Compte tenu de leur but non lucratif, les associations (1) sont exclues du champ de l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle et bénéficient des exonérations en matière de TVA. Néanmoins, dès lors qu'elles exercent une activité les mettant en concurrence avec des entreprises du secteur privé, elles perdent certains avantages fiscaux. La modification progressive des activités des associations, ces dernières années, a nécessité la révision de la frontière entre activité lucrative et non lucrative. Plusieurs milliers de structures se sont d'ailleurs vu opposer un redressement fiscal.
Ainsi, pour clarifier le régime fiscal des associations, l'administration a, dans une première instruction du 15 septembre 1998, entériné le principe selon lequel la non-imposition aux impôts commerciaux est la règle, l'assujettissement demeurant l'exception. Cette présomption ne peut être écartée que si les organismes considérés exercent des activités lucratives et/ou ont une gestion non désintéressée. Le texte définit dans quelles conditions les exonérations doivent être appliquées, détermine les caractéristiques d'une gestion réellement désintéressée et la prise en compte des critères de concurrence. Cependant, les difficultés d'interprétation et d'application qu'il a suscitées, en particulier pour les petites associations, en ont repoussé l'entrée en application du 1er avril 1999 au 1er janvier 2000. Une seconde instruction, du 16 février 1999, est venue compléter la précédente, notamment sur la notion de lucrativité. De plus, un groupe de suivi, composé des représentants des divers secteurs associatifs et de l'administration, a été constitué pour clarifier les modalités d'application des instructions et faciliter les échanges (2).
Cette réforme, qui s'inspire des recommandations de Guillaume Goulard (3), conseiller d'Etat, vise un triple objectif : protéger les associations contre les risques fiscaux injustifiés, préserver les conditions d'une coexistence harmonieuse avec les entreprises commerciales et ne pas compromettre l'équilibre des finances publiques. Elle précise dans quelles conditions une association peut être soumise aux impôts commerciaux, lorsqu'elle exerce une activité lucrative. Les critères définis « permettent laprise en compte effective de l'utilité sociale d'une association pour déterminer son régime fiscal. Par conséquent, les associations véritablement d'utilité sociale devraient satisfaire sans difficulté à ces critères et être exonérées de tous les impôts commerciaux (Rép. min. Martin-Lalande n° 35512, J. O. A. N. (Q.) n° 45 du 8-11-99). Le gouvernement n'a cependant pas retenu le critère de l'utilité sociale, préconisé par le Conseil national de la vie associative, pour ouvrir droit à un régime fiscal particulier (4).
Désormais, l'administration effectue une analyse en trois temps. Elle regarde d'abord si la gestion de l'association est désintéressée. En cas de réponse positive, il s'agit de savoir si l'association concurrence le secteur commercial. Si tel est le cas, les modalités de gestion de l'association sont étudiées, pour déterminer si elles sont similaires à celles des entreprises commerciales, selon la règle des « 4P » (produit, public, prix, publicité) . Signalons que le Conseil d'Etat a validé les critères dégagés par l'administration fiscale (5).
Par ailleurs, le gouvernement a inscrit, dans le projet de loi de finances pour l'année 2000, une mesure qui permettra d'exonérer de tout impôt commercial, et donc de toute déclaration, les nombreuses associations qui, outre leur activité principale non lucrative, ont une activité commerciale accessoire restreinte (jusqu'à 250 000 F de chiffre d'affaires annuel).
Sur la question d'une adaptation plus marquée du cadre juridique et fiscal des associations, qui pourrait déboucher sur la reconnaissance de leur utilité économique et sociale ou sur la création d'une entité juridique nouvelle, l'entreprise à but social, le gouvernement souhaite « que la réflexion puisse se poursuivre. Il examinera de manière approfondie les avantages et les risques de cette adaptation » (Rép. min. Vachet n° 27605, J. O. A. N. (Q.) n° 21 du 24-05-99) (6).
Dans ce numéro :
• Les critères d'appréciation de l'exonération
- La gestion de l'association est-elle désintéressée ?
- L'association concurrence-t-elle une entreprise ?
- L'association exerce-t-elle ses activités dans des conditions similaires au secteur commercial ?
Dans un prochain numéro :
• Les mesures d'exonération propres à chaque impôt
• La sectorisation et la filialisation des activités lucratives
L'instruction du 15 septembre 1998 propose une nouvelle méthode d'appréciation de la situation d'une association et de son éventuel assujettissement aux impôts commerciaux. L'administration fiscale procède désormais par une analyse en trois étapes :
• première étape : elle examine si la gestion de l'association est désintéressée
• deuxième étape : si la gestion est désintéressée, elle vérifie si l'association concurrence (ou non) le secteur commercial
• troisième étape : si l'association concurrence le secteur commercial, l'administration vérifie si celle-ci exerce son activité « selon des modalités de gestion similaires à celles des entreprises commerciales ». Quatre éléments sont nécessaires à l'analyse (« règle des 4 P » ) (voir schéma ci-dessous).
