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Le Planning familial à l'écoute des adolescentes

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Grâce à une politique engagée dès le début des années 60, le département de la Seine-Saint-Denis regroupe plus de 10 % du millier de centres de planification existant en France. Parmi ceux-ci, le Planning familial de Villepinte multiplie les actions d'information sexuelle et de prévention en direction des jeunes.

Une adolescente arrive avec sa copine, pour un retard de règles  elle souhaite un test de grossesse. Une autre a bien entendu parler de la pilule du lendemain, mais ne sait pas au juste comment la prendre. Plusieurs jeunes filles viennent aussi chercher des préservatifs : n'est-ce pas ce qu'il « faut » utiliser ? Semaine après semaine, depuis plus de 20 ans, les « mercredis-jeunes », organisés par le Mouvement français pour le planning familial  (MFPF) de la Seine-Saint-Denis (1), sont toujours aussi animés.

Un lieu accessible

Nouvelles ou habituées, les adolescentes comptent aussi, dans leurs rangs, quelques fidèles qui bénéficient, à Villepinte, d'un suivi régulier. « Ces anciennes lycéennes, devenues de jeunes majeures salariées, savent qu'elles pourraient aller ailleurs, précise Geneviève Stirnemann, membre de l'équipe du centre. Mais elles repoussent cette éventualité à plus tard :'quand je serai grande, j'irai chez le médecin ",déclarent-elles souvent, sous-entendant que le Planning, est'un truc de petites "... »

Voilà pourquoi les jeunes s'y sentent bien. « Ici, c'est cool », ne serait-ce que pour des raisons pratiques : les consultations sont gratuites, les horaires commodes, et puis on est entre soi, sans risque de croiser une voisine ou la mère d'un copain.

Dans une grande salle égayée d'affiches bariolées, elles discutent avec l'animatrice et la gynécologue. Du corps et de la sexualité, de leurs droits et des parents, du petit ami - exceptionnellement présent - et de leurs peurs aussi, parfois nourries de préjugés. Bien sûr, on n'est pas forcée de tout dire dans le groupe. Ni même de prendre la parole : les réponses aux questions des autres sont autant de moyens de glaner de l'information pour soi. Et puis, dans le cabinet médical, on sera seule avec le médecin. Sachant que consultation ne signifie pas nécessairement examen gynécologique, « ce que redoutent tellement certaines jeunes filles qu'elles viendront précisément le jour où le médecin n'est pas là, ou quand elles ont leurs règles, constate Valérie Boblet, membre de l'équipe de la Seine-Saint-Denis. C'est un point important, mais pas toujours bien connu, sur lequel nous ne manquons jamais d'attirer l'attention des personnels de PMI, dans les formations que nous organisons régulièrement à leur intention, à la demande du département. »

Majoritairement venues au Planning pour une demande de contraception, les jeunes se révèlent, en fait, assez ignorantes de leurs droits, en dépit du grand nombre de centres de planification familiale qui existent dans le département. La faculté qu'ont les mineures d'y consulter gratuitement, confidentiellement et sans autorisation des parents, comme d'effectuer, dans les mêmes conditions, un test de grossesse ou de dépistage de maladies sexuellement transmissibles, d'obtenir des contraceptifs ou une ordonnance de gratuité pour s'en procurer et de faire procéder à un bilan sanguin, est souvent méconnue des intéressées. Mais aussi des jeunes majeures, d'ailleurs, qui bénéficient de la sécurité sociale de leurs parents, mais désirent garder le secret. C'est pourquoi, les animatrices du Planning ne se contentent pas d'accueillir les jeunes, à Villepinte ou à Saint-Denis, dans l'Espace vie adolescence  (EVA) où elles tiennent une permanence le jeudi après-midi (2). Elles se rendent aussi, fréquemment, dans les établissements scolaires, à la demande d'adultes ou d'élèves, afin de diffuser ces informations, ainsi qu'un minimum de renseignements sur la pilule du lendemain, dont l'appellation indique bien que, le cas échéant, il convient de la prendre rapidement. Le tout est utilement complété par la mini-documentation qui, à cette occasion, est largement distribuée : Pour mémoire.

