Les pratiques des acteurs de l'emploi au crible

Quels acteurs se mobilisent sur le marché local de l'emploi ? Et quel est l'impact de leurs pratiques sur les trajectoires des chômeurs qu'ils suivent et sur la structuration de ce marché ? La direction de l'animation de la recherche et des statistiques (DARES), dans sa dernière livraison (1), consacre un intéressant dossier aux acteurs locaux de l'emploi, notamment au premier d'entre eux : l'ANPE. La DARES se penche ainsi sur le processus de catégorisation des chômeurs à l'œuvre à l'ANPE, sur les critères de sélection essentiellement comportementaux et psychologiques (la motivation et l'autonomie) et sur le fait que ces critères semblent être partagés par les employeurs ou les structures suivant les publics en difficulté. Un consensus qui, pour l'auteur, pose question. « Demande-t-on à ceux qui n'ont pas de qualité objective à faire valoir sur le marché du travail (diplôme, métier, expérience) de puiser dans leur subjectivité pour compenser ce défaut ? », s'interroge la sociologue Yolande Benarrosh, pour qui « tout se passe comme si[...] revenaient aujourd'hui, avec le langage rénové de la psychologie, les analyses du XIX ^e siècle qui abordaient en termes moraux les états de pauvreté puis de privation du travail ». Analyse qui avait cédé la place à une interprétation du chômage comme fait social, aujourd'hui elle-même battue en brèche, selon l'auteur, par « l'individualisation de l'approche du chômage ».

Ainsi, le chômage de masse retentirait également sur les acteurs de l'emploi : parce qu'ils sont tenus par des obligations de résultats dans un contexte peu maîtrisable, ceux-ci en arriveraient à fonder tous leurs espoirs sur les individus et, donc, à mettre en avant « le travail sur [eux]  » pour que ces derniers retrouvent un emploi… A noter aussi un article sur la manière dont sont traitées les offres d'emploi à l'ANPE et les quatre logiques sous-tendant les comportements des agents vis à vis des entreprises : « informationnelle », « commerciale », « d'expertise » et, enfin, « de justice sociale ».