Des bilans sanitaire et social positifs, mais des dispositifs fragiles. Tel est, en substance, le constat que l'association Médecins du monde (1) a dressé, le 15 décembre, des actions de réduction des risques qu'elle mène en direction des toxicomanes depuis la fin des années 80. Rappelons que ces actions visent à limiter la dissémination de virus transmissibles chez les usagers de drogues qui ne peuvent ou ne veulent pas sortir de leur dépendance (programmes d'échange de seringues, programmes méthadone, missions rave...).
L'organisation met en avant la baisse du nombre de contaminations au VIH et de surdoses, l'amélioration de l'état de santé des personnes toxicomanes, ainsi qu'une plus grande capacité à nouer des liens avec les plus marginalisées d'entre elles, grâce aux déplacements sur leurs lieux de vie et à l'ouverture de structures moins contraignantes, comme les « boutiques » ou les sleep in. De multiples failles, cependant, mettent en péril ces dispositifs, s'alarme Médecins du monde. En premier lieu, le statut « incertain » des intervenants de proximité, souvent issus du milieu des usagers, pour qui l'association demande des formations qualifiantes et des perspectives professionnelles. En outre, les actions de réduction des risques ont « souvent pris la forme d'une vitrine politique ou d'un saupoudrage qui n'est pas à la hauteur des besoins », d'où une « grosse pression » pesant sur les équipes, à cause du faible nombre de structures engagées. Il résulte de ce manque de moyens un refus de prendre en charge les usagers les plus lourds, une renonciation aux actions les plus innovantes, ainsi qu'un effritement progressif des relations avec les toxicomanes.
Autre source d'inquiétude, l'absence de cohérence entre santé et sécurité publique. « La réduction des risques reste cantonnée au seul ministère de la Santé à l'exclusion des ministères clés de l'Intérieur et de la Justice », note Médecins du monde. Conséquence : la principale réponse face à l'usager reste, au niveau local, la répression. Quant aux structures, elles rencontrent souvent l'incompréhension des associations de riverains. Autant de manifestations liées au déficit d'explication des pouvoirs publics sur les enjeux et intérêts collectifs d'une politique de réduction des risques. Mais aussi, souligne l'association, au fait que cette dernière « reste au milieu du gué et que la population n'a pas le sentiment d'en bénéficier ».
(1) Médecins du monde : 62, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 44 92 15 15.