A noter : une instruction à venir doit traiter de la situation particulière des fédérations. L'administration fiscale a d'ores et déjà indiqué que, comme pour les associations, leur lucrativité découle de la nature de leur activité.
Pour ne pas être soumis aux impôts commerciaux, les associations doivent avoir une gestion désintéressée (art. 261-7-1-d du code général des impôts), à savoir :
• être gérées et administrées à titre bénévolepar des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation
• ne procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit
• leurs membres et leurs ayants droit ne peuventpas être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports.
La gestion d'une association est désintéressée si l'activité des ses dirigeants est exercée à titre bénévole. Toutefois, une rémunération peut être admise dans certaines limites, précise l'instruction du 15 septembre 1998. Par ailleurs, l'organisme peut recourir à une main-d'œuvre salariée, mais les rémunérations versées ne doivent pas présenter un caractère excessif.
Les dirigeants doivent exercer leur fonction à titre bénévole. Cependant, le caractère désintéressé de la gestion ne sera pas remis en cause si leur rémunération brute mensuelle totale n'excède pas les 3/4 du SMIC, explique la direction générale des impôts.
Sont considérés comme dirigeants :
• les membres du conseil d'administrationou de l'organe délibérant qui en tient lieu, quelle qu'en soit la dénomination, ainsi que, pour les fondations, les fondateurs de l'organisme
• les personnes qui assumeraient de fait la direction effective d'un organisme.
Le gérant de fait est assimilé au gérant de droit pour apprécier le caractère désintéressé de la gestion. Il remplit des fonctions normalement dévolues au dirigeant de droit, exerce un contrôle effectif et constant de l'association et en définit les orientations. Il incombe au service des impôts d'apporter la preuve d'une gestion de fait, à partir d'éléments tels que la signature de contrats engageant durablement l'association, la disposition des comptes bancaires sans contrôle effectif des dirigeants statutaires ou la définition de la politique générale de l'association.
Le directeur salarié dispose, de par sa fonction, de pouvoirs de gestion étendus et peut participer, à titre consultatif, au conseil d'administration. Sa requalification en dirigeant de fait ne sera prononcée que s'il apparaît que les membres du conseil d'administration n'exercent pas de réel contrôle sur ce salarié et le laissent déterminer la politique générale de l'organisme à leur place, souligne l'administration fiscale.
Le fait qu'un administrateur d'une association soit salarié et mis à disposition par un tiers (exemple de la mise à disposition d'un fonctionnaire) n'a pas, en principe, de conséquence directe sur le caractère désintéressé ou non de la gestion. Il en irait autrement, pour la direction générale des impôts, si cette mise à disposition intervenait dans un contexte de complémentarité commerciale entre les deux structures.
Il est admis que le caractère désintéressé de la gestion ne soit pas remis en cause si la rémunération brute mensuelle totale versée aux dirigeants de droit ou de fait n'excède pas les 3/4 du SMIC. De même, la rémunération totale des dirigeants de plusieurs associations liées entre elles ne doit pas excéder ce seuil.
La notion de rémunération
Pour l'administration fiscale, la rémunération recouvre le versement de sommes d'argent et les avantages perçus par le dirigeant (mois supplémentaires payés, primes diverses, remboursements de frais non justifiés, avantages en nature...).
Si le dirigeant est propriétaire d'un local loué à l'association, le montant des loyers, dès lors qu'il s'agit d'un loyer normal au regard du marché et que la location correspond aux besoins de l'organisme, représente un revenu civil et non une rémunération. Par contre, en cas de loyer anormalement élevé, qui constituerait ainsi une rémunération occulte au sens de l'article 111 c du code général des impôts (CGI), le montant distribué doit être pris en compte dans la rémunération.
Les modalités de comparaison
La rémunération totale perçue, par dirigeant, au cours d'une année, est comparée au SMIC. Si le seuil des 3/4 est dépassé pour un seul mois de l'année, ou si le dépassement sur l'année se révèle très faible, le caractère désintéressé de l'association ne sera pas contesté, indique la direction générale des impôts.
Lorsque les dirigeants sont liés par une communauté d'intérêts familiaux, juridiques ou financiers, la totalité de leurs rémunérations est prise en compte pour l'appréciation du seuil. Cette globalisation n'a pas lieu entre un dirigeant et un salarié de l'association, sauf si ce dernier est dirigeant de fait.
