C'est un bilan contrasté de la mise en œuvre de la loi contre les exclusions qu'a présenté Hélène Mignon, le 13 octobre, à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale (1). Si « aujourd'hui, le constat est plus optimiste » qu'au printemps dernier, il demeure cependant une « grande diversité des situations », a déclaré la députée socialiste, déplorant « des blocages administratifs [qui] empêchent encore trop souvent le traitement des problèmes de la personne dans leur globalité ».
Premier constat d'Hélène Mignon : les résultats du programme TRACE (trajet d'accès à l'emploi), suivi personnalisé pour les jeunes, « sont naturellement très échelonnés selon les régions [...], mais globalement, le public visé est atteint ».84 % des bénéficiaires ont entre 19 et 25 ans, 11 % de 16 à 18 ans. La moitié d'entre eux sont en situation d'emploi ou de formation, même si, pour un sur deux, « cela signifie être bénéficiaire d'un contrat emploi-solidarité ». Tout en soulignant l'implication de nombreuses missions locales dans la recherche des jeunes en très grande difficulté, la députée a appelé à « aller plus loin dans le ciblage, sans négliger les zones rurales ». Avant de pointer les difficultés qui demeurent quant à la mobilisation des fonds d'aide aux jeunes, « l'absence de réponse adaptée aux problèmes d'analphabétisme ou d'illettrisme », ou encore « l'insuffisance d'une offre de logement à un coût accessible » pour les jeunes.
Quant aux contrats emploi-solidarité (CES), leur recentrage sur les personnes les plus en difficulté a été « mal ressenti dans les collectivités locales ». Le principe du cumul d'un CES avec la reprise d'une activité est, lui, « accueilli favorablement, mais se heurte à des difficultés pratiques ». Plus généralement, Hélène Mignon a regretté la complexité des règles applicables au cumul d'une activité avec un minimum social, qui, « masquant la lisibilité du dispositif, le prive de beaucoup de son efficacité ».
1 400 contrats de qualification adultes ont été signés depuis le début de l'année 1999, a-t-il été indiqué également. A 60 %, ils s'adressent à des jeunes adultes. Ce contrat est généralement considéré comme un « bon outil », mais est « encore trop peu connu ». En outre, a ajouté la députée, « il semble que son coût pour l'entreprise freine son développement ».
Dans le secteur de l'insertion par l'activité économique, l'évolution est « positive ». Ainsi, « quand les relations entre l'agence pour l'emploi et les organismes d'insertion sont bonnes, le conventionnement et la procédure d'agrément fonctionnent ». Mais Hélène Mignon a aussi dénoncé la persistance locale « de blocages relationnels [...]d'autant moins admissibles qu'ils mettent finalement en jeu la situation de personnes en très grande difficulté ». De plus, des complications sont apparues en matière de financement. En particulier, a-t-elle expliqué, la réforme « a amputé les moyens des entreprises d'insertion qui recevaient précédemment des DDASS des subventions supérieures à l'aide moyenne de 12 000 F par an et par poste ».
Enfin, les comités de liaison, qui assurent la représentation des chômeurs dans les ANPE, « suscitent de l'intérêt, même si les demandeurs d'emploi craignent parfois de ne pas avoir de réelle prise sur les décisions », a rapporté la députée. Avant l'été, 93 comités régionaux et plus de 250 comités locaux étaient en place.
Autre chapitre de la loi passé au crible du rapport : l'accès aux soins. La mise en place du dispositif, selon la député, paraît « se faire très lentement ». Certes, « des concertations et des réflexions sont entreprises, mais leur concrétisation se fait attendre ». Hélène Mignon a rappelé que les programme régionaux d'accès à la prévention et aux soins des plus démunis devaient normalement être élaborés pour le 31 décembre prochain. La création des permanences d'accès aux soins de santé est, elle, entamée. « Sur un objectif de 300 permanences en 2000, 250 devraient fonctionner à la fin de cette année. » Toutefois, d'après la députée, « des hôpitaux ont fait valoir qu'ils ne [disposaient] pas des moyens nécessaires à l'institution d'une structure de ce type ».
Le bilan a également porté sur les commissions de l'action sociale d'urgence (CASU), en place dans tous les départements. Hélène Mignon plaide pour un encadrement du contenu de leur action, « tant les pratiques, parfois suscitées par la diversité des demandes, peuvent être différentes ». A cet effet, « le cahier des charges des CASU sera un outil précieux pour [les] évaluer [...] et mettre en place des plans d'action ». La députée a, toutefois, insisté sur « les difficultés que génère la réticence des travailleurs sociaux à la mise en commun des données sociales dont ils disposent, se retranchant derrière le secret professionnel ». Par ailleurs, elle a mis en avant le « rôle pivot » joué par les centres communaux d'action sociale « dans la coordination locale, sachant que la coordination départementale n'est pas encore opérationnelle, faute de parution de la totalité des textes d'application ». Enfin, la députée a constaté, chez tous les intervenants, « le souci de pouvoir mieux former des personnels qui ne sont pas toujours préparés à l'accueil de personnes en très grande difficulté ». A cet égard, elle a jugé « regrettable » l'absence de véritable formation continue des travailleurs sociaux.
La députée s'est montrée très sévère sur la procédure de surendettement. Selon elle, « les délais de traitement des dossiers devant les commissions [...] créent une situation intolérable [et] conduisent à l'aggravation irréversible de la situation des personnes ». Elle a d'ailleurs rappelé le souhait des CCAS de siéger dans ces commissions.
Pour terminer, Hélène Mignon a critiqué la mise en œuvre du droit au compte bancaire, « qui reste souvent théorique pour de nombreux allocataires du RMI en particulier », et celle des dispositions sur l 'insaisissabilité de certaines allocations, « toujours difficiles d'application ». De même, le redéploiement des crédits d'action sociale des caisses d'allocations familiales destinés aux aides aux vacances « crée des situations difficilement compréhensibles ». Seul point « très positif » pour la députée : le rétablissement des bourses de collèges.
(1) Communication orale d'Hélène Mignon devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Consultable sur Internet (