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Eviter l'installation dans le RMI

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Pour répondre à l'afflux de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur s'inscrivant au RMI, la commission locale d'insertion de Brest a developpé, depuis 1996, un suivi spécifique.

Faute d'un accès rapide au marché du travail, les jeunes diplômés de l'enseignement supérieur sont, chaque année, plus nombreux à rejoindre les rangs des allocataires du revenu minimum d'insertion (1). Cette mutation du dispositif, devenu, au fil des ans, un recours pour des populations en recherche d'un premier emploi stable, la ville de Brest, avec 12,3 % de chômeurs, la vit de plein fouet. Depuis 1996, un tiers des nouveaux entrants sont de jeunes diplômés tout juste sortis de l'université de Bretagne occidentale ou des 15 établissements d'enseignement supérieur de la commune. A 25-26 ans, titulaires pour la majorité d'une maîtrise, d'un DEA, d'un DESS ou d'un diplôme de niveau équivalent, ils demandent à bénéficier du dernier filet de protection sociale (2). Droit, langues étrangères, histoire-géographie, administration économique et sociale... : toutes les filières généralistes sont représentées.

Face à cet afflux massif, les élus ont demandé à la commission locale d'insertion  (CLI), service du centre communal d'action sociale (CCAS)   (3), de mettre en place un suivi « spécifique », adapté à cette nouvelle population. Objectif : éviter que les jeunes diplômés ne « s'installent » dans le RMI. « Nous considérons que ce nouveau public a des ressources et une certaine autonomie, contrairement à d'autres populations, pour lesquelles l'insertion passe par un long travail de restructuration de la personne, avec un accompagnement social poussé. Pour nous, ces jeunes ont la capacité de se mobiliser et de trouver leur propre stratégie d'insertion. Ils n'ont besoin que d'un coup de pouce. Car être jeune et diplômé du supérieur donne indéniablement des atouts pour aborder le marché du travail », commente Yannick Coiron, responsable de la CLI de Brest.

D'où la décision de mettre l'accent sur le « I » de RMI et d'offrir à ces jeunes diplômés une intervention « très souple », axée sur le champ professionnel. Un champ bien connu de la CLI brestoise, qui s'est saisie depuis longtemps du développement de l'offre locale d'insertion. Des moyens ont été dégagés et deux postes d'agents locaux d'insertion (ALI), financés par le conseil général, ont été créés pour animer l'action. Le service social du CCAS prenant, lui, le relais pour tous les problèmes périphériques à l'emploi (la santé ou le logement), qui se sont révélés être en nombre insignifiant.

DÉVELOPPER L'OFFRE D'INSERTION

Cette opération l'illustre bien : à côté de sa mission de validation des contrats d'insertion, la CLI s'est pleinement saisie d'un rôle de développement de l'offre locale d'insertion. Une démarche entamée sous l'impulsion de la municipalité, dès 1989. Ainsi, la CLI emploie 18 salariés et dispose d'une « cellule d'appui » pour animer le développement d'action d'insertion. Cette dernière est composée de sept conseillers en insertion, chacun intervenant dans un secteur particulier : création d'entreprises, formation professionnelle, emploi, suivi social, aide au montage de projet associatif... Autre particularité : les salariés de la CLI ne sont pas issus de la filière classique des travailleurs sociaux. Ce sont des spécialistes de l'insertion professionnelle.

