L'organisation et le fonctionnement des services d'insertion de l'administration pénitentiaire ont été profondément modifiés par le décret du 13 avril 1999. Les comités de probation et d'assistance aux libérés (CPAL), qui, en milieu ouvert, intervenaient auprès des personnes condamnées libres, et les services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires, qui, en milieu fermé, prenaient en charge les détenus, ont, en effet, fusionné pour donner naissance à une instance départementale unique : le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). Ses missions ont été présentées dans une circulaire du 15 octobre, signée par la ministre de la Justice. Deux autres circulaires sont annoncées pour la fin de l'année : l'une sur l'organisation et le fonctionnement du service et sa place au sein de l'administration pénitentiaire l'autre sur les méthodes d'intervention des SPIP auprès des publics pris en charge.
Cette réforme prend appui sur un rapport de l'inspection générale des services judiciaires, datant de 1993, qui soulignait les divers bouleversements auxquels les services d'insertion de l'administration pénitentiaires étaient confrontés, comme l'aggravation de la situation économique et sociale des personnes concernées et l'augmentation de la population carcérale. Constituant le point d'orgue d'expérimentations menées, pendant 3 ans, au travers de sites pilotes (1), la réorganisation des services veut permettre un meilleur suivi des condamnés, qui, durant leur parcours pénal, peuvent être alternativement pris en charge en milieu ouvert et en milieu fermé. Plus généralement, elle vise à mieux inscrire l'administration pénitentiaire dans les dispositifs d'insertion de droit commun.
La mise en place d'un service unique à compétence départementale, assurant la prise en charge des personnes tant en milieu ouvert que fermé, met donc fin à l'éclatement des structures d'insertion. Sa direction est confiée à un cadre pénitentiaire, le directeur de SPIP, dont le statut a été fixé en août (2).
Le nouveau service consacre les missions antérieures des comités de probation et d'assistance aux libérés et développe des compétences nouvelles en milieu fermé.
• Décret n° 99-276 du 13 avril 1999, J. O. du 14-04-99.
• Arrêtés du 7 juin 1999, J. O. du 3-07-99.
• Circulaire n° JUSE9940065C du 15 octobre 1999, à paraître au B. O. M. J.
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation assure la continuité du suivi des personnes placées entre le milieu ouvert et le milieu fermé.
En milieu ouvert, ses missions s'inscrivent dans la continuité de celles des comités de probation et d'assistance aux libérées. Elles sont fixées par les articles D. 573 et D. 574 modifiés du code de procédure pénale (CPP) :
• le SPIP, avec la participation, le cas échéant, des autres services de l'Etat, des collectivités territoriales et de tous organismes publics ou privés, « favorise l'accès aux droits et aux dispositifs d'insertion de droit commun » des personnes prises en charge. « Il s'assure en particulier de la continuité des actions d'insertion » engagées en milieu fermé ;
• il peut également apporter une aide matérielle aux personnes qui lui sont confiées
• le service « met en œuvreles mesures de contrôle et veille au respect des obligations imposées » aux populations placées sous main de justice dans le cadre du contrôle judiciaire, du sursis avec mise à l'épreuve, de la libération conditionnelle, du travail d'intérêt général, de l'interdiction de séjour, de l'ajournement avec mise à l'épreuve. La circulaire du 15 octobre précise que la mesure de suivi socio-judiciaire, instaurée pour les délinquants sexuels par la loi du 17 juin 1998 (3), sera susceptible de lui être confiée
• il effectue, quand elles lui sont demandées, des investigations préalables à la prise d'une décision par la juridiction de jugement ou à l'exécution des peines privatives de liberté.
De nouveaux modes de fonctionnement doivent permettre de mieux prendre en compte les grandes orientations pénitentiaires sur le plan départemental. L'action du service, souligne notamment la circulaire, pourra « mieux s'inscrire dans les dispositifs publics territoriaux existant en matière de prévention de la délinquance ». A ce titre, son directeur participera aux conseils communaux et départementaux de prévention de la délinquance. Il prendra une « part active » aux contrats locaux de sécurité et aux contrats de ville.
