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Accueillir « sur mesure » les handicapés âgés

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Pour s'adapter aux évolutions d'un public hétérogène et vieillissant, les foyers de vie doivent diversifier leurs prestations et travailler en réseau. Un tournant pour des structures centrées sur le concept d'hébergement et qui découvrent désormais une logique multiservice.

Les foyers de vie ont pris leur essor il y a une vingtaine d'années pour accueillir des adultes handicapés ne trouvant aucun autre mode d'hébergement. Pas assez performantes pour intégrer un centre d'aide par le travail (CAT), mais n'exigeant pas de soins permanents, ces personnes n'étaient pas davantage admises en maison d'accueil spécialisée  (MAS) ou en foyer à double tarification (FDT). Par la force des choses, une nouvelle catégorie d'établissements est née, en dehors de toute réglementation. La réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales devrait lui conférer une base légale.

Diversifier les prestations

Au départ, les foyers de vie proposaient un accueil permanent au long cours, un moule unique, incapable de répondre à la diversité des attentes. Puis, les modes d'accueil ont commencé à se diversifier : internat, demi-pension, séjours temporaires, accueil de jour avec placement familial, sections pour les personnes vieillissantes. Chaque établissement proposant telle ou telle formule, mais rarement toutes à la fois. A l'avenir, « les foyers de vie devront apporter des réponses de proximité en offrant du sur-mesure et des prestations à option, affirme René Clouet, directeur du CREAI du Pays-de-Loire (1). Ce n'est qu'au prix de ces adaptations, inscrites dans leur projet institutionnel, qu'ils pourront vraiment respecter le projet individuel de leurs usagers. » « Donner le primat à l'usager, insiste François Faucheux, directeur du CREAI de Bourgogne, c'est aller contre nos catégorisations. Tout foyer de vie, sur un territoire donné, devrait pouvoir accueillir les adultes handicapés qui en font la demande, y compris ceux travaillant en CAT. »

Dans ce paysage en mouvement, les professionnels doivent faire face à une situation incontournable et inédite :l'avancée en âge des résidents, dont l'espérance de vie ne cesse de s'allonger. Quel sera leur statut au-delà de 60 ans ? La question n'est pas encore tranchée. Pour alléger leurs charges financières, les conseils généraux poussent à la roue afin que les sexagénaires handicapés soient orientés en maison de retraite. « Les associations gestionnaires, les chefs d'établissements, ont à prendre position, estime Edouard Kosmala, directeur du CREAI d'Aquitaine. Sont-ils prêts à se mobiliser pour garder leurs résidents ? » Sur le plan de la loi, rien ne permet de dire que les plus de 60 ans doivent quitter leur institution. Et, si le projet de réforme de la loi de 1975 réaffirme les droits des usagers et de leur entourage, il reste muet sur cette question. En attendant, certaines Cotorep, parce que l'agrément d'un foyer s'arrête à 60 ans, refusent de prendre une notification au-delà de cet âge.

Pour éviter les ruptures de prise en charge, il convient d'adapter les établissements existants à l'évolution de leur population (vieillissement, troubles psychiques surajoutés). « Les maisons de retraite ordinaires qui reçoivent des personnes handicapées doivent adapter leur projet d'établissement et leurs locaux en conséquence, poursuit Edouard Kosmala. Et, si l'on maintient les usagers en foyer de vie après 60 ans, il faut s'en donner les moyens en créant des sections spécialisées. Cette nouvelle situation doit être entérinée par la modification de l'agrément. »

Privilégier le statut de la personne

En tout état de cause, le statut de la personne doit primer sur celui de l'établissement. C'est d'ailleurs l'avis du Conseil économique et social, qui considère inacceptable que l'adulte handicapé perde les avantages attachés à son statut initial en devenant personne âgée (2).

Dans un contexte de maîtrise des dépenses, comment rendre visibles, aux yeux des financeurs, les besoins individuels et collectifs des usagers ? s'interroge Elisabeth Donnet-Descartes, conseillère technique au CREAI de Bretagne. « Comment évaluer les conséquences des maladies sur les actes concrets de la vie quotidienne ? » La grille AGGIR, qui sert à apprécier le degré d'autonomie pour l'attribution de la prestation spécifique dépendance  (PSD), ne tient pas compte des difficultés nées de déficits intellectuels ou de pathologies psychiques interférentes, qui alourdissent la prise en charge.

De 1991 à 1997, le CREAI de Bretagne a conduit une recherche-action portant sur 400 personnes handicapées mentales vieillissantes (3). Celle-ci a permis de développer une grille d'indicateurs de dépendances physique, psychique et mentale (difficulté de mobilité, déficiences cognitives, troubles du comportement). L'objectif était de mettre en évidence les réponses nécessaires en termes d'accompagnement individuel, un outil indispensable à l'application du plan d'aide de l'usager prévu d'ailleurs par la prestation spécifique dépendance. « L'idée est que les professionnels, les parents, la personne handicapée elle-même ou son tuteur, le bailleur de fonds se mettent d'accord sur ce dont elle a besoin et sur les moyens pour y parvenir, explique Yann Rollier, directeur du CREAI de Bretagne. Par exemple, si un accueil familial est prévu pour l'intéressé, le plan définit le lien avec la famille d'accueil et garantit le suivi par le foyer et le relais, en cas de problème. »