La mémoire des adolescentes, quand on la sollicite pour évoquer avec elles les connaissances sur leur corps, notamment acquises en classe de 4e et de 3e, se révèle souvent bien défaillante. « Ainsi, explique Valérie Boblet, elles se souviennent vaguement de coupes d'organes génitaux, d'utérus, d'ovaires et de vagins. Mais, de là à remettre le puzzle en ordre, c'est souvent une tout autre affaire, et complètement dissociée de la vie. »

Réticences et résistances

La pilule, en revanche, les jeunes filles connaissent. Mais les réticences à l'utiliser restent nombreuses. Certaines proviennent d'idées reçues : la pilule fait grossir, rend stérile, etc. D'autres sont liées à la crainte que leur ami renonce alors à l'usage du préservatif. Sans, bien sûr, préciser que ledit préservatif, on l'oublie déjà parfois. Et qu'il est souvent réputé craquer, n'est-il pas rare d'entendre dans les entretiens pré-IVG.

Il y a aussi l'opposition de parents, certains allant jusqu'à fouiller sous le matelas de leur fille pour s'assurer d'avoir bien été obéis. « Leur veto a effectivement été respecté, puisque l'adolescente ne prend pas la pilule. Mais cela ne veut pas dire, pour elle, ne pas avoir de rapports sexuels », observe Valérie Boblet. D'autres, souvent pour des raisons culturelles, s'interdisent le recours à la contraception, mais ne s'abstiennent pas, pour autant, de toute relation. Quitte à découvrir, au Planning, une grossesse de 29 semaines, comme Chérifa, 17 ans, qui n'imaginait pas possible de se retrouver enceinte sans qu'il y ait eu véritable pénétration.

Après avoir eu la possibilité d'évoquer, collectivement ou en tête à tête, les a priori et les plus lourdes difficultés, nombreuses sont celles qui repartent, munies d'un précieux viatique. Il s'agit souvent de pilules, mais pas uniquement. Si la contraception orale demeure le moyen le plus efficace de se prémunir d'une grossesse - mais pas du sida, est-il aussi rappelé aux jeunes -, « nous ne faisons pas montre de dirigisme, précise Geneviève Stirnemann. S'agissant, par exemple, de jeunes filles qui ont une vie sexuelle épisodique, le préservatif et la contraception d'urgence, 'pour les cas où ", peuvent être beaucoup plus appropriés. » Il reste cependant à rappeler aux pharmaciens que la pilule du lendemain, arrivée dans leurs officines en juin dernier

- la pilule NorLevo, qui ne présente aucune contre-indication, car elle ne comporte pas d'œstrogènes -, peut être achetée sans ordonnance. Ayant eu vent de refus de vente réitérés, l'équipe de Villepinte a décidé, avec le médecin de PMI, d'organiser une formation ad hoc à l'intention des pharmaciens. Sans se dissimuler que ce qui achoppe est probablement moins à rechercher du côté d'un manque d'information que de la difficulté à accepter que les femmes, en particulier les jeunes filles, puissent gérer seules leur sexualité.

Une meilleure prévention des IVG

Or, on attend beaucoup, au Planning, de cet accès facilité à la contraception d'urgence pour mieux prévenir les interruptions volontaires de grossesse. Car, aujourd'hui encore, dans les différentes structures où elles interviennent - soit une dizaine de PMI du département, en plus du centre de Villepinte et de celui de Saint-Denis -, les animatrices de l'association sont confrontées, chaque mois, à une vingtaine de demandes d'avortement émanant de mineures. Avec tous les problèmes qui peuvent survenir quand les intéressées ne veulent rien dire à leur famille, alors que la loi leur impose de produire une autorisation écrite d'un de leurs parents.

