit sur une période 4 semaines (par exemple en alternant semaines de 4 jours et semaines de 5 jours), soit dans lecadre annuel. Dans ce dernier cas, un accord collectif est nécessaire.
Une partie de ces jours de repos peut alimenter un compte épargne-temps. Ce dernier dispositif est par ailleurs revu (diversification des sources d'alimentation et des cas d'utilisation...).
La loi du 19 janvier 2000 distingue trois catégories de cadres pour l'application de la réglementation sur la durée du travail :
• les cadres dirigeants, exclus de la presque totalité de la réglementation de la durée du travail (durées maximales, heures supplémentaires, repos journalier et hebdomadaire...) ;
• les cadres intégrés à une équipe, soumis, comme les autres salariés, à l'ensemble de la réglementation du travail. Leur rémunération peut toujours être fixée, à certaines conditions, par une convention de forfait ;
• les cadres « intermédiaires », qui n'appartiennent pas aux deux catégories précédentes, doivent bénéficier d'une réduction effective de leur temps de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle (c'est également le cas pour les cadres « intégrés » ). Un accord collectif peut aussi prévoir des forfaits en heures ou jours sur l'année.
Par cohérence avec le développement des accords d'entreprise mettant en place la RTT, la loi Aubry II autorise, dorénavant, un simple accord d'entreprise ou d'établissement à organiser le temps de travail par cycles. Seules sont alors considérées comme heures supplémentaires celles qui dépassent la durée moyenne de 35 heures calculée sur la durée du cycle.
Le nouvel allégement de charges sociales instauré par la loi est réservé aux entreprises participant à la réduction négociée du temps de travail.
Pour bénéficier de l'allégement, les entreprises doivent passer à 35 heures et s'engager à créer ou à préserver des emplois, selon les modalités suivantes.
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, la RTT doit être organisée par un accord conclu avecdes syndicats majoritaires dans l'entreprise ; un accord signé avec des syndicats minoritaires doit êtreapprouvé par la majorité des salariés. En l'absence de délégué syndical, l'accord peut être conclu par un salarié mandatépar une organisation syndicale, sous réserve également de son approbation par les salariés.
Dans les entreprises de moins de 50 salariésdépourvues de délégués syndicaux, en l'absence d'un accord de branche étendu ou agréé et lorsque aucun salarié n'a été mandaté, lesdélégués du personnel peuvent négocier un accord d'entreprise ; ce dernier doit être approuvé par les salariés.
Dans les entreprises de moins de 11 salariés, à compter du 1er janvier 2002, sous réserve de l'absence des autres formules (accord de branche étendu ou agréé ou mandatement), l'employeur devra faire approuver par les salariés les modalités de la diminution de la durée du travail, arrêtées unilatéralement.
Par ailleurs, l'allégement est également ouvert aux entreprises qui :
• appliquent un accord ouvrant droit à l'aide instituée par la loi Aubry I ;
• ont conclu, avant le 1er février 2000, un accord, d'entreprise pour celles de 50 salariés et plus, de branche ou d'entreprise pour les autres, fixant la durée du travail dans les limites de 35 heures par semaine ou 1 600 heures par an ;
• ayant moins de 20 salariés, organisent la RTT en 3 étapes ;
• emploient des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives selon un cycle continu, à condition que la durée du travail n'excède pas, en moyenne annuelle, 33 h 36 mn par semaine.Les nouvelles entreprises créées après l'entrée en vigueur de la loi pourront également bénéficier, sous certaines conditions, du nouvel allégement de charges, ainsi que de l'aide incitative mise en place par loi Aubry I.
Le nouveau dispositif prolonge les aides incitatives de la loi Aubry I par une aide forfaitaire pérenne pour les entreprises à 35 heures. Il intègre, en outre, l'allégement sur les bas salaires jusqu'à une 1, 8 fois le SMIC, décidé dans le cadre de la réforme des cotisations patronales sociales. Par souci de simplification, les deux mécanismes sont fusionnés en un allégement unique. Selon le barème prévisionnel déjà communiqué par le gouvernement (voir ASH n° 2129 du 20-08-99),le montant de l'aide ira de 21 500 F par an, pour un salarié au SMIC, à 4 000 F, pour un salarié rémunéré 1, 8 fois le SMIC et au-delà.
