En France, chaque année, 218 milliards de francs, soit 2,68 % du produit intérieur brut, sont « gaspillés », engloutis dans le « coût social » de l'alcool, du tabac et des drogues illicites (cannabis, héroïne, cocaïne, ecstasy...). La moitié de cette somme (1) correspond aux pertes de productivité engendrées par les décès prématurés et l'absentéisme dans les entreprises, 20 % aux dépenses de santé, le reste se répartissant principalement entre les pertes de prélèvements obligatoires (11 %), les dépenses supportées par les assurances (10 %) et celles des administrations publiques (2,5 %).
Commandée par l'Office français des drogues et toxicomanies et la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), une étude (2), menée sous la direction scientifique de Pierre Kopp, économiste et professeur à l'université de Panthéon-Sorbonne (Paris-I), évalue de façon précise, pour la première fois, le poids économique des drogues en France. Mieux, elle en détaille la répartition. L'alcool, ainsi, représente plus de la moitié (53 % environ) du coût social de l'ensemble des drogues, devant le tabac (41 %) et les substances illicites (6 %). « Composante la plus visible » de ce coût, les décès prématurés dus aux drogues constituaient, en 1997, 16, 3 % des décès recensés en France, dont 8,3 %imputables à l'alcool, 7,9 % au tabac, et 0,1 % aux drogues illicites.
Cette place particulière de l'alcool constitue, note le rapport, une « exception française ». « Le coût, pour la collectivité, du tabac et des drogues illicites semble “normal” au regard des études étrangères. En revanche, le poids des problèmes posés par la consommation d'alcool semble élevé », constate-t-il. Ainsi, il apparaît que le coût social de l'alcool est approximativement 50 % plus élevé en France qu'au Canada et en Australie, où des enquêtes ont été menées selon une méthodologie analogue. Le poids du tabac occupe, dans ces deux pays, la première position. « L'exception française est certainement encore plus marquée », précise le document, car l'Australie et le Canada prennent également en compte, dans leur évaluation, les vols, viols, violences et blessures diverses imputables à l'alcool, et leurs coûts associés.
S'il relève le manque d'études équivalentes au niveau européen, qui permettraient d'établir une véritable comparaison, Pierre Kopp souligne que son enquête a « pour but de ramener à la réalité, et dans le rationnel, les politiques de santé publique ». Une direction dans laquelle les pouvoirs publics ont commencé à s'engager, notamment en élargissant récemment les missions de la MILDT à l'alcool, au tabac et aux médicaments psychoactifs (3).
(1) Qui ne prend pas en compte le coût d'achat des substances.
(2) Remise le 18 octobre. Non disponible.
(3) Voir ASH n° 2134 du 24-09-99.