Si un dirigeant est commun à plusieurs associations liées, le seuil des 3/4 du SMIC s'apprécie en additionnant la rémunération perçue dans chacun des organismes. Si, globalement, elle excède les 3/4, chacun des organismes versants doit être fiscalisé. Toutefois, l'administration fiscale recommande de faire preuve d'une certaine mesure à cet égard et de tenir compte du degré d'implication du dirigeant dans les structures concernées.
• Instruction du 15 septembre 1998, B. O. I.4H-5-98 n° 170 du 15-09-98.
• Instruction du 16 février 1999, B. O. I.4H-1-99 n° 33 du 19-02-99.
• Note de la direction générale des impôts 4 FE n° 4 du 26 avril 1999.
• Relevé des questions-réponses posées dans le cadre du groupe de suivi (mis à jour au 5 octobre 1999) - DIES, ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
Une association peut recourir à une main-d'œuvre salariée sans que cela remette en cause le caractère désintéressé de sa gestion. Tel ne sera pas le cas si le montant des salaires alloués ne correspond pas à un travail effectif ou s'il est excessif eu égard à l'importance des services rendus, compte tenu des usages professionnels.
Les salariés peuvent être membres de l'association employeur à titre personnel. En revanche, ils ne doivent pas être dirigeants de droit ou de fait.
Ils peuvent être membres du conseil d'administration, notamment en qualité de représentants élus des salariés, dans le cadre d'un accord concernant la représentation du personnel. Cette participation est limitée au quart des membres du conseil d'administration. Néanmoins, ils ne sauraient y exercer un rôle prépondérant (en particulier siéger au bureau), souligne l'administration fiscale.
Par ailleurs, leur présence au conseil d'administration, en qualité d'observateur, est admise.
Comment apprécier le caractère exagéré ou non de la rémunération dans le cas où le dirigeant est bénévole et son épouse salariée de l'association ?
Dès lors que l'épouse n'est pas dirigeante de droit ou de fait, elle peut être salariée de l'association sans que cette circonstance autorise pour autant le service fiscal à remettre en cause le caractère désintéressé de la gestion. Il en irait différemment si l'administration démontrait que l'épouse n'exerce en réalité aucune fonction dans l'association. Ou si son salaire revêtait un caractère exagéré par rapport au travail réellement accompli et à la rémunération normalement accordée, pour des fonctions similaires, dans le secteur d'activité concerné.
Pour la direction générale des impôts, l'existence d'un plan d'épargne salarial ne remet pas en cause, dans son principe, le caractère désintéressé de la gestion.
Pour être exonérées, les associations ne doivent pas distribuer, directement ou indirectement, leurs ressources. Cette interdiction vise les rémunérations, distributions directes de résultat, avantages injustifiés, de quelque nature qu'ils soient (prise en charge de dépenses personnelles, rémunérations excessives ou injustifiées, prélèvements en nature, prêts à des taux préférentiels...), consentis au profit des fondateurs, des membres salariés, des fournisseurs... Par conséquent, une structure qui procéderait à de telles distributions, ne s'inscrivant pas dans la logique de son objet statutaire, revêtirait un caractère lucratif.
Par ailleurs, prévoir, par exemple, une part de rémunération déterminée en fonction d'un résultat physique (nombre de contrats conclus ou d'articles vendus), ou modulée selon le chiffre d'affaires de l'organisme, constitue l'indice d'une démarche commerciale qui permet de déterminer le caractère intéressé de la gestion. En revanche, un intéressement lié à l'amélioration du service non lucratif rendu ne caractérise pas, pour l'administration fiscale, une gestion intéressée.
Le fait d'attribuer le patrimoine d'une association dissoute à un autre organisme sans but lucratif ne remet pas en cause la gestion désintéressée. Par contre, si tout ou partie de l'actif est attribué à une personne physique ou morale autre qu'à but non lucratif, le caractère désintéressé de la gestion peut être remis en cause. Le droit de reprise des apports est exclu de cette disposition.
Si le caractère désintéressé de la gestion de l'association s'avère une condition nécessaire de la non-lucrativité de l'activité, ce n'est pas une condition suffisante. Il faut en outre que l'association n'exerce pas d'activités concurrentes à celles d'une entreprise à but lucratif. Si la structure ne concurrence pas le secteur lucratif, l'association sera exonérée. Dans le cas contraire, l'administration fiscale passera à la dernière étape concernant les conditions d'exercice de l'activité (avec la règle des « 4 P » ).
La situation de concurrence est examinée par rapport à l'activité exercée, quelle que soit la nature juridique des structures commerciales utilisées pour la comparaison.
