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L'urgence d'un cadre juridique

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Avec 625 places recensées, l'offre d'accueil temporaire pour les personnes handicapées reste très insuffisante. Présentant aujourd'hui la première enquête nationale sur les pratiques existantes, Jean-Jacques Olivin, président du GRATH, réclame leur reconnaissance dans le cadre de la loi de 1975.

Actualités sociales hebdomadaires  : Vous publiez aujourd'hui la première enquête sur l'accueil temporaire des personnes handicapées. Pourquoi cette évaluation ? Jean-Jacques Olivin  : Au sein du Groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes handicapées (GRATH), nous sommes interpellés par des porteurs de projets désireux de faire avancer leur dossier, mais aussi par des personnes qui cherchent, pour leur enfant ou parent, une solution relais à l'action familiale ou institutionnelle. Or, personne, jusqu'à aujourd'hui, n'avait une vision claire des pratiques existantes, ni même de ce qu'on entend par accueil temporaire. Nous avions besoin de disposer d'une photographie précise des expériences menées, afin de permettre un rapprochement de l'offre et de la demande. Et, au-delà, d'avancer des propositions pour que ce type d'accueil soit mieux pris en compte dans le cadre de la réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales. Avez-vous une idée des besoins d'accueil temporaire ? - Pour l'instant, nous n'avons pas mesuré la demande, mais nous allons nous y atteler dans un second temps. Une certitude, le besoin est prégnant. Nous le constatons au nombre d'appels que nous recevons de familles, mais aussi de travailleurs sociaux confrontés à de véritables situations de détresse. L'accueil temporaire répond à une demande très diverse. Il peut s'agir de relayer en urgence des familles, devenues indisponibles ou incapables de s'occuper de leur parent handicapé à la suite de problèmes de santé ou professionnels. Cette réponse peut venir aussi en complément d'une prise en charge, pour une période d'observation, d'évaluation du projet de vie, voire de préparation à un autre type d'accompagnement. Enfin, l'accueil temporaire permet aux proches de bénéficier d'un répit, en offrant à la personne handicapée, des loisirs, un séjour de vacances... Qui pratique l'accueil temporaire ? - Les deux tiers des places d'accueil temporaire recensées par l'enquête sont le fait d'institutions ou de services spécialisés dans ce type d'accueil. Cette pratique reste marginale dans les autres institutions. Peu répondent à la demande et leur offre reste, de toute façon, limitée : seulement deux ou trois places en supplément de l'accueil permanent. Ce qui s'explique souvent par le manque de moyens ou la surabondance des demandes d'accueil permanent. Il faut relever, également, les efforts menés par le milieu ordinaire. Même si notre étude ne visait pas celui-ci, nous avons reçu des réponses très intéressantes d'organismes de loisirs et de vacances. Je pense ainsi au centre Loisirs Pluriel, à Rennes, ou à certains jardins d'enfants qui accueillent ensemble des enfants handicapés et valides. Justement, cette forme d'accueil ne doit-elle pas d'abord se développer dans le milieu ordinaire ? - Il y a là effectivement de belles réalisations, qu'il faut soutenir. Et vraisemblablement, le développement des formules visant l'intégration dans le milieu ordinaire constitue l'utopie la plus utile pour l'avenir. Mais les besoins les plus criants en matière d'accueil temporaire concernent les handicapés les plus sévères. Ceux-là mêmes qui épuisent l'environnement familial et les professionnels, du fait de la lourdeur de la prise en charge ou des troubles de leur comportement. Ceux qui ont vraiment besoin d'être soutenus, mais sont bien souvent les surexclus du système : autistes, polyhandicapés, personnes souffrant de handicaps associés... D'ailleurs, l'offre d'accueil temporaire spécifique à l'autisme s'accroît en raison du manque important de structures en ce domaine et des facilités budgétaires dégagées dans le cadre du plan Veil. Certaines maisons d'accueil spécialisées (MAS) proposent également des places pour les polyhandicapés lourds. Cependant, il importe de rappeler avec force que l'accueil temporaire doit se développer en complément des institutions traditionnelles et non pas constituer une réponse économique à la pénurie, comme c'est le cas aujourd'hui. Faut-il ouvrir davantage les institutions à l'accueil temporaire ou privilégier la création de structures spécifiques ? - Les établissements spécialisés dans l'accueil temporaire offrent la majorité des places. Cette réalité traduit bien l'intérêt des formules spécifiques. Elles permettent de s'organiser complètement autour d'une pratique qui oblige à une rotation rapide des bénéficiaires sur les places proposées. Elles offrent également plus de souplesse et d'adaptabilité face à une demande par nature aléatoire, à laquelle il faut souvent être en mesure de répondre dans l'urgence. L'accueil temporaire vient bousculer la culture institutionnelle traditionnelle car il oblige sans cesse à s'adapter aux besoins exprimés, notamment, en matière de durée : le séjour prend fin quand le problème est levé. D'ailleurs, la majorité des séjours ne dépasse pas une quinzaine de jours. Signe qu'une courte rupture avec le milieu familial suffit souvent à dénouer la crise qui a justifié l'accueil temporaire. Enfin, les structures spécifiques peuvent davantage s'appuyer sur des professionnels bien préparés à assumer ces situations complexes et à accueillir une population hétérogène dans des conditions satisfaisantes de sécurité. D'où viennent les résistances au développement de l'accueil temporaire ? - Dans les institutions qui font déjà de l'accueil permanent, les personnels sont parfois réticents à s'ouvrir à cette forme de prise en charge difficile, qui bouscule le rythme de l'établissement. Sans compter, pour les gestionnaires, les difficultés liées à l'hétérogénéité de la population, la variation de la demande, les difficultés de prise en charge financière de ces séjours. Par ailleurs, le système d'orientation des commissions départementales d'éducation spéciale ou des Cotorep est totalement inadapté. Attendre des semaines, voire des mois, pour obtenir une décision est en pleine contradiction avec la réactivité nécessaire à ce type d'accueil. Souvent les demandes sont refusées, quelquefois les accords arrivent trop tard. Aussi, pour prévenir la crise familiale, le médecin préfère, parfois, signer une hospitalisation de quelques jours, suivie d'un court séjour en service de soins de suite et de réadaptation. Au-delà du coût pour la sécurité sociale, c'est un non-sens du point de vue de la prise en charge. D'autant qu'à l'autre bout de la chaîne, il arrive que des gestionnaires d'établissements suppriment leurs places d'accueil temporaire parce que le système d'orientation est tel qu'elles sont insuffisamment occupées. Y a-t-il, néanmoins, un début de reconnaissance de cette forme d'accueil par les organismes de tutelle ? - Le problème central, c'est l'absence de cadre juridique. Hormis les places marginales réservées dans les structures traditionnelles, les projets doivent s'inscrire dans des agréments expérimentaux difficiles à obtenir ou s'appuyer sur le statut sans base légale du lieu de vie, dont le financement est généralement très aléatoire. Ce vide réglementaire favorise l'arbitraire des autorités de tutelle. Dans certains endroits, les besoins sont tellement prégnants que les administrations acceptent de « bricoler » avec les statuts existants pour autoriser la création d'une structure spécialisée dans l'accueil temporaire. A l'inverse, ailleurs, elles s'arc-boutent sur cette absence d'existence juridique pour refuser le dossier. Alors que, dans le même temps, la création d'établissements spécifiques est encouragée directement par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité : c'est le cas du Centre d'accueil et de loisirs médicalisés expérimental de Montipouret, dans l'Indre, ou encore du programme de MAS interrégionales pour adultes autistes, dont la première devrait voir le jour en 2000 près de Figeac, dans le Lot. Que demandez-vous ? - Nous souhaitons que l'accueil temporaire soit introduit clairement dans la réforme de la loi de 1975. Les projets actuels ne mentionnent que les établissements pouvant recevoir de façon permanente ou temporaire les personnes handicapées. C'est trop évasif. Nous demandons que la loi permette de moduler les règles de fonctionnement des établissements existants pour développer l'accueil temporaire. Qu'on lève les obstacles en matière d'orientation, de gestion et de financement. Notamment que, dans le cadre du prix de journée, on reconnaisse que le taux d'occupation d'une place d'accueil temporaire puisse être inférieur à celui d'une place d'accueil permanent. La loi doit renforcer cet outil qui s'inscrit avant tout dans une visée préventive et, à terme, de réduction des dépenses. L'accueil temporaire est donc « rentable »  ? - La meilleure source d'économie dans le domaine du handicap, c'est de pouvoir compter sur une famille forte, capable d'accompagner au mieux la personne handicapée. Chaque fois qu'on tarde à la relayer et à la soutenir, on prend le risque de voir les situations se dégrader. Ne pas répondre suffisamment tôt à certaines demandes, c'est s'exposer à engager des dépenses médicales et sociales beaucoup plus importantes à terme. Propos recueillis par Isabelle Sarazin

