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Le Conseil constitutionnel donne son feu vert aux 35 heures, mais remet en cause leur financement

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Le Conseil constitutionnel, certes, a rejeté, le 13 janvier, la plupart des nombreux griefs formulés par les parlementaires de l'opposition, qui l'avaient saisi d'un recours contre la loi relative à la réduction du temps de travail (RTT), définitivement adoptée le 15 décembre (1). En validant le cœur de la loi, le Conseil a donc donné son feu vert aux 35 heures. C'est pourtant un texte amputé de plusieurs dispositions qui sera publié prochainement au Journal officiel. En effet, les neuf sages ont censuré des articles portant sur la taxation des heures supplémentaires, le sort des accords conclus sous l'empire de la première loi Aubry, la garantie de salaire accordée aux salariés rémunérés au SMIC et, enfin, les licenciements économiques.

Heures supplémentaires : un manque à gagner de 7 milliards de francs pour le gouvernement

L'article 5 de la loi avait institué, pour les quatre premières heures supplémentaires (2), une bonification de 25 % au profit des salariés travaillant dans des entreprises passées à 35 heures. Dans les autres entreprises, la bonification était réduite à 15 %, mais une contribution de 10 % devait être versée au Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (3). Le conseil a jugé cette différence de traitement contraire au principe d'égalité. Concrètement, quel que soit l'horaire collectif de l'entreprise, les quatre premières heures supplémentaires devront donc donner lieu, pour les salariés, à une bonification de 25 % (4).

Financièrement favorable aux salariés, la suppression de la taxation est, au contraire, douloureuse pour l'Etat, qui va devoir trouver sept milliards de francs -c'était le rendement estimé de la contribution (5)  - pour financer les allégements de charges liés aux 35 heures. L'hostilité des syndicats l'avait déjà contraint à renoncer à tout prélèvement sur les organismes sociaux paritaires. Dans l'entourage de Martine Aubry, on minimise pourtant la difficulté. Le gouvernement tablerait sur les recettes supplémentaires dues à l'activité économique et les rentrées de cotisations qui seront prélevées sur les majorations pour heures supplémentaires (6). De son côté, s'exprimant devant les présidents des conseils économiques et sociaux régionaux, Jacques Chirac a appelé le gouvernement, le 19 janvier, à soumettre au Parlement,   « dans les meilleurs délais », un projet de loi rectificative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Les accords existants doivent être respectés

Autre revers pour le gouvernement : le Conseil a annulé le délai de survie d'un an que l'article 28 II laissait aux accords conclus sur le fondement de la loi du 13 juin 1998. La seconde loi Aubry, sur certains points, contrariait l'application de « clauses substantielles » figurant dans des accords qui, pourtant, étaient conformes à la législation alors en vigueur et ne méconnaissaient pas les conséquences prévisibles de la RTT, relève notamment le Conseil. En pratique, les accords existants (exception faite de leurs stipulations sur les heures supplémentaires) seront donc maintenus en vigueur jusqu'à leur terme et prévaudront sur les dispositions contraires de la loi.

Le texte adopté par le Parlement sécurise, en outre, les accords de modulation. Mais il prévoyait un décompte des heures supplémentaires à partir de 1 600 heures, quand bien même l'accord aurait fixé un volume annuel d'heures de travail supérieur à ce seuil. Le Conseil constitutionnel a aussi annulé cette limitation (article 8 V). Concrètement, c'est donc la durée annuelle de travail fixée par l'accord de modulation qui sera déterminante pour le déclenchement des heures supplémentaires.

Enfin, toujours dans le même esprit, les sages ont remis en cause l'article 17 I, sixième alinéa, qui limitait à trois ans au maximum l'application des clauses relatives à la formation, négociées sous l'empire de la première loi Aubry.

Pour le ministère de l'Emploi, les conséquences sont cependant « très mineures »  : d'une part, la suppression de la durée de un an n'aurait d'incidence que sur les clauses relatives au compte épargne temps ; d'autre part, seuls quelques accords de branche auraient fixé une durée annuelle de travail supérieure à 1 600 heures, tandis que la quasi-totalité des accords d'entreprises auraient retenu une durée inférieure.

Le droit pour certains salariés à temps partiel à la garantie de salaire

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a approuvé le mécanisme du complément différentiel de salaire (CDS), prévu par la loi pour garantir aux salariés payés au SMIC le niveau de leur rémunération après passage aux 35 heures. En revanche, il s'est opposé à ce que les salariés déjà à temps partiel qui ont choisi de maintenir ou d'accroître leur durée de travail soient exclus du bénéfice de cette garantie. Là encore, le Conseil a reproché à la loi d'établir une «  différence de traitement sans rapport direct avec l'objectif » fixé.

L'amendement « Michelin » disparaît également

Même sort pour les dispositions, plus symboliques, résultant de l'amendement dit « Michelin ». Ce dernier obligeait les entreprises, préalablement à l'établissement d'un plan social, à avoir conclu un accord de RTT à 35 heures ou, à défaut, à avoir engagé « sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord ». Mais la non-conformité à la Constitution est, cette fois, prononcée sur la forme et non sur le fond : pour le Conseil, « le législateur n'a pas pleinement exercé sa compétence », faute d'avoir déterminé si cette nouvelle obligation était une condition de validité du plan social et si son inobservation rendait nulle la procédure de licenciement. L'amendement Michelin pourrait être repris et précisé dans le cadre de la loi portant diverses mesures d'ordre social prévue pour le printemps.

(Loi et décision du Conseil constitutionnel à paraître)
Notes

(1)  Voir ASH n° 2146 du 17-12-99.

(2)  Soit de la 36e à la 39e heure incluses.

(3)  Voir ASH n° 2149 du 14-01-00.

(4)  Ce taux sera de 10 % pendant la période transitoire, c'est-à-dire en 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et 2002 pour les autres.

(5)  Voir ASH n° 2149 du 14-01-00.

(6)  Le gouvernement semble oublier qu'aux termes de la loi, la bonification peut prendre la forme, non d'une majoration de salaire, mais d'un repos, selon les modalités fixées par un accord collectif. A défaut d'accord, la bonification est obligatoirement prise sous forme de repos.

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