La situation s'apprécie par rapport à des entreprises ou organismes lucratifs exerçant la même activité, dans le même secteur, quelle que soit la nature juridique de la structure fiscalisée (société de droit commun, association assujettie aux impôts commerciaux en raison de son activité économique). C'est « à un niveau fin que l'identité d'activité doit être appréciée », indique l'instruction fiscale du 15 septembre 1998. En effet, il faut ensuite pouvoir comparer les conditions de gestion avec celles de l'entreprise commerciale. La situation géographique de l'association est également prise en compte. Ainsi, à partir du moment où le public peut s'adresser indifféremment à une structure commerciale ou associative, pour une activité donnée, l'association concurrence une entreprise.
Remarque : il n'est pas nécessaire que la concurrence soit effective, mais elle ne doit pas être seulement virtuelle. Par exemple, si les services proposés, par une association, au domicile de personnes âgées, ne sont assurés par aucune entreprise commerciale, le secteur ne peut être considéré comme concurrentiel, même si telle ou telle société a manifesté son intérêt pour celui-ci.
L'assujettissement aux impôts commerciaux d'une association entraîne-t-il systématiquement la remise en cause des exonérations dont bénéficient les autres organismes sans but lucratif du secteur considéré ?
L'administration fiscale apprécie la situation de concurrence par rapport à l'existence de structures soumises aux impôts. Elle considère donc que l'assujettissement d'une association aux impôts commerciaux implique que les autres organismes du secteur sont susceptibles également d'entrer en concurrence, « à supposer que les activités respectives de ces diverses entités sont identiques, et que le public peut s'adresser indifféremment à l'une ou l'autre ». La situation de concurrence résulte de l'examen, au cas par cas, de l'ensemble des critères (gestion intéressée ou non, appréciation selon la règle des « 4 P », affectation des excédents d'exploitation...).
En cas de pluralité d'activités de l'association, chacune sera étudiée. Il suffit qu'une seule d'entre elles, même accessoire, soit concurrentielle, pour conférer ce caractère à la structure.
Dans le cadre du groupe de suivi sur la mise en œuvre de l'instruction du 15 septembre 1998, composé de représentants de l'administration fiscale et du milieu associatif, un certain nombre de questions ont été soulevées sur l'appréciation du caractère concurrentiel.
Pour l'administration fiscale, la concurrence entre une association d'insertion et une entreprise d'insertion sous statut commercial s'apprécie au niveau national. Les associations d'insertion, qui gèrent par exemple un centre d'aide par le travail, visent des personnes qui, « en raison de la nature même de leur handicap », diffèrent de celles des entreprises d'insertion, qui ont« vocation à intégrer ou à réintégrer à terme le marché du travail dans des conditions normales ». « Il importe de s'assurer que l'activité de l'organisme ne peut pas être réalisée durablement par une entreprise commerciale. »
Selon la DGI, la situation de ces associations d'insertion, qui concurrencent les entreprises commerciales d'insertion, doit être examinée au regard de la règle des « 4 P ». Ces structures« pourront notamment ne pas être soumises aux impôts commerciaux si elles offrent leurs services à un public digne d'intérêt moyennant des prix inférieurs à ceux du marché ». Par ailleurs, il est rappelé que les entreprises d'insertion, constituées sous forme commerciale, sont, dans tous les cas, soumises aux impôts commerciaux.
Pour l'administration, les établissements habilités pour recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et/ou autorisés à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux (7)« doivent être considérés comme concurrentiels dès lors que des organismes à structure commerciale peuvent aussi obtenir l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, même si ceux-ci sont rares à s'en prévaloir ». Il en est de même en matière de soins médicaux qui, tout en étant pris en charge par la sécurité sociale, peuvent être dispensés par des hôpitaux publics ou des cliniques privées. Dès lors, la direction générale des impôts poursuivra son analyse des structures au regard des conditions d'exercice de l'activité (la règle des « 4 P » ).
Sur un plan général, « la situation de monopole n'emporte aucune exonération automatique au plan fiscal », indique l'administration fiscale. Reprenant le cas d'une association qui vend des produits par ailleurs accessibles librement sur Internet, elle considère que cette structure, « sous réserve des précisions qui pourraient être apportées, [...]exerce une activité concurrentielle par nature ».