En cas de mois incomplet ou de travail à temps partiel, l'aide est proratisée. Une majoration de l'allégement est prévue dans certaines hypothèses (zones de revitalisation rurale, accords de RTT à 32 heures...). Le barème de l'aide sera revalorisé au 1er juillet de chaque année.
L'exonération porte sur les seules cotisations sociales à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Elle est accordée pour les salariés occupés au plus 35 heures (1 600 heures sur l'année) et ceux à temps partiel, à condition qu'ils travaillent au moins à mi-temps. Cette dernière condition n'est pas exigée lorsque les salariés sont sous des contrats destinés à favoriser l'insertion professionnelle de personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi (la liste en sera fixée par décret).
Les cadres dont la durée de travail fixée par une convention de forfait est compatible avec les nouvelles limites de 35 heures hebdomadaires (ou de 1 600 heures sur l'année) y ouvrent droit, mais pas les cadres dont la durée de travail est décomptée en jours sur l'année. Les entreprises de travail temporaire en bénéficient pour leurs salariés mis à disposition d'entreprises utilisatrices.
L'allégement se cumule avec :
• les aides instituées par les loi Aubry I et de Robien, sous réserve d'une minoration forfaitaire de son montant, correspondant au montant de l'aide pérenne (4 000 F) ;
• l'allégement de cotisations sur l'avantage en nature nourriture applicable dans les hôtels, cafés, restaurants.
Le nouvel allégement ne peut être cumulé avec aucune autre exonération totale ou partielle de cotisations ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations.
La loi supprime, en outre, toute possibilité d'option entre le nouvel allégement de la loi Aubry II et :
• la réduction de cotisations sur les bas salaires ;
• l'exonération de la cotisation d'allocations familiales applicable dans les zones de revitalisation rurale ;
• l'exonération de cotisations sociales réservée aux entreprises d'insertion ;
• l'abattement temps partiel, sauf pour les contrats conclus avant le 1er février 2000 (le cumul est alors possible).
Ces mesures restent applicables aux salariés n'ouvrant pas droit à l'allégement mis en place par la loi du 19 janvier 2000.
Un complément différentiel de salairegarantit leur rémunération aux salariés payés au SMIC, après passage aux 35 heures. Le dispositif s'éteindra, au plus tard, le1er janvier 2005.
Les salariés ne peuvent percevoir, après le 1er janvier 2000, un salaire mensuel inférieur au produit du SMIC horaire en vigueur à la date de la réduction, par le nombre d'heures correspondant à la durée collective qui leur était applicable, dans la limite de 169 heures.
Exemple : pour un salarié à temps complet dont l'horaire est ramené de 39 heures à 35 heures, le montant du complément différentiel de salaire s'élèvera à :
(40, 72 F x 169 h) - (40, 72 F x 151, 67 h) =705, 68 F.
Le complément différentiel de salaire (CDS) est versé aux salariés à temps complet déjà en place, ainsi qu'à ceuxrecrutés après la RTT s'ils occupent des emplois équivalant à ceux occupés par des bénéficiaires de la garantie.
Le CDS concerne également, à due proportion, et sous certaines conditions, les salariés à temps partiel déjà dans l'entreprise ou nouvellement embauchés. Les dispositions qui excluaient du bénéfice de la garantie les salariés à temps partiel ayant choisi de maintenir ou d'accroître leur durée de travail ont été annulées par le Conseil constitutionnel.
Les apprentis, les titulaires de contrats de qualification ou d'orientation, ainsi que lespersonnes handicapées exerçant une activité professionnelle, bénéficient de ces dispositions selon des modalités propres.
La garantie sera revalorisée le 1er juillet.
Selon les indications données par le gouvernement au cours des débats parlementaires, le CDS est soumis à cotisations sociales et doit figurer distinctement sur le bulletin de paie (J. O. A. N. (C. R.) du 2-12-99).
