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Les instituts de rééducation sans pilote, selon l'IGAS

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Si les instituts de rééducation remplissent bien leur rôle, il faut promouvoir une politique « construite et innovante » pour le secteur de l'enfance inadaptée, plaide l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans son rapport sur ces établissements, enfin, rendu public (1).

Ils pèsent lourd dans le secteur médico-social : 16 195 places en 1996 et un budget annuel de 3,5 milliards de francs à la charge de l'assurance maladie. Malgré cet enjeu financier, les instituts de rééducation demeurent mal connus des administrations. Il faut dire qu'ils accueillent « des jeunes souffrant de troubles du comportement », notion difficile à définir. Ni véritables « déficients mentaux », ni psychotiques, ni simples cas sociaux, ces adolescents se situent à la lisière de multiples domaines d'intervention et relèvent, la plupart du temps, de tous les types de prise en charge : sociale, éducative, médico-psychologique et, parfois, judiciaire. De plus, contrairement aux enfants handicapés moteurs ou déficients intellectuels, ils suscitent plutôt des réactions de méfiance, voire de rejet.

C'est ainsi que l'IGAS met en évidence la situation incertaine des instituts de rééducation. La notion de troubles du comportement n'est guère précisée par l'annexe XXIV relative aux enfants et adolescents présentant des déficiences intellectuelles ou inadaptés. Et elle est abordée de façon diffuse dans les classifications des troubles mentaux. Faute de définition précise et univoque, les commissions départementales d'éducation spéciale (CDES) restent donc démunies dans leur démarche d'orientation. D'où de nombreuses zones de chevauchement entre les instituts de rééducation et d'autres établissements médico-sociaux (IME, IMP, IMPro), mais aussi les structures d'intégration scolaire (CLIS, RASED), de pédopsychiatrie, de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ainsi, déplore le rapport, « les enfants et adolescents présentant des troubles du comportement sont susceptibles d'être pris en charge par des institutions et des filières de soins et d'éducation très différentes, sans que la CDES puisse toujours exercer son rôle d'orientation ». De plus, bon nombre d'enfants ne transitent pas par cette instance, lorsque, en raison même de leurs troubles, ils ont déjà été orientés vers le milieu judiciaire ou l'ASE. Néanmoins, qu'ils soient pris en charge par la CDES, l'ASE ou la PJJ, ils se retrouvent tous ensemble dans le même établissement et poursuivent le même itinéraire, lorsque l'institut de rééducation bénéficie de la triple habilitation. Ainsi « le destin social de l'enfant est susceptible à tout instant de dépendre des “circonstances”, c'est-à-dire du mode de repérage et du signalement primitif », constate l'IGAS. Circonstances auxquelles s'ajoutent encore les interactions entre les diverses offres de places et les circuits très variables de prise en charge. D'autant que certains établissements exigent, des enfants orientés par la CDES, une intelligence normale et n'acceptent qu'un retard scolaire limité à deux ans, quand d'autres ont une spécialisation thérapeutique adaptée aux cas les plus difficiles.

En effet, l'autre trait relevé par l'IGAS concerne l'hétérogénéité des instituts de rééducation. Impossible ainsi de dégager un modèle de référence, même si tous, conformément à leur vocation, s'efforcent de dispenser une prise en charge à la fois éducative, scolaire et psychologique. Avec l'idée que le lien entre ces diverses fonctions « est lui-même la condition nécessaire pour “tenir” et guérir l'enfant ». Faute d'une réelle analyse des besoins et d'une planification, l'implantation des établissements et la nature de leurs projets ont «  davantage obéi à une logique d'accompagnement des initiatives locales qu'à une démarche d'ensemble cohérente  ». D'où des disparités géographiques, en termes de places et de prises en charge, et une prédominance du modèle de l'hébergement en internat. Enfin, déplore l'IGAS, l'accompagnement thérapeutique est rarement organisé pour les adolescents qui sortent de ces instituts, alors que beaucoup ont encore besoin d'un soutien social et psychologique.

Un rapport « pertinent », selon l'AIRE

« Clair, critique, approfondi et pertinent », tel est le jugement porté par l'Association des instituts de rééducation (AIRE) sur le rapport de l'IGAS (2). « Ses recommandations rejoignent nos préoccupations », indique-t-elle, insistant sur la nécessité que ces établissements restent dans le secteur médico-social, avec davantage de moyens en termes d'encadrement éducatif et de soins. Par ailleurs, l'AIRE travaille actuellement à l'élaboration d'une annexe spécifique (annexe XXXIV) aux instituts de rééducation.

Une nouvelle urgence sociale

Conclusion ? Ces publics et les établissements concernés « représentent le secteur le moins connu et le moins piloté de la politique de l'enfance, alors même que l'acuité, la difficulté et l'ampleur des problèmes qu'il révèle devraient en faire une priorité », affirment les rapporteurs. S'il est difficile, faute d'outil statistique, d'évaluer le nombre de jeunes souffrant de troubles du comportement, les instituts de rééducation répondent à un «  besoin réel ». Leurs listes d'attente sont à cet égard significatives, sans compter tous les enfants accueillis par bon nombre d'établissements en marge de leur vocation. « Sur le plan thérapeutique, les besoins de l'enfance en difficulté sont très probablement loin d'être couverts », s'alarme ainsi l'IGAS, qui voit là une « nouvelle urgence sociale ». En effet, explique-t-elle, toutes les observations convergent : les jeunes souffrant de troubles du comportement ont souvent vécu, au niveau familial, une situation traumatisante, liée à des carences affectives ou éducatives, à une déstructuration du rôle parental, voire à diverses formes de maltraitance. Aussi leur prise en charge dépasse-t-elle le cadre des instituts de rééducation et s'étend-elle à « toute la chaîne des interventions sociales auprès des familles en difficulté », depuis le dépistage jusqu'à la sortie du circuit institutionnel. Postulat qui amène les rapporteurs à réclamer une politique « construite et innovante » pour le secteur de l'enfance inadaptée. Et ils formulent, en ce sens, une série de recommandations, allant de la réaffirmation d'objectifs tels que l'intégration scolaire ou le dépistage précoce, à l'accès plus égalitaire à la rééducation, au renforcement de la coordination départementale ou à la mise en place d'une réflexion sur les instituts de rééducation à multiples habilitations.

Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Rapport de Michel Gagneux et Pierre Soutou, remis en janvier 1999 à la direction de l'action sociale : « Les instituts de rééducation »  - B.O.M.E. S. n° 99/3 - Direction des Journaux officiels : 26, rue Desaix - 75727 Paris cedex 15 - 60 F.

(2)  AIRE : 17, rue Monseigneur-Millaux - BP 40 - 35221 Châteaubourg - Tél. 02 99 00 31 63.

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