« La fonction publique de l'Etat apparaît comme un ensemble complexe et rigide qui n'évolue que lentement » : le constat dressé par la Cour des comptes, dans son rapport sur l'emploi et la rémunération des agents de sept ministères, rendu public le 10 janvier, est accablant. Ce document est la première étape d'une enquête globale commencée il y a trois ans. Après d'autres ministères, les fonctions publiques territoriale et hospitalière seront, à leur tour, auscultées par les magistrats en 2001 et en 2002.
Une gestion « opaque » des personnels et des rémunérations
La Cour dénonce des pratiques « peu orthodoxes, opaques », dans la gestion des personnels et les rémunérations. Sont ainsi mis à l'index : les documents budgétaires fournissant au Parlement des informations « incomplètes ou inexactes », l'absence de comptabilité normalisée des emplois et des effectifs, les rémunérations accessoires dépourvues de base légale ou réglementaire ou encore l'empilement de primes et indemnités. Et aucun des ministères étudiés n'échappe aux critiques.
Le ministère de l'Education nationale se voit reprocher, notamment, une mauvaise maîtrise des sureffectifs. « Une définition claire et stable des objectifs fait [également ] défaut, qu'il s'agisse des modes de scolarisation ou des taux d'encadrement des élèves ». D'ailleurs, observent les magistrats, le seul objectif général, fixé en 1989, qui prévoyait d'amener, en dix ans, 80 % des jeunes au baccalauréat, est loin d'être atteint, puisque ce taux s'établit aujourd'hui à moins de 69 %.
A la Justice, c'est l'administration pénitentiaire qui est plus particulièrement pointée du doigt. Manque de transparence de l'architecture indemnitaire et organisation du travail régie par « un véritable droit coutumier » sont mis en avant par le rapport, qui se montre très critique à l'égard des personnels de surveillance.
Les DRASS et les DDASS critiquées
Mauvaise note, également, pour les services déconcentrés du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Au total, ils emploient plus de 23 000 personnes. Mais les magistrats notent qu'une partie (de 4 à 13 % suivant les services) des emplois autorisés en loi de Finances ne sont pas occupés. Pratique des surnombres, blocages d'emplois, déficit chronique de recrutements (assistantes sociales, infirmières…), mises à disposition d'autres services expliquent, selon eux, ces écarts entre effectifs réels et effectifs prévus au budget. La cour déplore aussi « le dénombrement tardif et imprécis » des agents non titulaires auxquels les directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales confient la gestion du dispositif du RMI ou des fonctions dans diverses commissions médicales et sociales, comme les Cotorep ou les commissions départementales de l'hospitalisation psychiatrique.
En conclusion, la Cour des comptes prend cependant acte des mesures engagées ou annoncées par le gouvernement, relatives « à la régularisation du mode de financement des indemnités ainsi qu'à leur refondation juridique ». Dans leurs réponses jointes au rapport, Claude Allègre, Elisabeth Guigou et Martine Aubry admettent, pour l'essentiel, l'analyse de la cour, mais insistent sur les efforts déjà menés ou entrepris pour mettre un terme à ces dysfonctionnements.