Le fait, pour une association, de répondre à un appel d'offres lancé par une collectivité locale,« notamment sur un objet d'utilité sociale », n'établit pas automatiquement que l'activité en cause soit concurrentielle. L'appréciation est plus liée au fait que des entreprises privées répondent à l'offre qu'à la procédure elle-même. Cependant, l'administration souligne qu'une association qui rend des prestations de service à une collectivité « ne satisfait pas à la condition liée à la nature du public », même si son action peut au final bénéficier« à des personnes dignes d'intérêt ». L'analyse de la direction générale des impôts se poursuivra donc par l'application de la règle des « 4 P ».
Une association qui réalise des opérations commerciales par nature (par exemple, achat-revente) n'est pas, de ce seul fait, lucrative. Il faut rechercher notamment si la gestion de l'organisme est ou non intéressée, si les opérations réalisées sont également fournies par le secteur lucratif ou encore si les conditions d'exercice de l'activité sont similaires à celles des entreprises commerciales.
Une association qui procure un avantage concurrentiel à ses membres entre dans le champ d'application des impôts commerciaux. Toutefois, l'instruction de février 1999 précise que ne sont pas visés par cette mesure :
• les activités relevant d'un rôle fédératif (union, fédération)
• les activités relevant de la défense collective des intérêts moraux ou matériels des membres
• les services rendus aux membres pour les besoins de leur activité non lucrative.
Cependant, les services aux membres, pour les besoins de leur activité non lucrative, rendus par une fédération d'associations, ne sont pas systématiquement considérés comme non lucratifs. L'administration vérifie qu'ils remplissent les conditions au regard de la règle des « 4 P » (voir ci-contre). Et, si certains s'avèrent lucratifs, ils pourront bénéficier de mesures d'exonération dues au régime propre à chaque impôt commercial(voir dans un prochain numéro).
Cette troisième étape de l'analyse suppose une gestion désintéressée de l'association et que celle-ci concurrence une entreprise. Le fait qu'une structure à but non lucratif intervienne dans un domaine d'activité où il existe aussi des entreprises commerciales ne suffit pas à l'assujettir aux impôts commerciaux. Il convient ensuite de « considérer l'utilité sociale de l'activité, les conditions dans lesquelles le service est accessible, enfin les méthodes auxquelles la structure a recours pour exercer son activité ». Le Conseil d'Etat s'appuie désormais sur le même raisonnement que l'administration : l'exonération est acquise si l'association exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, « soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par des entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre ».
A ce stade, il s'agit d'étudier si la structure exerce son activité dans des conditions similaires à celles d'une entreprise, par : le « produit » proposé, le « public » visé, les « prix » pratiqués et la « publicité » réalisée. C'est la règle des « 4 P ». Rappelons que cette analyse intervient à partir du moment où l'association a été reconnue comme concurrentielle avec le secteur lucratif.
Les critères de « produit », « public », « prix » et « publicité », examinés successivement, n'ont pas tous la même importance aux yeux de l'administration fiscale. Ils suivent un ordre décroissant. La direction générale des impôts attache une attention toute particulière à ceux de l'utilité sociale (produit et public). Par contre, le critère de publicité « ne peut à lui seul permettre de conclure à la lucrativité d'un organisme ».
L'administration étudie particulièrement l'utilité sociale de l'activité, c'est-à-dire si elle satisfait ou non un besoin qui n'est pas, ou pas suffisamment, pris en compte par le marché.
Les agréments délivrés par les pouvoirs publics à des organismes sans but lucratif participant à l'exercice d'une mission d'intérêt général, voire de service public, « peuvent contribuer à l'appréciation de l'utilité sociale ». Celui, par exemple, de services aux personnes est subordonné à des conditions tenant, à la fois, à la gestion désintéressée de l'organisme et à la nature des services rendus. C'est pourquoi l'exonération des impôts commerciaux est liée à la détention d'un agrément délivré par l'Etat. Néanmoins, il s'agit d'un élément « ni nécessaire, ni suffisant ».
Les actes payants réalisés principalement au profit de personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale (chômeurs, personnes handicapées...) sont « susceptibles d'être d'utilité sociale », indique l'instruction du 15 septembre 1998. Pour autant, ce critère n'est pas limité aux seules situations de détresse physique ou morale.
L'administration fiscale évalue si les efforts réalisés par l'organisme pour faciliter l'accès du public se distinguent de ceux accomplis par les entreprises du secteur lucratif, notamment par un prixnettement inférieur pour des services de nature similaire. Cette condition peut « éventuellement être remplie » lorsque l'association pratique des tarifs modulés en fonction de la situation des clients. Elle est réputée respectée lorsque ses tarifs se trouvent homologués par la décision particulière d'une autorité publique. Cela suppose que la structure soit soumise « à une tarification qui lui est propre ». En revanche, les dépassements des tarifs homologués sont de nature à caractériser une activité lucrative, explique la direction générale des impôts.
