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CC 51 : la RTT à géométrie variable

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En agréant l'accord de réduction du temps de travail de la convention collective de 1951, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité fait franchir une étape décisive aux 35 heures dans le secteur sanitaire et social. Très peu directif, le texte laisse les coudées franches aux négociateurs locaux. Au risque d'y perdre en cohérence et en création d'emplois.

Les salariés des établissements sanitaires et sociaux à but non lucratif vont enfin pouvoir bénéficier des 35 heures. Martine Aubry a officiellement annoncé, le 7 octobre, sa décision d'agréer l'accord national de réduction du temps de travail conclu dans la convention collective de 1951 (1). Du côté des syndicats signataires (FEHAP, CFTC Santé-sociaux et CFDT Santé-sociaux), on se félicite, bien sûr, de cette décision. D'autant que la situation du secteur s'en trouve clarifiée. Après l'agrément de l'accord de branche et des accords des autres conventions collectives (CC 66, Croix-Rouge, centres anti-cancéreux), le refus d'avaliser celui de la FEHAP laissait un goût d'inachevé. Voilà la fin d'un très long feuilleton...

Commencées voici un peu plus d'un an, les négociations avaient abouti à la signature d'un accord, le 9 avril 1999, sous la forme d'un avenant à la convention collective. Celui-ci s'est vu ensuite modifié, à plusieurs reprises, à la demande du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. De fait, sa version définitive ne compte pas moins de quatre additifs. « Pas assez équilibré », tranchait toutefois Martine Aubry, le 20 juillet, refusant d'agréer un texte, objet pourtant de nombreuses rencontres entre les signataires et le cabinet ministériel. « Stupéfaites et indignées », les organisations syndicales avaient alors déposé un recours gracieux auprès de la ministre. Mais des problèmes, « techniques ou rédactionnels », plus ou moins obscurs, continuaient à opposer la FEHAP au gouvernement. Bref, ce n'est qu'après la présentation, par le syndicat employeur, d'une note d'interprétation jugée suffisamment claire par Martine Aubry, que celle-ci a décidé de revenir sur sa décision. Un procédé qui laisse le texte signé intact et offre, en outre, à la ministre, une sortie honorable.

Au final, le dispositif se révèle complexe et peu lisible, à l'image des difficultés de la discussion tripartite - employeurs, salariés et ministère de tutelle - et des enjeux financiers d'un tel accord. Son cadre général peut apparaître ambitieux :7 % de création d'emplois pour 10 %de réduction du temps de travail (ou 11,5 % pour 15 % de RTT). En échange, il comporte des mesures de modération salariale (prolongation de la durée de l'échelon pour certains salariés) et autorise « des accords d'entreprise ou d'établissement à prévoir des contreparties salariales supérieures en fonction de l'état des lieux desdites entreprises ou établissements ». Des accords défensifs peuvent également être conclus :7 % de suppression d'emplois évités ou 7 %de maintien des effectifs pendant deux ans. Et, dans ce cas, ils ouvrent la possibilité de déroger provisoirement à la convention collective, en retenant jusqu'à 1 % du salaire brut par salarié.

En fait, les atermoiements gouvernementaux témoignent d'enjeux plus importants que ne l'a laissé entendre le cabinet de Martine Aubry aux partenaires. Au-delà des « problèmes de rédaction », celui-ci craignait de susciter des créations d'emplois (et donc des dépenses), à hauteur de 7 %, dans l'ensemble du secteur sanitaire, par une application uniforme de l'accord. Au moment même où certains établissements sont concernés par les restructurations prévues par les schémas régionaux d'organisation sanitaire de la seconde génération. Le texte risquait, en outre, de créer un précédent pour les négociations à venir dans les hôpitaux publics. « On aurait gagné des mois [si] le ministère [avait été] plus clair sur ses intentions en ce domaine dès le départ », affirme Jean-Pierre Errecalt, secrétaire général de la CFTC Santé-sociaux. L'insistance du cabinet pour que soit expressément inscrite dans le texte, puis dans la note d'interprétation, la possibilité de modulation locale témoigne bien de sa volonté de considérer différemment les établissements hospitaliers. Cette fameuse note, signée par la seule FEHAP, rappelle les neuf critères de modulation et les trois types d'accords qui peuvent être conclus (offensifs, défensifs, ou non aidés).

Quelles créations d'emplois ?

Si ce dernier document « n'est qu'une mise à plat, qui redit ce que dit déjà l'accord », estime François Chérèque, secrétaire général de la CFDT Santé-sociaux, on voit mal, néanmoins, comment il ne constituerait pas une sorte de cahier des charges pour les employeurs de la FEHAP, qui en sont les principaux destinataires, mais aussi pour les administrations chargées d'examiner les accords locaux. Par ailleurs, une telle marge de manœuvre, laissée aux négociations d'établissements ou d'associations, vide l'accord conventionnel de sa substance. Lequel « ne dit finalement pas grand-chose sur ce que sera la réalité des 35 heures sur le terrain », admet volontiers François Chérèque. D'ailleurs, Jean-Pierre Truffier, sous-directeur de la FEHAP, ne cache pas sa crainte de voir « l'examen au cas par cas annihiler les effets de l'accord national ».

La CFDT et la CFTC Santé-sociaux précisent qu'elles ne se sentent en rien tenues par cette note. Elles sont décidées à défendre, aussi souvent que possible, des accords créateurs d'emplois. On peut toutefois s'interroger, dans un tel contexte de précaution et de timidité des pouvoirs publics, sur la capacité des partenaires sociaux à remplir leurs engagements en termes d'emplois.

Valérie Larmignat

1 000 accords locaux déjà signés...

Au moins 148 000 salariés sont concernés par l'accord de RTT conclu par la FEHAP, soit 127 000 équivalents temps plein dans 2 137 établissements (2). Les lits et places des structures de la FEHAP se répartissent comme suit : 42 % pour le sanitaire, 29 % pour les personnes âgées, 15 % pour les adultes handicapés ou en difficulté et 14 % pour l'enfance et la jeunesse. Selon le syndicat d'employeurs, aujourd'hui 1 000 accords locaux seraient d'ores et déjà signés, dont, au 30 juin 1999,200 dans des établissements sanitaires, concernant 36 000 salariés, et 700 dans des structures médico-sociales, pour 28 500 salariés.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2136 du 8-10-99.

(2)  Auxquels il faut ajouter les salariés des établissements non adhérents à la FEHAP et appliquant directement la CC 51.

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