Pendant la période d'adaptation (2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, 2002 pour les autres), la rémunération mensuelle due aux salariés dans les entreprises où la durée collective est supérieure à 35 heures reste calculée en multipliant la rémunération horaire par 169 heures.
La seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une modification du contrat. Le salarié ne pourra donc pas la refuser sans commettre une faute.
Par ailleurs, la loi dispose que le licenciement d'un ou de plusieurs salariés ayant refusé une modification de leur contrat en application d'un accord de RTT (par exemple, une baisse de salaire) sera un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique.
En outre, l'employeur sera exonéré de lacontribution « Delalande » en cas de licenciement motivé par le refus d'un salarié de plus de 50 ans d'une modification de son contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par accord.
Le temps partiel se voit doté d'une nouvelle définition, conforme au droit communautaire. La loi aménage également son régime afin de le faire évoluer vers un temps plus choisi.
La nouvelle définition
Jusqu'à présent, étaient à temps partiel les salariés employés selon une durée du travail inférieure de 1/5 à la durée légale ou conventionnelle calculée sur la semaine, le mois ou l'année. Désormais, le temps partiel est untemps inférieur à la durée légale (ou conventionnelle, si elle est inférieure). Cette durée peut être hebdomadaire, mensuelle ou annuelle.
Le cadre du travail à temps partiel est modifié en profondeur :
• les modes de mise en place d'horaires à temps partiel sont précisés ;
• le formalisme du contrat de travail, déjà protecteur des droits des salariés, est encore accru (répartition de la durée du travail et délai de prévenance, heures complémentaires, coupures dans la journée de travail...) ;
• les garanties du salarié face aux modifications de ses conditions de travail sont renforcées ;
• il est ouvert une possibilité de temps partiel sous forme de semaines non travailléespour répondre aux besoins de la vie familiale ;
• les modalités de passage du temps complet au temps partiel à la demande des salariés sont revues.
En outre, il est mis fin au temps partiel annualisé (11) : l'organisation d'une alternance de périodes travaillées et non travaillées sur plusieurs mois relève dorénavant du travail intermittent, lequel est rétabli dans le code du travail. Par contre, le principe demodulation sur l'année du temps de travail est transposé au temps partiel. Ce dernier dispositif nécessite un accord collectif et s'accompagne d'un possible lissage des rémunérations.
Enfin, l'abattement spécifique de 30 %disparaîtra le 1er janvier 2001 (2003 pour les entreprises de moins de 20 salariés). Il restera acquis pour les contrats y ouvrant droit à cette date.
Florence Elguiz
Un nouveau régime de « coïnvestissement », permettant la réalisation d'actions de formation pour partie en dehors du temps de travail effectif, est instauré. Ce dispositif est cependant strictement encadré : il requiert unaccord de branche ou d'entreprise et doit viser au développement des compétences du salarié. Un accord national interprofessionnel étendu devra fixer le cadre des négociations. Les clauses de formation comprises dans les accords signés après la première loi Aubry resteront valables, sans limitation de durée (12) .
Les entreprises de 20 salariés au plus voient leurs formalités allégées pour obtenir l'aide incitative à la RTT, mise en place par la loi Aubry I (simple déclaration de l'employeur et non plus conclusion d'une convention), et peuvent passer à 35 heures en 3 étapes.
Les entreprises sont dispensées de l'obligation d'embauche lorsque celle-ci est inférieure à un mi-temps. Par exemple, une entreprise de 3 salariés, pour laquelle l'obligation d'embauche de 6 % représente 0, 18 salarié, en sera dispensée.
Le régime de protection des salariés mandatés au titre de la loi Aubry I est aligné sur celui fixé par la loi nouvelle.
Le dispositif d'aide au conseil institué par la loi Aubry I au profit des petites et moyennes entreprises, ainsi que des branches, est pérennisé. Il en est de même de l'aide de l'Etat accordée aux organisations syndicales, destinée à soutenir les actions de formation des salariés mandatés pour négocier des accords RTT.
Les salariés atteints de maladie grave (cancer, sida...) bénéficient dorénavant d'autorisations d'absence pour suivre des traitements médicaux.
