La ministre de la justice, Elisabeth Guigou, a donné des instructions aux parquets pour que l'intégration personnelle et familiale en France des étrangers soit mieux prise en compte lorsqu'une condamnation à une peine d'interdiction du territoire français (ITF) est envisagée. Cette sanction, souvent appliquée en cas d'infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France, peut être également prononcée, à titre complémentaire, à l'encontre de personnes prévenues d'infractions pénales. Ce système dit de « double peine » est vivement condamné par les associations de défense des immigrés (1).
Compte tenu des conséquences sur le plan humain, les juridictions doivent apprécier « la nécessaire proportionnalité entre l'atteinte à la vie privée et familiale de l'étranger [que la mesure] est susceptible d'occasionner et les impératifs liés à la préservation de l'ordre public ».
Pour Elisabeth Guigou, la peine n'est nécessaire que si elle est « proportionnée à la gravité de l'infraction poursuivie ». Tel est le cas, par exemple, en matière d'infractions à la législation sur les étrangers, « si le prévenu s'inscrit dans un processus de réitération, voire de récidive ». Ainsi, les réquisitions des parquets en matière d'ITF ne doivent pas être systématiques, mais, au contraire, « strictement adaptées à la situation de l'intéressé, à son passé pénal et à sa situation personnelle ».
A cet effet, la circulaire détaille les liens sociaux à mettre « en balance » avec la gravité de l'infraction poursuivie et l'ancrage de l'étranger dans la délinquance. Il n'y a aucune commune mesure, est-il expliqué, « au regard de l'intensité des attaches avec la France, entre un étranger arrivé récemment et conjoint de Français depuis peu et un autre, arrivé en France en bas âge, dont l'histoire personnelle, humaine, culturelle, scolaire, est indissociable de notre territoire ».
Par ailleurs, pour rendre effectif l'exercice des droits de la défense, la ministre demande aux parquets de développer l'information des étrangers sur leurs droits et les particularités de cette sanction. En outre, souligne-t-elle, la Convention européenne des droits de l'Homme impose d'améliorer les modalités de recueil des renseignements sur la situation sociale de l'intéressé. Ainsi, lorsque, au cours des investigations de la police, des éléments de personnalité ont été collectés, une enquête rapide doit être ordonnée pour les « approfondir ». Elle doit porter, notamment, sur les critères caractérisant les liens de la personne avec la France, ainsi que sur la nature des indices définissant sa situation familiale et privée.
Enfin, la ministre de la Justice appelle à une harmonisation du traitement des requêtes en relèvement (2).
(1) Voir ASH n° 2124 du 18-06-99.
(2) Annulation, par le juge pénal, de tout ou partie des interdictions, déchéances, incapacités ou mesures de publication rattachées à la condamnation.