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Un merveilleux malheur

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Au moment où l'on célèbre les dix ans de la Convention internationale des droits de l'Enfant, cet essai vient bousculer nos certitudes et quelques fausses évidences sur les enfants carencés et maltraités. Ceux que notre discours social condamne un peu rapidement à la répétition de la tragédie qu'ils ont vécue, leur assignant définitivement la place de victimes impuissantes. Pourtant, à force de ne parler que des malheurs et de ne s'intéresser qu'aux séquelles et traumatismes, certes incontestables, laissés par les « fracas de l'enfance », la société ne dit rien sur ceux qui s'en sortent et réussissent à donner sens à leur tragédie. « La répétition n'est pas obligatoire. Mais elle devient probable quand, pensant que ces enfants sont soumis à un destin, la culture les abandonne à leur triste sort, travaillant ainsi à réaliser ce qu'elle avait prédit », affirme Boris Cyrulnik, désireux de « lutter contre l'usure des mots et l'engourdissement des théories ». D'où la nécessité, selon lui, de décentrer notre regard en l'élargissant au « mystère » des enfants qui parviennent à triompher de leurs souffrances passées. Ceux-là mêmes qui sont oubliés des recherches et ignorés, a fortiori, par les travailleurs sociaux. Le psychiatre propose donc de développer les études sur la « résilience » de ces individus, terme en vogue dans la littérature anglo-saxonne et emprunté à la physique, où il désigne l'aptitude d'un corps à résister à un choc.

A partir de nombreux exemples issus de la guerre, de la littérature, ou de différentes observations, il tente ainsi de percer les ressorts intimes permettant à ces personnalités résilientes de « se tricoter » malgré les coups du sort, avec des appuis solides. Bien souvent, la rêverie, l'intellectualisation, l'humour permettent aux enfants blessés de fuir un réel trop insupportable et « de saisir la moindre des mains tendues » pour se restaurer. Ce qui ne veut pas dire que leur cheminement n'a pas été douloureux. Mais ces exemples témoignent de « l'aspect adaptatif et évolutif du moi ». A chaque étape de l'histoire de l'enfant, existe ainsi une possibilité de réparation ou d'aggravation. « La résilience n'est pas à rechercher seulement à l'intérieur de la personne, ni dans son entourage, mais dans les deux, parce qu'elle noue sans cesse un devenir intime avec le devenir social », affirme encore Boris Cyrulnik. Et, bien souvent, ces enfants jugés « irrécupérables » peuvent devenir des adultes épanouis à condition que l'institution, et plus largement la société, y croient. Un « changement de regard sur le malheur » qui, selon le psychiatre, passe par l'étude de la façon dont se construit la résilience.

I.S. Un merveilleux malheur  - Boris Cyrulnik - Ed. Odile Jacob - 130 F.

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