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Nouvelles familles ou nouvelles approches des familles en détresse ?

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Aujourd'hui la question concerne donc moins les nouvelles formes familiales qu'un renouvellement des modalités d'aide et de travail auprès des familles en grandes difficultés.

La rédaction des ASH m'a demandé de réfléchir aux répercussions des changements familiaux sur le travail social à l'aube du troisième millénaire. Cette demande m'a conduit à considérer la situation des familles en grande difficulté, principales bénéficiaires du travail social.

Il est incontestable que les modes de vie familiaux poursuivent une évolution initiée au cœur des années 60. Outre un strict contrôle de la fécondité, les manifestations sont évidentes. D'abord la fragilisation du couple conjugal : le couple est aujourd'hui fondé sur le libre choix de chaque conjoint et peut donc être remis en cause à tout moment. Ensuite la multiplication des formes familiales autres que strictement biparentales : accroissement massif du nombre de familles monoparentales, augmentation des recompositions familiales, mais aussi des familles homosexuelles ou encore des couples ne corésidant pas, etc.

Ces transformations sont incontestables et bien connues ;elles posent à de nombreuses familles des questions difficiles, relatives au maintien des rôles parentaux après la dissolution du couple conjugal. Cependant, le retentissement direct sur le travail social ne paraît pas si évident.

La plupart des familles dites nouvelles, monoparentales, recomposées, homosexuelles, etc., ne sollicitent pas d'interventions des services sociaux. On sait que la grande majorité des enfants vivant dans une famille monoparentale, ou dans une ou deux familles recomposées, semblent se porter aussi bien que leurs camarades élevés dans des contextes biparentaux traditionnels. De nombreuses recherches, notamment américaines, ont montré que les enfants des couples homosexuels, dont les parents exercent souvent des professions intellectuelles ou d'encadrement, paraissent, eux aussi, ne pas se porter plus mal que les autres.

Par contre, la situation est très différente si l'on considère les familles en difficulté qui constituent « la clientèle » du travail social. Celles-ci sont, sinon « nouvelles », du moins rarement biparentales stables, mais, le plus fréquemment monoparentales ou recomposées. En outre les recompositions sont, souvent, transitoires pour ne pas employer l'expression québécoise de couples instables.

Les études montrent même que les familles biparentales ne voient à peu près jamais leurs enfants placés et sont rarement suivies en AEMO. En fait, une famille composée des deux parents ne « bénéficie » d'une AEMO, a fortiori d'un placement d'enfant, que dans des situations extrêmes de dénuement ou de maltraitance.

Aujourd'hui la question concerne donc moins les nouvelles formes familiales qu'un renouvellement des modalités d'aide et de travail auprès des familles en grandes difficultés.

Au vu de recherches concordantes, on peut relever au moins cinq pistes de transformations des pratiques d'intervention d'ailleurs déjà expérimentées dans certaines équipes :

  un travail plus précoce et plus intensif, prenant en compte l'ensemble des difficultés de la famille. Ce qui suppose des actions diversifiées et des coordinations plus étroites entre services pour appréhender par exemple, dans la même action socio-éducative, les violences à enfants et les violences conjugales, ou encore la toxicomanie d'un parent et la maltraitance des enfants ;

  une anticipation de la contrainte donnant lieu à une injonction plus forte à modifier très vite un comportement maltraitant plutôt que d'attendre un changement qui ne vient pas, puis brutalement, placer les enfants ;

  un développement du travail sur le réseau de soutien de la famille « soutenir et aider les aidants naturels »  ;

  un changement du mode de relation aux parents aidés, qui amènerait à travailler sur les points forts et non pas à se limiter à faire prendre conscience des difficultés. Les Américains parlent d' « appropriation », en vue d'un meilleur contrôle de la personne aidée sur la conduite de sa vie, condition préalable à un véritable partenariat avec les familles « bénéficiant » des interventions ;

  une aide directe et intensive à l'enfant pour lui permettre de se développer malgré un contexte inadéquat, en renforçant ses facteurs protecteurs, voire sa résilience, plutôt que d'attendre que les parents soient guéris pour commencer à aider l'enfant.

En fait, tout cela est connu, souvent depuis assez longtemps le vrai changement serait de passer sérieusement à l'action. L'entrée mythifiée dans un nouveau millénaire pourrait-elle y contribuer ?

Par Paul Durning Professeur de sciences de l'éducation Université Paris-X Nanterre

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