Quelle que soit la formule adoptée par l'usager, qui d'ailleurs peut passer par des allers-retours en foyer avec hébergement autonome à l'essai, l'établissement doit lui offrir un soutien constant visant à l'apprentissage ou à l'entretien de ses acquis, à la préservation d'un bon équilibre psychologique et à la recherche d'une autonomie optimale par des activités d'éveil et de loisirs. Et, pour un meilleur service aux personnes, le partenariat s'impose, notamment dans le domaine des soins. Via une convention de mise à disposition d'infirmières signée avec un centre médical, par exemple, ou la mise en place d'une vacation de médecin. Ainsi, le foyer Perce-Neige de Baracé (Maine-et-Loire), dont le tiers des résidents a séjourné en hôpital psychiatrique, a conclu une convention de collaboration avec celui-ci. Un psychiatre intervient, en plus de l'accompagnement thérapeutique et du suivi médical, pour apporter aide et conseil technique à l'équipe, tout en évitant des réhospitalisations coûteuses. Dans le champ social, afin d'élargir les possibilités d'intégration des personnes handicapées dans leur environnement, le foyer s'est constitué un réseau de partenaires : deux communes, pour l'entretien de chemins pédestres, en échange d'un prêt de salles  Emmaüs, pour le tri de vêtements et les Restos du cœur, pour conditionner des produits. Enfin, une association envoie des enfants dans l'atelier informatique du foyer.

L'accompagnement est centré sur les potentialités de la personne. Il s'agit de la stimuler et de la valoriser dans le groupe tout en tenant compte de son désir.

Dépendant d'un seul bailleur de fonds, les foyers de vie, qui assurent à la fois accompagnement et soins, souffrent de financements insuffisants et inégaux d'un département à l'autre, notamment pour les soins. « On ne peut pas faire l'impasse sur les défauts de la décentralisation, constate Patrick Martin, directeur de l'Association d'action éducative, à Nantes. On nous invite à faire mieux avec moins ou autant de moyens. La séparation des champs de compétence ne correspond pas à la réalité. Il faut démontrer qu'on peut lancer des passerelles, en s'appuyant sur les difficultés vécues par les usagers : certains conseils généraux acceptent des financements croisés. » Autre sujet de préoccupation évoqué par le milieu associatif gestionnaire : la peur de se faire « phagocyter » par le secteur hospitalier. Une crainte relativisée par Pierrette Duperray, directrice adjointe du CREAI du Pays-de-Loire : « Le secteur sanitaire n'a pas les moyens de nous englober. Tout au plus pourrait-on avoir un plateau de services avec un financement sécurité sociale. »

Valoriser les savoir-faire

En attendant, pour casser le mur entre les deux secteurs, on suggère des formations spécifiques communes aux différents métiers, en bannissant l'accueil du public par un seul type de professionnels, comme les infirmiers psychiatriques. « Préservons le principe de la diversification des qualifications professionnelles », plaide Marcel Jaeger, directeur du centre de formation professionnelle multifilière Buc Ressources  (Yvelines). Lequel pointe le décalage entre la qualification et les compétences. Ces dernières, renvoyant à des savoir-faire/savoir-être, doivent être valorisées.

Le pari a été pris avec les aides médico-psychologiques (AMP). Buc Ressources fait en effet partie des sites d'expérimentation mettant en œuvre la validation des acquis professionnels pour ces intervenantes (4).

Françoise Gailliard

DEGRÉS DE DÉPENDANCE ET MODES D'ACCUEIL

   Foyers de vie. Financés par les départements, communément appelés foyers occupationnels, ils sont destinés à des adultes handicapés inaptes à travailler, même en milieu protégé, mais suffisamment autonomes pour s'adonner à des occupations. Leur placement relève de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep). Ces foyers, qui prennent en charge des résidents permanents et/ou en accueil de jour, proposent à leurs usagers de l'animation éducative et de loisirs, ainsi qu'un soutien médico-social. Les frais d'hébergement sont, à titre principal, à la charge du résident, qui conserve des ressources au moins égales à 12 % du montant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)   le surplus éventuel est couvert par l'aide sociale. Plus de 450 foyers de vie sont actuellement répertoriés en métropole et outre-mer (5).

   Foyers à double tarification. Ils prennent en charge des adultes lourdement handicapés nécessitant l'assistance d'une tierce personne pour la plupart des actes essentiels de l'existence ainsi qu'une surveillance médicale et des soins constants, ou des personnes qui, sans avoir besoin d'une tierce personne, demandent une stimulation et un soutien permanents, associés à un suivi médical et paramédical régulier. Institués à titre expérimental par la circulaire du 14 février 1986, les foyers à double tarification sont cofinancés par l'assurance maladie, au moyen d'un forfait médical, et par le département, qui verse un prix de journée.

  Maisons d'accueil spécialisées. Elles reçoivent des personnes moins autonomes que les résidents des foyers, qui requièrent une aide continue pour les actes essentiels de la vie courante, une surveillance médicale et des soins constants. La prise en charge se fait majoritairement en internat, permanent ou temporaire. Créées par la loi en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 (article 46), les MAS sont intégralement financées par l'assurance maladie.

Notes

(1)  Dans le cadre des IVe journées nationales de l'ANCREAI, les 19 et 20 octobre 1999, à Angers.

(2)  Avis adopté le 25 novembre 1998 - Voir ASH n° 2095 du 27-11-98.

(3)   « Ajouter la vie à la vie ». Dernier volet de la recherche - Voir ASH n° 2065 du 3-04-98 - CREAI de Bretagne : 61, rue Jean-Guéhenno - 35700 Rennes - Tél. 02 99 38 04 14.

(4)  Voir ASH n° 2140 du 5-11-99.

(5)  Selon l'Association nationale des foyers de vie : BP 47 - 67242 Bischwiller cedex - Tél. 03 88 06 27 27.

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