Aujourd'hui, les associations d'action sociale sont à un croisement de chemins. En France, l'action solidaire organisée est majoritairement réalisée par des associations mobilisant des centaines de milliers de professionnels et de bénévoles au service des personnes en difficulté dont la prise en charge est financée par la collectivité.
Le secteur associatif n'est pas seulement le plus important « opérateur » dans les actions solidaires. Il est porteur d'idées, découvreur de demandes et force de propositions. L'association est une école de participation citoyenne au service d'un bien commun, une appropriation par la société civile de responsabilités sociales engagées.
Par contre nous savons que de trop nombreuses associations sont des coquilles vides, sans vie associative, sans débat. Associations para-publiques et para- lucratives, qui détournent la loi de 1901, et globalement toutes les véritables associations de bonne foi, mais aux assemblées générales exsangues, absorbées par leur seule fonction de prestataire de service.
On pourrait prévoir que dans les 10 ou 20 ans à venir, les associations d'action sociale seront amenées à disparaître dans leur forme actuelle. Trois scénarios peuvent baliser ce que sera leur avenir.
L'instrumentalisation d'associations ramenées à une fonction de courroie de transmission des administrations est déjà largement engagée. Des associations qui font semblant d'être partenaires de politiques qui s'imposent à elles, qui acceptent de perdre leur force de proposition au bénéfice de leur fonction de prestataire de service. Des organismes gestionnaires mis progressivement sous tutelle, incapables majeurs en termes de citoyenneté militante. Les solidarités ramenées à une solidarité nationale fût-elle décentralisée ou déconcentrée. Des professionnels associatifs ramenés à leur fonction d'agents d'exécution et qui auront un jour une légitime demande de devenir fonctionnaires.
La marchandisation : autre face du même abandon annoncé de la responsabilité citoyenne de la société civile, préparée par le mythe managérial et l'économisme simplificateur. Les grands gestionnaires de l'eau et du béton sont sur les rangs pour transformer les secteurs solvables de l'action sociale en services marchands. Victoire d'une Europe libérale laissant à la subsidiarité locale la gestion des exclus du partage des richesses.
L'affirmation citoyenne des associations d'action sociale est un scénario souhaitable. Mais il est peu prévisible, si l'on s'en tient aux mécanismes en œuvre aujourd'hui. Si l'on veut passer de la prévision au volontarisme créatif et engagé, alors il faut affirmer quelques positions.
La solidarité n'est pas uniquement une affaire d'Etat. L'intérêt général est un concept vide s'il n'est pas irrigué par les légitimités plurielles des forces vives de la société civile. L'association n'est pas seulement un droit constitutionnel, mais un devoir de solidarité. L'individu ne peut être réduit à son rôle d'électeur, d'agent, de contribuable, de consommateur. Quels que soient les contraintes, le destin, les aliénations subies, chaque homme, chaque femme a la capacité de s'affirmer comme acteur et comme citoyen.
L'association à visée solidaire est un extra-ordinaire moyen de réalisation. Encore faut-il créer les conditions d'une véritable vie associative, développer les lieux de débats associant l'ensemble des acteurs concernés. Ne pas attendre des pouvoirs publics ou économiques l'autorisation d'exister. Présidents, administrateurs, bénévoles, militants et professionnels du secteur associatif, c'est nous qui sommes entièrement responsables de ce que vont devenir les associations d'action sociale des années 2000 et des formes de mobilisation solidaires qui en découleront.
Par Jean Afchain Directeur de l'Association vers la vie et l'éducation des jeunes