La DGI insiste sur le fait que la comparaison avec des prix pratiqués par des structures commerciales s'établit entre des produits ou des servicessimilaires (nature du produit, étendue des prestations). Elle tient compte,« nécessairement de façon approximative », de l'incidence des impôts commerciaux que l'association ne supporte pas, à la différence des entreprises du secteur marchand (TVA, impôt sur les sociétés...). Ainsi, le prix ne sera pas considéré comme étant nettement inférieur si les différences observées résultent principalement du régime fiscal appliqué. Il faut que le niveau des tarifs pratiqués résulte du mode de gestion de l'association : contraction des charges d'exploitation grâce au concours de bénévoles, financement des opérations par des dons ou legs... Les chèques-vacances et autres moyens de paiement de ce genre doivent être pris en compte. Par contre, les subventions versées par des personnes publiques, « quand bien même elles pourraient être qualifiées de complément de prix », ne comptent pas.
Des correspondants « associations », installés dans chacune des directions départementales des services fiscaux, informent les responsables associatifs. Leurs coordonnées sont accessibles sur Internet :
Notons que les réponses écrites des correspondants associations sont opposables à l'administration fiscale,« sous réserve du caractère complet et sincère des renseignements fournis » (Rép. min. Roland du Luart n° 16075, J. O. Sén. (Q.) n° 28 du 15-07-99). Par contre, elles ne lient en rien les associations, précise l'administration. Il s'agit de simples avis, qui ne constituent pas des décisions exécutoires ouvrant droit, notamment, aux garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire ou pouvant faire l'objet d'un recours de plein contentieux. Les associations peuvent soumettre les avis au supérieur hiérarchique des correspondants, étant observé que la prise de position de ce supérieur ne constitue elle-même qu'un avis.
Pour la direction générale des impôts, la condition relative aux prix pratiqués par l'association, qui constitue l'un des « 4 P », est réputée respectée lorsque les tarifs propres de l'organisme se trouvent homologués par la décision d'une autorité publique (ministres, préfets, chefs de services régionaux ou départementaux habilités, caisses de sécurité sociale).
Toutefois, l'acceptation, par une autorité publique, du budget de fonctionnement de l'organisme n'est pas une homologation des tarifs des prestations de celui-ci. En effet, elle ne permet pas d'effectuer un contrôle efficace du niveau des prix effectivement pratiqués, dès lors que cette acceptation n'est pas nécessairement liée à la négociation des tarifs pratiqués par l'organisme, estime la DGI. De même, l'application de tarifs conventionnés par la sécurité sociale ne suffit pas.
L'homologation peut parfois être délivrée à des organismes tant associatifs que commerciaux. Dans ce cas, elle n'implique pas que des efforts particuliers soient faits par l'organisme lui-même pour accueillir un public défavorisé. L'activité peut également très bien ne pas être différente de celle exercée par le secteur libéral (exemple : un centre de soins infirmiers).
Les établissements habilités pour recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et/ou autorisés à dispenser des soins remboursables
Le fait que des bénéficiaires de l'aide sociale soient accueillis dans une structure habilitée« n'implique pas nécessairement que la règle des 4 P soit satisfaite, même s'il s'agit d'un indice important », selon l'administration fiscale.
En revanche, la non-lucrativité sera indiscutablement reconnue, à ses yeux, si la proportion de personnes défavorisées est significative par rapport aux autres publics, pour lesquels l'établissement perçoit une rémunération jugée normale.
Les services d'aide à domicile, les services agréés aux personnes
Les tarifs horaires fixés par la caisse nationale d'assurance vieillesse (et par le président du conseil général, en cas d'habilitation) sont-ils considérés comme homologués, au sens du code général des impôts ?
« Dans la mesure où les prestations fournies aux bénéficiaires de l'aide sociale sont financées par un organisme tiers », la condition de prix n'est pas satisfaite, estime l'administration. « Les prestations sont réalisées par du personnel salarié de l'association, selon un tarif normal et non par des bénévoles ». Ces services ne peuvent bénéficier de l'exonération de TVA prévue par l'article 261-7-1° b (et des exonérations liées) que « si les conditions de non-lucrativité déterminées selon la règle des “4 P” sont réunies ». En effet, pour la direction générale des impôts, « ces entreprises ne peuvent être considérées comme non concurrentielles dès lors qu'il existe des entreprises commerciales qui mettent à disposition du personnel dans des conditions similaires ».
Il en est de même pour les services de travailleuses familiales, dont les tarifs horaires sont fixés par convention entre le département et les organismes employeurs.