Une pratique plus adaptée

Première action engagée : l'orientation des jeunes diplômés, dès le dépôt de la demande d'allocation, vers des réunions d'information collectives mensuelles. La CLI décide d'y associer d'emblée l'agence locale pour l'emploi. Il s'agit d'informer ces nouveaux entrants sur le RMI, les aides, mais aussi sur le marché du travail, les services de l'ANPE, de l'APEC et ceux des clubs de recherche d'emploi. Il s'agit, ensuite, de formaliser l'entrée dans le parcours d'insertion par la signature du contrat d'insertion. Mais, avec ce nouveau public, la CLI a décidé d'adapter sa pratique. « Habituellement, nous élaborons le contrat d'insertion avec l'allocataire. Ici, nous avons jugé que les jeunes diplômés pouvaient formuler eux-mêmes leur contrat », explique Robert Bian, l'un des deux agents en charge de l'action. A l'issue de la réunion collective d'information, les jeunes repartent donc avec leur contrat d'insertion. Ils le remplissent seuls et établissent sa durée. Pas d'entretien individuel obligatoire, à moins qu'ils ne le réclament. De fait, plus de la moitié d'entre eux ont sollicité, la première année de la mise en place du dispositif, un entretien individuel. Et les demandes restent constantes.

Informer, guider, orienter les jeunes diplômés vers les dispositifs existants. La démarche s'est vite révélée insuffisante. « La recherche individuelle d'emploi demeure l'objectif prioritaire de ces jeunes. Mais il est clairement apparu que certains avaient besoin d'une dynamique de groupe et souhaitaient être accompagnés dans celle-ci ou, plus en amont, dans la construction de leur projet professionnel. La démarche autonome devient difficile quand on a connu des mois de tentatives infructueuses ou d'isolement », commente Anne Léguennec, responsable de l'opération. Elle a donc proposé aux plus désemparés, lors du renouvellement de leur contrat d'insertion, un mode d'action- la recherche collective d'emploi - et des outils, en mettant à leur disposition une salle dans les locaux de la CLI, dotée d'un téléphone et d'un fax. D'autant que l'offre brestoise en matière de clubs de recherche d'activité se révélait insuffisante. Ni le cercle de recherche d'emploi de l'ANPE, ni les ateliers créés par trois associations locales ne pouvaient répondre à la demande des jeunes diplômés, placés sur liste d'attente. Pas question, néanmoins, pour la CLI de se substituer aux acteurs chargés de rapprocher l'offre et la demande d'emploi. « Notre champ d'action reste clairement la mobilisation des jeunes diplômés », précise Anne Léguennec.

« La dynamique concours »

Cette volonté de mobiliser les jeunes diplômés s'est vite heurtée à un obstacle : la dynamique concours, qu'on a fini, à la CLI, par requalifier de « léthargie concours ». Elle s'est notamment révélée dans les groupes de recherche d'emploi. Ces groupes, la CLI a choisi de les laisser s'organiser de manière autonome, animant uniquement la première réunion, pour structurer leur démarche. Certains se sont axés sur la prospective directe, d'autres, restant dans une démarche plus théorique, travaillent le CV, les lettres de motivation. Si tous étaient animés par la même volonté - s'astreindre à des objectifs opérationels à court terme -, les résultats n'étaient pas toujours à la hauteur des ambitions. « Les groupes avançaient dans leurs démarches surtout lorsque nous étions présents. Ou quand ils étaient animés par une ou deux personnes leader et très dynamiques. Pour cette raison, ils trouvaient rapidement un emploi et quittaient le groupe, qui finissait par s'étioler », commente Anne Léguennec.

Second constat : beaucoup de jeunes restent centrés sur le passage de concours - administratifs ou de l'Education nationale - qui représentent pour eux la solution à leur situation. Cet engagement limite leur disponibilité en temps et en investissement. « Nous nous sommes rendu compte que beaucoup n'avaient pas construit de projet professionnel. Ils ont poursuivi leurs études, concentrés sur l'obtention de diplômes. Aujourd'hui, ils se retrouvent dépourvus face au marché du travail, mais continuent sur leur lancée, en misant sur les concours. A nous de leur faire comprendre que le concours peut être un moyen - comme le diplôme -, mais non une fin en soi », analyse Robert Bian.

Cette priorité donnée aux concours est présente chez la majorité des jeunes diplômés allocataires du RMI. Comme le montrent les contrats d'insertion, la moitié d'entre eux inscrivent l'examen comme action prioritaire. Et 22 % pensent que l'entrée dans le monde du travail est liée à un complément de formation. Les demandes de dérogation pour pouvoir suivre une formation, tout en restant allocataires du RMI, ne cessent d'ailleurs d'augmenter d'année en année.