Dans certains cas, les grossesses sont découvertes alors qu'il n'est plus possible d'envisager un avortement. Il s'agit parfois d'un vrai déni de grossesse de la part de la jeune fille. Relativement nombreuses semblent être, en effet, les adolescentes persuadées qu'on ne peut pas se retrouver enceintes à la suite du premier rapport sexuel.

Il arrive aussi que les demandes tardives d'IVG correspondent à des situations de viol ou d'inceste. L'équipe du Planning, qui participe depuis plus de dix ans au comité départemental de prévention des abus sexuels, est particulièrement attentive à ce qui peut relever de ce type d'agres- sions. Et elle se dit très préoccupée de leur fréquence : parmi les 16-25 ans, l'essentiel du public fréquentant ses différentes permanences de la Seine-Saint-Denis, deux ou trois nouveaux cas se révèlent chaque semaine.

Avec toutes les jeunes femmes qui, pour une raison ou une autre, ont trop longtemps gardé le silence, il convient alors d'évoquer les solutions susceptibles de les aider à trouver une issue à leur situation. L'accouchement sous X, défendent les animatrices du Planning, fait partie de ces réponses possibles. Pour nous, résument-elles, ce qui importe c'est que les femmes « se sentent en confiance et décident seules, car ce sont elles seules qui devront continuer à vivre avec cette décision. Quelle qu'elle soit. » D'où l'importance, là encore, de disposer de toutes les informations utiles pour éclairer leur choix.

Caroline Helfter

VERS UNE RÉFORME DE LA LOI VEIL

Quelque 10 000 adolescentes sont confrontées, chaque année, à des grossesses. « Non désirées, pour la plupart d'entre elles, elles témoignent d'une grande méconnaissance de la contraception et des circuits d'accès à celle-ci, en particulier lorsqu'une contraception urgente post-coïtale devient nécessaire », faisait observer, à la fin de l'an dernier, Michèle Uzan, médecin responsable du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Jean-Verdier, à Bondy (Seine-Saint-Denis), dans un rapport rédigé pour la direction générale de la santé. Quelques mois plus tard, dressant un état des lieux sur la situation de l'interruption volontaire de grossesse en France (3), le Pr Israël Nisand soulignait que l'avortement est d'autant plus problématique chez les jeunes- 6 000 IVG par an concernent des moins de 18 ans et environ 10 000 les 18-20 ans -, que le risque de recours réitéré à l'IVG est plus important parmi les femmes qui ont déjà subi une première fois un avortement avant l'âge de 20 ans. Et il proposait de favoriser les actions de prévention en direction des mineures, particulièrement en milieu scolaire, d'autant que l'accent mis sur l'utilisation du préservatif comme moyen de protection contre le sida, a entraîné une augmentation, chez les jeunes, du nombre de grossesses non désirées. Sans même parler des oublis- l'absence totale de contraception est plus fréquente chez les adolescentes que chez leurs aînées (9,4 % contre 3,6 %)  -, on constate, en effet, que le préservatif constitue une méthode de contraception insuffisamment efficace pour les jeunes filles : la proportion d'échecs y est significativement plus élevée que parmi les adultes (17,8 % contre 11,5 %). Des propositions reprises par les élues socialistes dans leur lettre adressée au Premier ministre, le 21 octobre. D'ores et déjà, celles-ci ont obtenu l'engagement du gouvernement que la loi Veil sur l'interruption volontaire de grossesse soit modifiée d'ici à un an (4). Parmi les mesures qui pourraient être proposées, la suppression de l'autorisation parentale pour l'IVG. Reste que la campagne d'information sur la contraception, programmée pour cet automne et très attendue, est finalement reportée au début de l'année 2000.

Notes

(1)  MFPF de la Seine-Saint-Denis : 2, allée Hélène-Boucher - 93420 Villepinte - Tél. 01 43 83 63 88.

(2)  Voir ASH n° 2036 du 12-09-97 - EVA : 9, rue Dezobry - 93200 Saint-Denis - Tél. 01 55 87 60 49.

(3)  Voir ASH n° 2112 du 26-03-99.

(4)  Voir ce numéro.

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