On savait l'homme brillant orateur ; à la lecture de Justice pour les enfants, on découvre un auteur à la plume alerte. Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, veut « donner à voir » la justice des mineurs. Et, pour en décrire le quotidien, il nous raconte une semaine de permanence d'un juge des enfants : « Je vous invite à pénétrer cet univers et à franchir la passerelle qui sépare la cité de la justice. »
Ce récit chronologique, jour après jour, presque heure par heure, centré sur la « pratique de la justice », permet au magistrat de nombreuses digressions, dont il semble raffoler. Au programme :l'autorité parentale, l'accouchement sous X, la pédophilie, les violences à enfants, mais aussi le football ou sa « (légère) surcharge pondérale »... Vivant, plein d'humour, l'ouvrage se lit avec une grande facilité, en dépit de la gravité du sujet et des situations, parfois terribles, décrites. Au fil des pages, Jean-Pierre Rosenczveig dessine une impressionnante galerie de portraits :des enfants en détresse, des médecins, des jeunes délinquants, des avocats, des parents défaillants, une groupie (Monsieur le juge aurait-il un fan-club ?), des travailleurs sociaux « qui ont une fâcheuse tendance à véhiculer des images négatives sur leur intervention »... Si l'ouvrage comporte un préambule, l'auteur n'a pas rédigé de conclusion. Au soir du dernier jour de son récit, il note simplement : « Les professionnels de l'enfance ont souvent l'impression que leur travail ne sert pas à grand-chose. Ils voient aussi les limites de leur action : à peine ont-ils résolu un cas que de nouveaux leur arrivent. Et, de fait, nous sommes parfois déçus, après nous être investis à fond pour un jeune ou une famille. Nous voyons rarement nos réussites. Pourtant, elles existent et plus que nous le pensons nous-mêmes. Je sais que nous pouvons rompre la chaîne de l'exclusion et de la violence. »
J.-Y.G. Justice pour les enfants - Jean-Pierre Rosenczveig - Ed. Robert Laffont -149 F.