Pour tenir compte de la diversité des modes de RTT, la législation sur les congés payés est adaptée (assimilation des jours de repos issus de la RTT à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés ;modalités de report des congés payés au-delà du cadre annuel ; prise des congés avant la fin de la période de référence).
Les accords RTT peuvent prévoir des dispositions particulières pour les salariés exerçant des responsabilités bénévoles au sein d'associations.
Le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de 24 heures consécutives, auxquels s'ajoutent, dorénavant, les heures de repos quotidien (soit 11 heures ou moins si dérogation). Ce qui revient à un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives, au lieu de 24 actuellement.
Les jeunes travailleurs de moins de 18 ans et les mineurs accomplissant des stages professionnels dans le cadre d'un enseignement alterné ou d'un cursus scolaire ont droit à 2 jours de repos consécutifs, sauf dérogation. De plus, les dispositions sur la durée quotidienne de travail des jeunes travailleurs de moins de 18 ans sont étendues aux jeunes stagiaires professionnels.
En cas d'infraction au repos dominical dans un établissement de vente au détail ou de prestations de services, l'inspecteur du travail peut dorénavant saisir, en référé, le président du tribunal de grande instance, pour faire ordonner la fermeture de l'établissement.
Le système d'enregistrement automatique qui assure, le cas échéant, le décompte des heures de travail, doit être « fiable et infalsifiable ».
Pour favoriser le développement de la négociation locale, la constitution de groupements d'employeurs et le recours aux accords inter- entreprises sont facilités.
La loi tente aussi de promouvoir la synchronisation des temps sociaux, en incitant politiquement les élus à organiser les services publics (guichets de mairie, transports...) en fonction des rythmes de travail des entreprises et des industries.
La présomption de non-salariat des personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés est supprimée.
(1) Voir ASH n° 2077 du 26-06-98 et n° 2079 du 10-07-98.
(2) Voir ASH n° 2150 du 21-01-00.
(3) Pour les associations intermédiaires, sont pris en compte les salariés permanents et les salariés qu'elles ont employés pendant au moins 3 mois au cours de la dernière année civile.
(4) Voir ASH n° 2150 du 21-01-00.
(5) Les régimes d'équivalence instaurés par les conventions collectives de 1951 et 1966 avaient été invalidés par un arrêt de la Cour de cassation en juin dernier. Cette décision était de nature à entraîner une multiplication des contentieux (voir ASH n° 2143 du 26-11-99).
(6) Selon l'article 5 V de la loi, le régime transitoire s'applique « pendant la première année civile au cours de laquelle la durée hebdomadaire est fixée à 35 heures ». La loi entrant en vigueur le 1er février seulement, c'est cette date - et non celle du 1er janvier - qu'il faut retenir pour l'application du régime transitoire dans les entreprises de plus de 20 salariés, explique-t-on au ministère.
(7) Dans les entreprises de 20 salariés et moins, assujetties aux 35 heures à compter du 1er janvier 2002 seulement, les heures effectuées entre 35 et 39 heures resteront considérées comme des heures normales jusqu'à cette date.
(8) Tel est le cas, notamment, des clauses relatives au forfait annuel horaire ou au forfait jours pour les cadres, la modulation individualisée, le temps partiel modulé par accord collectif. La sécurisation juridique ainsi opérée permettra de lever les exclusions que le ministère avait été conduit à formuler sur la base du droit existant, dans le cadre de la procédure d'extension des accords de branche.
(9) Initialement, la loi laissait un an aux partenaires sociaux pour renégocier les clauses contraires. Cette disposition a cependant été jugée inconstitutionnelle (voir ASH n° 2150 du 21-01-00).
(10) L'article5 VIII fixe le seuil à 37 heures, « pour l'année 2000 ». Compte tenu de la date d'entrée en vigueur de la loi, ces dispositions s'appliquent seulement à compter du 1er février, indique-t-on au ministère.
(11) Les contrats de travail à temps partiel annualisé conclus sous l'empire des anciennes dispositions continueront à produire tous leurs effets.
(12) Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions qui obligeaient les partenaires sociaux, au bout de 3 ans, à mettre ces clauses en conformité avec l'accord national interprofessionnel.