Si le mode de vie polygamique est « inadapté en France et générateur de grandes souffrances », sa condamnation ne saurait justifier que « l'on précarise totalement les familles au mépris le plus élémentaire des droits de l'Homme », s'insurge l'association Afrique partenaires services (APS) (1). Depuis décembre, celle-ci tente de mobiliser l'opinion et les pouvoirs publics sur le fait que des chefs de familles polygames, originaires essentiellement d'Afrique sub-saharienne, et leurs épouses se voient de plus en plus retirer leur autorisation de séjour ou sont mis en demeure de divorcer ou se séparer et de « faire éclater » leur famille .
C'est en 1993 que la loi Pasqua a rendu « contraire à l'ordre public » la polygamie et décidé le retrait du titre de séjour du chef de famille et de ses épouses. Dispositions qui ont été reprises par la loi Chevènement de mai 1998. Opposé à l'époque à ces mesures, le GISTI (2) juge surtout scandaleux leur caractère rétroactif qui fait basculer brutalement dans la précarité des ménages installés en France, depuis parfois plus de 20 ans, en toute légalité. « Avec des résultats catastrophiques pour les épouses et les enfants », explique-t-il.
« Pense-t-on aux droits des femmes lorsqu'on enlève leur titre de séjour ou qu'on les pousse parfois au divorce, alors qu'elles ne sont pas expulsables parce que mères d'enfants français ? », s'interroge l'Association service social familial migrants (ASSFAM) (3). Et que deviennent les enfants lorsqu'on a retiré aux parents la possibilité de subvenir à leurs besoins ? « Beaucoup de chefs de familles admettent que la vie polygamique est inadaptée à l'environnement en France. Encore faut-il les aider à trouver des solutions adaptées à leur situation », défend de son côté Afrique partenaires services s'insurgeant contre l'application de mesures autoritaires allant à l'encontre des objectifs d'intégration. « Les travailleurs sociaux sont désemparés et inquiets, explique Claudette Bodin, assistante sociale d'APS . Ces mesures remettent en cause le travail d'éducation et d'accompagnement que nous menons depuis de nombreuses années avec ces familles. Elles ne font que renforcer les attitudes de repli et de méfiance que nous observons dans certaines communautés. » Et l'APS réclame que les titres de séjour soient maintenus ou restitués aux familles « de toute urgence. » Et que « des mesures d'accès aux logements sociaux soient soutenues afin que les familles puissent adapter leur mode de vie selon d'autres modèles que la vie polygame sous un même toit, si elles le souhaitent ».
(1) APS : 21 ter, rue Voltaire - 75011 Paris - Tél. 01 44 93 75 79.
(2) GISTI : 3, villa Marcès - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 84 84.
(3) ASSFAM : 5, rue Saulnier - 75009 Paris - Tél. 01 45 23 14 28