Le recours à la publicité est un indice de lucrativité. Cependant l'instruction du 15 septembre 1998 admet qu'une association puisse, sans pour cela remettre en cause sa gestion désintéressée, effectuer « des opérations de communication pour faire appel à la générosité publique ». De même, une association peut réaliser une information sur ses prestations sans que celle-ci s'apparente à de la publicité commerciale.
Pour distinguer les deux notions, l'instruction propose d'étudier le contenu des messages et le support utilisé. Par exemple, une association peut présenter ses prestations dans un catalogue, si celui-ci est diffusé par l'association elle-même aux personnes ayant déjà bénéficié de ses services ou aux personnes qui en font la demande, ou encore si le catalogue est distribué par l'intermédiaire d'organismes sociaux. En revanche, un catalogue vendu en kiosque, la diffusion de messages publicitaires payants dans des journaux, à la radio ou l'utilisation de réseaux de commercialisation (participation à des foires ou salons, dont les exposants sont principalement des professionnels) sont des éléments caractérisant la nature lucrative de l'activité.
Les petites unités pour personnes âgées
Certaines structures gèrent des petites unités pour personnes âgées, sans base légale bien définie et sans bénéficier de prix homologués. Pour la direction générale des impôts, elles entrent en concurrence avec des résidences hôtelières du secteur marchand qui offrent le même type de prestations aux personnes âgées (activités d'animation...),« dans un rayon géographique apprécié largement au plan régional, voire national ». A partir de là, l'administration examine la lucrativité de chaque prestation offerte, au regard de la règle des « 4 P ». Pour le produit, elle analyse la place donnée à la prévention de la dépendance, aux activités d'animation et de vie quotidienne en vue de maintenir l'autonomie des résidents. Et en conclut que les services rendus ne se distinguent pas de manière significative de ceux offerts par le secteur lucratif. En termes de public visé et de prix,« si le nombre de résidents à faibles ressources constitue un critère de distinction du public accueilli, il doit être examiné en corrélation avec celui du prix perçu par l'organisme, que celui-ci soit versé par le résident (sa famille) ou par un organisme tiers ». L'administration insiste sur le fait que la comparaison des prix avec ceux des structures lucratives doit être établie entre des produits ou des services similaires (nature du produit, étendue des prestations). Cette comparaison s'effectue en tenant compte de l'incidence des impôts commerciaux que l'association ne supporte pas, à la différence des entreprises du secteur marchand. Enfin, seules les opérations de communication ou d'information sont autorisées. Elles ne doivent pas s'exercer selon des méthodes commerciales (messages, notamment, dans les journaux d'information générale à large diffusion, utilisation d'un réseau de commercialisation...).
Les CHRS
Compte tenu de la diversité des activités exercées par les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), le respect pour chacune de leurs activités, prises isolément, des critères des 4 P n'est pas acquis d'emblée. La question se pose notamment pour certaines activités d'insertion par l'économique ou la sous-location de logements pour les personnes en difficulté. L'administration fiscale analyse les activités des CHRS comme « a priori concurrentielles ». Elles doivent donc chacune être examinées au regard de la règle des « 4 P ». Les prestations d'hébergement consenties à des prix inférieurs à ceux du marché en direction de personnes défavorisées pourront être considérées comme étant non lucratives, étant précisé que l'activité d'hébergement est, en tout état de cause, en principe exonérée de TVA.
Les entreprises d'insertion
Les entreprises d'insertion constituées sous forme associative (8) et exerçant la même activité que celles constituées sous forme commerciale (9) ne peuvent pas être exonérées sur la même base que des centres d'aide par le travail ou des ateliers protégés. En effet, ces entreprises d'insertion emploient des chômeurs ou des allocataires du RMI dans l'optique de les intégrer ou réintégrer à terme sur le marché du travail, dans des conditions normales. C'est pourquoi la situation des entreprises d'insertion de forme associative, qui sont en concurrence avec celles ayant choisi la forme commerciale,« doit toujours être examinée au regard de la règle des 4 P ». L'administration fiscale précise qu'« elles ne pourront notamment pas être soumises aux impôts commerciaux si elles offrent leurs services à un public digne d'intérêt moyennant des prix inférieurs à ceux du marché ».
