L'entrée en vigueur de la couverture maladie universelle ne va pas sans quelques « dégâts collatéraux » dans les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) de l'Ile-de-France. La mise à jour d'un grand nombre de cartes Sesam-Vitale au 1er janvier et l'épidémie de grippe, qui fait des ravages parmi les assurés sociaux et les agents des caisses, n'ont guère, il est vrai, facilité la tâche de ces derniers. Résultat : plus de 700 000 dossiers en souffrance dans les centres de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, 500 000 dans le Val-de-Marne, 450 000 dans la Seine-Saint-Denis…
Une mise en œuvre précipitée « Rien ne va plus », s'est indigné, le 14 janvier, l'ensemble des organisations syndicales de la CPAM de Paris, dans un communiqué. Alors que 100 personnes en moyenne sont accueillies chaque jour dans les centres de la capitale, ce nombre est passé à 300, « avec des pointes à 500 personnes dans les lieux d'accueil installés dans les quartiers populaires », notent les syndicats. Lesquels pointent la dégradation des conditions d'accueil des assurés (files d'attente, problèmes de sécurité liés à l'inadaptation des locaux, confidentialité non respectée…) et des conditions de travail du personnel. La trop grande brièveté de la formation au dispositif législatif (une journée), ainsi que le nombre très restreint d'agents concernés (5 % de l'effectif total de la caisse de Paris) figurent également parmi les récriminations. Au final, le collectif met en cause la « précipitation » avec laquelle la CMU a été mise en application. Ainsi que la gestion interne de la direction de la CPAM de Paris, qui, déplorent les syndicats, « n'a envisagé aucune préparation en terme organisationnel pour aborder la gestion de la CMU », soulignant, au contraire, « qu'il ne s'agissait que d'un simple traitement informatique sans charge de travail supplémentaire ». Des recrutements insuffisants
La direction de la CPAM parisienne n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet. La caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), en revanche, tente de calmer les esprits. « Cette situation n'est la faute de personne. Tout le monde a essayé de faire de son mieux dans les délais impartis. Maintenant, on va apprendre à marcher en marchant », indique-t-on. Tout en rappelant que les décrets ont été « très tardifs ». Dans les caisses primaires, on ne manque pas de mettre en avant la responsabilité de l'Etat dans les dysfonctionnements, puisque seuls 1 400 emplois -dont 500 contrats à durée déterminée (CDD) - ont été accordés par le gouvernement à la CNAM. Alors qu'elle estimait avoir besoin de 3 000 agents supplémentaires. Ainsi, dans la Seine-Saint-Denis, département où la population précarisée est nombreuse, la caisse primaire n'a obtenu que 5 contrats à durée indéterminée (CDI) et 20 CDD. Un nombre « notoirement insuffisant », souligne Marc Schlusselhuber, maître d'ouvrage CMU à la caisse primaire d'assurance maladie du département. D'autant que l'affluence a plus que doublé dans les centres depuis le début de l'année et que le traitement des dossiers prend en moyenne 45 minutes. En outre, note Marc Schlusselhuber, « les centres communaux d'action sociale [CCAS] et les relais sociaux ne se sont pas impliqués comme le souhaitaient les caisses ».
Des frontières incertaines
La question de la répartition des missions entre CPAM et CCAS reste, en effet, toujours en suspens (1). Le texte de loi prévoit que les services sociaux accompagnent les personnes dans leurs démarches d'affiliation (2). Mais de nombreuses caisses sollicitent les CCAS pour une préinstruction des dossiers allant au-delà d'une simple information ou orientation. « Cette mission extra-légale ne peut être remplie que dans le cadre d'une convention négociée », souligne-t-on à l'Union nationale des CCAS (3) . Or aucun cadre national pour ces conventions n'a encore été fixé, rendant difficiles les accords locaux. Dans ce contexte de flottement, il arrive que les publics soient ballottés d'un guichet à l'autre, les CCAS renvoyant vers les CPAM et ces dernières, débordées par un afflux massif d'usagers, réaiguillant vers les centres communaux.
Dernier dysfonctionnement, pointé par les associations, la rupture de fait, dans certains cas, de la continuité de la prise en charge des anciens titulaires de l'aide médicale. Ainsi, à Paris, par exemple, des pharmaciens exigent, conformément à une instruction de la CPAM, qu'ils présentent désormais une attestation de couverture maladie universelle. « Les droits sont toujours ouverts, mais on en change le support. Ce qui pose problème dans une période où les guichetiers des caisses sont débordés », indique Nathalie Fouques, coordinatrice du centre de soins de Médecins du monde à Paris.
(1) Voir ASH n° 2144 du 3-12-99.
(2) Voir ASH n° 2129 du 20-08-99.
(3) UNCCAS : 6, rue Faidherbe - BP 568 - 59208 Tourcoing cedex - Tél. 03 20 28 07 50.