Aux termes des articles D. 460 et D. 461 modifiés du code de procédure pénale, en milieu fermé, le service pénitentiaire d'insertion et de probation a pour mission de :
• participer à la prévention des effets désocialisants de l'emprisonnement sur les détenus
• favoriser le maintien des liens sociaux et familiaux
• les aider à préparer leur réinsertion sociale
• rechercher les moyens propres à favoriser l'individualisation de la situation pénaledes détenus, notamment dans le cadre des orientations données par le juge de l'application des peines.
Ces missions, note le ministère, s'exercent à l'égard de tous les détenus, y compris ceux faisant l'objet d'une mesure de semi-liberté ou de placement à l'extérieur.
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation exerce l'ensemble des fonctions précédemment dévolues aux services socio-éducatifs et aux CPAL. Comparées aux interventions du service socio-éducatif, celles du SPIP sont élargies, notamment dans les domaines du sport et de la formation professionnelle. En outre, observe la ministre de la Justice, dans sa circulaire d'octobre, ce nouveau service « n'a pas vocation, en milieu fermé, à investir toutes ces fonctions avec le même niveau d'intervention ». Il a, en effet, tantôt une compétence directe, tantôt un rôle de pilotage, de participation, de proposition ou, enfin, de coordination.
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation a une compétence directe pour les fonctions depréparation des aménagements de peines et la création de dispositifs de placement à l'extérieur. Il prend donc en charge directement, en concertation avec les autorités pénitentiaires et extra-pénitentiaires, régionales, départementales et locales, la réalisation des phases de concertation, de programmation, de mise en œuvre et d'évaluation.
Le service doit rechercher les moyens propres à favoriser l'individualisation de la situation pénale des détenus. Chaque fois que la demande lui est faite ou à son initiative, il fournit à l'autorité judiciaire et aux services de l'administration pénitentiaire les éléments permettant de mieux individualiser l'exécution de la mesure privative de liberté de chaque détenu (art. D. 461 modifié du CPP).
L'intégration des placements extérieurs dans le champ de compétence directe des SPIP doit permettre une « véritable politique deréinsertion », selon la circulaire d'octobre. Ces dispositifs constituent, en effet, un « support privilégié de préparation à la sortie et d'acquisition de compétences socio-professionnelles ».
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation a un rôle de pilotage s'agissant des fonctions relatives à la formation professionnelle, aux activités culturelles, au dispositif de préparation à la sortie, à l'accès aux droits sociaux. En d'autres termes, relève le ministère, « il n'assure pas nécessairement la programmation et la mise en œuvre de ces actions, même s'il garde un droit de regard sur ces deux phases. En revanche, il demeure le responsable en matière de conception et d'évaluation, après concertation avec les autorités » compétentes.
Le SPIP « doit permettre aux détenus de préparer leur libération dans les meilleures conditions » (art. D. 578 du CPP).
Selon la ministre de la Justice, les dispositifs de préparation à la sortie doivent traiter des questions relatives à l'insertion : obtention de documents officiels, accès à la formation professionnelle, à un emploi, à la santé, au logement... La préparation à la sortie « doit être pensée dès les premiers temps de la détention. Il s'agit de construire la notion de parcours de réinsertion ». En outre, ajoute Elisabeth Guigou, les ressources partenariales locales doivent être mobilisées « sur la prévention de la récidive ».
Permettre l'accès aux droits sociaux, tant en milieu ouvert que fermé, doit constituer « un objectif central pour le SPIP, qui doit l'intégrer dans le dispositif de préparation à la sortie », affirme la ministre.
Le service s'assure que les personnes accèdent « aux dispositifs d'insertion de droit commun » (art. D. 573 modifié du CPP). En milieu fermé, précise le ministère, il veille à la mise en œuvre, par les services de l'établissement, des procédures automatiques (immatriculation à la sécurité sociale, carte nationale d'identité...). En milieu ouvert, il recourra aux procédures individualisées, adaptées à la situation personnelle de l'intéressé (allocation aux adultes handicapés, revenu minimum d'insertion...).
