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La prison, dernier asile pour les malades mentaux ?

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« Les détenus dans les prisons françaises sont-ils bien soignés ? La réponse est oui si on veut bien mettre à part le cas de la santé mentale. » C'est ainsi que Pierre Pradier, médecin et ancien député européen, conclut le rapport qu'il a remis à Elisabeth Guigou le 7 décembre. Celle-ci lui avait demandé de se prononcer sur la gestion de la santé dans les 21 établissements du programme 13 000, dits « à gestion partiellement déléguée » (EGPD)   (1). Mais à la question : « Faut-il reconduire cette expérience de gestion semi-privée ou s'en remettre en totalité à l'hôpital public ? », Pierre Pradier, renvoyant dos à dos les deux systèmes, a préféré s'interroger sur l'état sanitaire des détenus et la qualité des soins qui leur sont prodigués.

Un meilleur système de soins...

Globalement, estime-t-il, depuis le début des années 90, avec la création des EGPD, puis la réforme de 1994, confiant les soins des prisonniers à l'hôpital public dans le reste des établissements, la prise en charge sanitaire des détenus s'est améliorée. Dans des conditions pas toujours favorables à un bon état de santé (cellules surpeuplées, hygiène relative, sexualité taboue, notamment), « les malades atteints d'affections somatiques sont décemment soignées et les maladies infectieuses et virales, dépistées, diagnostiquées, évaluées et traitées ». Quant aux malades qui souffrent d'affections graves, ils sont même, selon lui, plus attentivement suivis depuis leur emprisonnement qu'avant, à l'exception notable et grave des détenus atteints de troubles mentaux.

... sauf pour les malades mentaux

D'ailleurs, la prison est le lieu d'un véritable « désastre psychiatrique  » accuse le rapport. Outre le fait que les troubles constatés «  ne bénéficient pas du niveau d'attention et d'efficacité que réclame l'état des malades [...], on ne peut manquer d'être frappé par le questionnement insistant des médecins sur l'inexplicable présence en prison d'un nombre considérable de psychotiques identifiés ». En cause : les avis des experts aux assises. Avec la réforme du code pénal, ils ont fait chuté la proportion d'accusés jugés « irresponsables au moment des faits » de 16 %, au début des années 1980, à 0,17 %, en 1997. De malades, les accusés passent donc au statut de détenus.

Pointés également l'abandon des services fermés des hôpitaux psychiatriques et leur attitude, parfois, de refus des malades les plus atteints ou dangereux. « Tout se passe comme si la prison était devenue le seul lieu “d'accueil” pour un nombre croissant de psychotiques rejetés à l'extérieur de l'institution hospitalière. »

Le développement des unités pour malades difficiles, qui ne proposent que 500 lits (pour la population entière), « n'est sans doute qu'une piètre solution face à la refonte nécessaire de l'hospitalisation psychiatrique », juge Pierre Pradier. Et il « appelle à  une réforme des mœurs et une remise en cause du fonctionnement général du secteur public de santé mentale  ». Au-delà du rôle de la psychiatrie publique, c'est bien, reconnaissent de concert l'auteur et le ministère de la Justice, une véritable question de société qu'il faut mettre sur la table : qui s'occupe, en France, et comment, des malades mentaux dangereux ?

Mais l'ancien député européen souligne d'autres points noirs de la santé en prison. La prise en charge des toxicomanes par traitement de substitution demeure ainsi encore trop aléatoire et trop liée au bon vouloir des médecins chefs, et la toxicomanie alcoolique ignorée. La difficulté majeure réside enfin dans l'hospitalisation à l'extérieur, « objet de longues tractations entre les administrations concernées », à propos notamment des conditions de surveillance et ce, au détriment des malades.

Le rapport plaide pour la conclusion de conventions entre les établissements pénitentiaires et les hôpitaux publics de proximité. Le ministère de la Justice semble pour l'instant opter pour une autre solution. Il a annoncé, lors de la présentation du rapport, la création, dans les sept plus gros CHU, d'unités hospitalisées sécurisées interrégionales. Ces zones spéciales des hôpitaux pourront chacune recevoir une vingtaine de détenus, sous la surveillance de personnels de l'administration pénitentiaire.

Notes

(1)  Les contrats passés avec les opérateurs privés en matière de santé arrivent en effet à échéance en 2001.

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