Les associations de vacances et de loisirs
L'instruction du 15 septembre 1998 distingue le secteur des vacances et loisirs s'adressant à des enfants de celui visant des étudiants ou des familles. Dans le premier cas, la direction générale des impôts a élaboré des fiches techniques (10), après concertation avec les représentants associatifs concernés, sur les principales catégories d'activités réalisées (vacances, activités périscolaires, loisirs, éducation populaire...). Ces fiches analysent la situation des associations, notamment au regard du service rendu (produit) et de son intérêt social, en prenant en compte le projet pédagogiquedéfini avec les enseignants, l'encadrement, lemontant des prix pratiqués par rapport à ceux du marché. De même, pour le secteur étudiants et jeunes adultes ou jeunes nécessitant un accompagnement médicalisé, la direction générale des impôts a préparé des fiches techniques et devait rencontrer les représentants du secteur du tourisme, en vue de recueillir leurs observations sur ce sujet. En effet, l'administration souhaite clarifier certains critères pour déterminer la situation fiscale : le choix du public accueilli dans les centres de vacances et de loisirs avec accompagnement médical repose-t-il sur des critères objectifs, type Cotorep ? Plus généralement, elle s'interroge sur « la part du public dit'digne d'intérêt ",bénéficiant d'une aide sociale ».
Certains organismes sans but lucratif ont pour objet d'aider des personnes défavorisées en leur permettant d'exercer une activité professionnelle et en commercialisant sur le marché leurs produits ou leurs prestations. L'instruction fiscale du 15 septembre 1998 pose des conditions pour leur exonération des impôts commerciaux.
Pour l'administration fiscale, ces organismes ne sont pas soumis aux impôts commerciaux si les conditions suivantes sont remplies :
• avoir pour objet l'insertion ou la réinsertion économique ou sociale de personnes, quine pourrait être assurée dans les conditions du marché ;
• l'activité ne peut pas être exercée durablement par une entreprise lucrative, en raison des charges particulières rendues nécessaires par la situation de la population employée(nécessité d'un encadrement particulièrement important, postes de travail adaptés...)
• les opérations, en principe lucratives, sont indissociables de l'activité non lucrative, en contribuant par la nature, et non pas seulement financièrement, à la réalisation de l'objet social de l'organisme.
Ces structures doivent, « bien entendu », avoir une gestion désintéressée et ne pas faire prévaloir la recherche de profits. En pratique, l'administration vérifiera si l'activité peut ou non être réalisée durablement par une entreprise commerciale, avec les personnes concernées. Si tel est le cas, la structure ne pourra pas bénéficier de cette mesure. Toutefois, l'analyse de son activité sera examinée au regard de la règle des « 4 P ».
L'administration fiscale vise les associations d'insertion telles que les centres d'aide par le travail et les ateliers protégés.
De leur côté, les entreprises d'insertion de forme associative, qui s'adressent à des chômeurs ou à des titulaires du RMI, ne peuvent pas être exonérées sur le même fondement. Le fait qu'elles emploient ce type de population ne suffit pas à les exonérer des impôts commerciaux (voir encadré).
Enfin, dernier point auquel l'administration fiscale attache une attention particulière pour l'exonération :l'affectation des excédents dégagés par l'association.
L'instruction présente comme « légitime » le fait qu'une structure non lucrative produise, dans le cadre de son activité, des excédents, « reflet d'une gestion saine et prudente ». Cependant, elle « ne doit pas les accumuler dans le but de les placer ». Les excédents réalisés, « voire temporairement accumulés », doivent servir « à faire face à des besoins ultérieurs ou à des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif ». A ce titre, l'administration opère une distinction entre les associations et les fondations (ou organismes assimilés), qui sont contraintes de placer en réserve une partie de leurs excédents pour réaliser un projet déterminé, en s'appuyant sur un patrimoine.
(1) Sont concernés, non seulement les associations, mais tous les organismes dits « à but non lucratif » (fondations, congrégations...).
(2) Les comptes rendus de ses réunions et les relevés des questions-réponses élaborées par la direction générale des impôts et la direction de la législation fiscale n'ont pas de valeur juridique. Ils font cependant autorité, en précisant, pour chacune des questions posées, la doctrine de l'administration fiscale.
(3) Voir ASH n° 2049 du 12-12-97.
(4) Voir ASH n° 2062 du 13-03-98.
(5) Voir ASH n° 2136 du 8-10-99.
(6) Dans le champ de l'insertion par l'activité économique (voir ASH n° 2089 du 16-10-98), des structures à but non lucratif peuvent à la fois être reconnues d'utilité sociale et commercialiser des biens et services. Un décret, à paraître prochainement, doit en fixer les conditions.
(7) Ces établissements sont exonérés de TVA au titre de l'article 261-7-1 ° b) du CGI et, par le mécanisme des exonérations liées, de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle.
(8) Voir ASH n° 2124 du 18-06-99.
(9) Voir ASH n° 2123 du 11-06-99.
(10) Ces fiches doivent être transmises aux fédérations associatives concernées dans un très court délai, après approbation par le ministre de l'Economie, d'après l'administration fiscale.