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation détermine, en liaison avec les chefs d'établissements, les actions de formation professionnelle (art. D. 457, alinéa 2 nouveau du CPP). Il doit s'attacher « à la cohérence et au suivi des parcours », qui s'inscriront « dans une perspective d'accès à l'emploi », indique le ministère.
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation doit rechercher le concours d'intervenants extérieurs auxquels peut être confiée l'animation de certaines activités socio-culturelles, dont l'objet est de « développer les moyens d'expression, les connaissances et les aptitudes des détenus » (art. D. 440 modifié du CPP). C'est le SPIP qui, « en liaison avec le chef d'établissement, est chargé de définir et d'organiser la programmation culturelle de l'établissement » (art. D. 441 du CPP). A cet effet, « il sélectionne et met en œuvre, avec l'appui des services compétents de l'Etat et des collectivités territoriales, des projets proposés par des organismes ou des opérateurs culturels » (art. D. 441-1-1 modifié du CPP). Comme le faisait, par ailleurs, le service socio-éducatif, le SPIP, à défaut de bibliothécaire, assure les achats de livres, organise la formation et encadre les détenus auxiliaires de bibliothèques (art. D. 441-2 modifié du CPP).
Les actions, insiste la circulaire, seront « les plus diversifiées possibles » : diffusion des œuvres, ateliers de pratiques amateurs ou formation aux pratiques artistiques. Surtout, le SPIP veille « à la qualité des intervenants, à l'intégration des actions culturelles et socio-culturelles ou de loisir dans un dispositif d'ensemble cohérent ».
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation participe à la prise en charge des fonctions placées sous la responsabilité du chef d'établissement et relatives au projet d'exécution de peine, à lavie quotidienne en détention, à la lutte contre l'illettrisme et à celle contre l'indigence.
Un chapitre spécifique de la réforme, également commenté par la circulaire du 15 octobre, est consacré aux relations du service pénitentiaire d'insertion et de probation avec les autorités judiciaires. L'article D. 576 nouveau du code de procédure pénale définit ainsi le nouveau rôle du juge de l'application des peines (JAP).
Celui-ci n'est plus le chef de service chargé de l'exécution des mesures en milieu ouvert. Il n'intervient plus dans le fonctionnement administratif du service d'insertion et de probation, dont la responsabilité administrative relève du seul directeur du SPIP. Le JAP est désormais chargé uniquement des fonctions judiciaires. Il « détermine les orientations générales relatives à l'exécution des mesures » confiées au nouveau service. Ces orientations, précise la circulaire du 15 octobre, peuvent porter sur les priorités d'actions retenues par la juridiction en matière pénale, les délais de prise en charge souhaités, les modalités de contrôle des obligations ou encore les rapports de suivi.
Le juge effectue, également, pour le compte de la juridiction, l'évaluation des actions mises en œuvre par le SPIP pour répondre à ces orientations.
Le SPIP prend part à l'ensemble des dispositifs relevant de l'organisation du projet d'exécution des peines (comités de pilotage, commissions pluridisciplinaires...). Il renseigne régulièrement la partie socio-éducative du livret individuel et fournit une synthèse sur la situation sociale du détenu.
Le service, insiste la ministre, doit favoriser la mise en place d'actions d'insertion diversifiées et l'implication des détenus.
En matière d'illettrisme, les formations sont assurées par l'Education nationale et les organismes spécialisés financés par les crédits de la formation professionnelle (programme insertion, réinsertion, illettrisme). Outre ces réponses formatives, le service pénitentiaire d'insertion et de probation développe et coordonne l'ensemble des activités qui contribuent à l'accès à l'écrit. Il a aussi à « sensibiliser le chef d'établissement pour que les détenus illettrés et indigents puissent bénéficier, à la fois, d'un mode de rémunération (travail, formation professionnelle, service général...) et d'une prise en charge en formation », souligne la circulaire du 15 octobre.