UNE OFFRE EN DÉVELOPPEMENT

Lancée par le Groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes handicapées  (GRATH)   (1), l'enquête a été réalisée par l'Association nationale des CREAI, avec le concours financier du Centre de ressources multihandicaps le Fontainier et le soutien de la Fondation de France. Outre le recensement des établissements et services pratiquant l'accueil temporaire et la description des pratiques, il s'agissait d'évaluer, à terme, la faisabilité d'un rapprochement de l'offre et de la demande. Une deuxième étape en 2000 devrait permettre d'évaluer la demande. Les résultats de l'enquête, ainsi que le premier annuaire de l'accueil temporaire en France, seront publiés d'ici à la fin de l'année (1).8 250 questionnaires ont été adressés à des structures d'accueil de personnes handicapées, adultes et enfants. Sur la base des 383 établissements qui ont répondu, l'accueil temporaire représente :

 625 places au niveau national. 414 places dans 26 établissements ne faisant que de l'accueil temporaire : - 103 de jour, - 247 en hébergement court, - 64 en hébergement parfois long . 211 dans 140 établissements pratiquant l'accueil temporaire en supplément de l'accueil permanent :- 121 de jour, - 18 en hébergement court, - 72 en hébergement parfois long.

 169 agréments « adultes » (dont 29 pour des structures spécifiques d'accueil temporaire)  : établissements expérimentaux, foyers à double tarification, foyers de vie, maison d'accueil spécialisée, lieux de vie...

 45 agréments « enfants » (dont 12 pour des structures spécifiques d'accueil temporaire)  : établissements annexe XXIV, établissements expérimentaux. L'accueil temporaire des enfants tend néanmoins à augmenter, en appoint à l'accueil familial, notamment. Origine des demandes :

 familles ou usagers  52 %

 services sociaux/justice  12 %

 services hospitaliers  11 %

 établissements médico-sociaux  25 %

Notes

(1)  A commander au GRATH : 20, rue de la Madeleine - 56150 Baud - Tél. 02 97 51 11 30 - E-mail : Grath@wanadoo.fr.

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