Autant de constats qui poussent la CLI à repenser son action, dont le bilan est loin d'être négatif. Sur les 704 jeunes diplômés suivis en 1998,392 sont sortis du dispositif  61 % d'entre eux ont obtenu un CDI, un CDD ou créé une entreprise. Ces emplois correspondent généralement à leur formation. Ils les ont trouvés, en majorité, hors de l'agglomération brestoise, après être restés allocataires du RMI, en moyenne, 11 mois. Les autres sorties du dispositif se répartissent entre des déménagements (20 %), des reprises de formation (6 %) ou des radiations. Restent ceux qui ont tendance à « s'enliser » dans le RMI. L'an dernier, près d'un jeune sur quatre en était à son troisième contrat d'insertion.

Alors comment faire ? « Nous voulons mettre l'accent sur la notion de contrepartie du contrat d'insertion pour placer ces jeunes dans une'situation d'urgence ". Plus ils restent dans le dispositif, plus ils ont de mal à en sortir », explique Yannick Coiron, directeur de la CLI. « Que comptez-vous faire pour ne plus dépendre de l'allocation ? » Voilà la question désormais posée aux diplômés lors du renouvellement de leur contrat d'insertion. Une manière de les obliger à prendre la mesure de leurs engagements. La durée du contrat a d'ailleurs été réduite à trois mois, ce qui permet de faire plus vite le point sur les démarches engagées et de les réorienter, le cas échéant. Autre changement : la CLI est plus ferme avec les jeunes qui ne se rendent pas aux réunions d'information collective. Ils y sont invités trois fois. En cas d'absence non justifiée, ils sont convoqués. S'ils ne répondent pas, une mesure de suspension est prononcée. Sept jeunes ont ainsi été radiés en 1998.

Repréciser l'action

D'autres modifications sont à venir. « Comme l'offre de prestations de l'ANPE a augmenté, suite à la mise en place, début 1999, du plan national pour l'emploi  (4) , les diplômés sont mieux accompagnés dans la recherche d'emploi. Nous allons nous recentrer sur les jeunes n'utilisant pas les services de l'ANPE », précise Anne Léguennec.

Pour cela, la CLI dispose, aujourd'hui, d'un réel espace : un lieu de mobilisation financé par la municipalité, équipé d'ordinateurs. Là, elle veut davantage travailler sur la notion de construction de projet professionnel en organisant des réunions avec des professionnels. Autre souhait : relancer la constitution de groupes autonomes de recherche d'emploi, mais en cadrant plus leurs démarches.

« Nous sommes en pleine refonte de l'action. Elle a été conçue comme une aide et un support logistique. Mais nous nous sommes aperçus que les jeunes diplômés avaient aussi des difficultés réelles d'insertion. Certains sont très fragiles et se sont protégés dans le milieu universitaire, retardant ainsi volontairement leur entrée dans le monde du travail. Ils ont besoin d'un suivi plus régulier. Nous commençons seulement à prendre la mesure de ce qui doit être fait », commente Bernadette Abiven, conseillère municipale, déléguée à l'insertion sociale. La CLI se donne jusqu'au mois de novembre pour repréciser son mode d'intervention. Anne Fairise

Notes

(1)  La part des moins de 30 ans, diplômés de l'enseignement supérieur, représente en 1998 10,4 % du nombre total d'allocataires contre 3,5 % en 1990 (Enquêtes Cerc 1990 et INSEE 1999).

(2)  Le RMI est ouvert à partir de 25 ans pour une personne seule.

(3)  CLI : 56, rue Bruat - 29200 Brest - Tél. 02 98 46 14 41.

(4)  Ce plan vise notamment à construire un nouveau départ pour les jeunes au chômage depuis six mois et les plus de 25 ans au chômage depuis un an. Voir ASH n° 2122 du 4-06-99.

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