Les objectifs assignés au service pénitentiaire d'insertion et de probation, explique la circulaire, visent à structurer les relations de l'administration pénitentiaire avec les partenaires (centre communal d'action sociale, associations...), « de manière à concevoir un véritable dispositif que le chef d'établissement en milieu fermé et le SPIP en milieu ouvert pourront utiliser pour traiter l'ensemble des aspects de la lutte contre l'indigence ».
Le service a un pouvoir de proposition pour les fonctions d'enseignement, de travail et de soins.
L'enseignement est pris en charge par l'Education nationale au sein des établissements, grâce aux unités pédagogiques régionales. De son côté, le service pénitentiaire d'insertion et de probation s'attache à sa cohérence avec les actions qu'il mène au sein de l'établissement, notamment dans le champ de la formation professionnelle et desactivités culturelles. Il peut également participer, au niveau départemental, au suivi des actions initiées en milieu fermé. Ou encore sensibiliser les partenaires extérieurs, institutionnels ou associatifs, à la question de l'enseignement en prison.
La mise en place et l'organisation des activités de travail en établissement pénitentiaire relèvent de la responsabilité du chef d'établissement. Le pouvoir de proposition du service pénitentiaire d'insertion et de probation a pour objectif de favoriser la circulation des informations recueillies lors des entretiens individuels avec les détenus, afind'orienter leur classement et le rendre cohérent avec leur projet de sortie ou d'exécution de peine, indique la circulaire. Il s'agit, également, d'appuyer l'articulation des actions de travail et de formation et d'aider au repérage et à l'utilisation des expériences acquises en détention.
Le suivi individuel assuré par le service pénitentiaire d'insertion et de probation doit intégrer la dimension santé des personnes prises en charge. En milieu ouvert, il oriente les personnes vers les organismes sanitaires compétents. En milieu fermé, il facilite la coordination entre les services pénitentiaires et les équipes sanitaires pour le suivi des détenus, la préparation des aménagements de peine ou de la sortie.
Le SPIP coordonne les interventions dans les domaines desactivités physiques et sportives, de lutte contre les toxicomanies et d'éducation pour la santé. Dans le cadre de ces fonctions, il veille à la cohérence de l'intervention d'une pluralité d'acteurs, placés hors de son autorité (unité de consultation des soins ambulatoires, surveillants moniteurs de sport dans les établissements pénitentiaires).
Désormais, le service pénitentiaire d'insertion et de probation contribue, en lien avec les chefs d'établissements et les services compétents, à l'élaboration de la programmation des activités sportives de l'établissement (art. D. 459-1, alinéa 3 nouveau du CPP).
Selon la ministre de la Justice, le service doit veiller à la création d'un « réseau départemental », privilégiant une collaboration avec la direction départementale de la Jeunesse et des Sports et le mouvement sportif (instances décentralisées des fédérations, associations sportives locales et associations de prévention spécialisée).
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation assure la cohérence entre les actions relatives au projet d'exécution des peines des détenus et les éventuels projets thérapeutiques mis en œuvre avec les services sanitaires. Il doit donc « développer son rôle d'interface, tant en milieu fermé qu'en milieu ouvert, entre les autres services pénitentiaires, les acteurs sanitaires et les différents organismes extérieurs spécialisés dans la lutte contre les toxicomanies, en respectant les champs de compétences des différents acteurs (sanitaire, judiciaire...) », insiste la circulaire du 15 octobre.
Les notions de prévention sanitaire doivent être intégrées dans le cadre de la vie quotidienne (alimentation, sport, hygiène...). Au sein de l'établissement, remarque la ministre, le SPIP est, en matière d'éducation à la santé, le « partenaire privilégié » du service sanitaire et favorise la construction de réseaux partenariaux qui pourront intervenir localement.
Florence Elguiz
(1) Voir ASH n° 2087 du 2-10-98.
(2) Voir ASH n° 2129 du 20-08-99.
(3) Voir ASH n° 2128 du 16-07-99.