Le Premier ministre a exposé, devant les élus socialistes réunis le 27 septembre pour leurs journées parlementaires à Strasbourg, les mesures sociales qui marqueront la deuxième étape de l'action gouvernementale.
Pour reconquérir « une société de plein emploi », « perspective désormais crédible », plusieurs orientations seront prises, en plus des priorités dégagées dans les prochaines lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2000 (1), du passage aux 35 heures, ou encore des emplois-jeunes.
Ainsi, pour lutter contre les licenciements économiques « abusifs » , Lionel Jospin propose de rendre obligatoire une négociation sur les 35 heures préalablement à la présentation de tout plan social et de veiller à ce que les fonds publics ne puissent être alloués aux entreprises qui, engrangeant « d'importants bénéfices », projettent néanmoins des suppressions d'emplois. En outre, il appelle les partenaires sociaux à imaginer un mécanisme de modulation des cotisations des entreprises en fonction de leur comportement en matière de licenciement économique, avant que le gouvernement ne tire « les conclusions de leurs discussions ».
De plus, une loi sur « les nouvelles régulations économiques », votée avant l'été 2000, traitera, entre autres, de l'amélioration de l'information et de la consultation des salariés.
De même, « en l'absence de démarche entreprise » par les branches sur le recours excessif aux emplois précaires, Lionel Jospin a indiqué qu'un projet de loi sera voté, « avant la fin de la session parlementaire ». Ce texte mettra en place un système de correction financière qui « s'appliquera à défaut d'accord conventionnel agréé ».
Par ailleurs, afin de « favoriser le retour à l'emploi », le Premier ministre envisage de faire voter, dans le budget 2000, le maintien de l'exonération de la taxe d'habitation en cas de retour à l'emploi. Cette mesure prendra place dans le cadre d'une réflexion plus générale, engagée « dès maintenant », sur la réforme des dispositifs existants.
Toujours au titre de l'emploi, Lionel Jospin s'est montré « favorable à ce que les accords de réduction du temps de travail ouvrant droit à l'aide structurelle comportent des engagements en matière d' égalité professionnelle » entre hommes et femmes, conformément aux recommandations du rapport Génisson (2).
Enfin, « parce qu'une croissance solidaire implique un effort accru et généralisé de formation professionnelle », le gouvernement élaborera, en 2001, un projet de loi sur l'organisation d'un « droit individuel à la formation tout au long de la vie, transférable en cas de changement d'entreprise, garanti collectivement ». Projet qui tiendra compte des travaux des partenaires sociaux, d'ores et déjà mobilisés sur cette question (3). Mais « dès le printemps 2000 », un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social réformera la taxe d'apprentissage et procédera à une « reconnaissance élargie des acquis de l'expérience professionnelle ».
Lionel Jospin a demandé au ministre de l'Economie et des Finances de préparer la remise totale des dettes fiscales « restant dues par les ménages qui, affectés par une perte d'emploi, ont fait l'objet d'une procédure de surendettement ». Cette mesure concernera, selon le Premier ministre, « des milliers de familles en très grande difficulté ».
Pour la ville et les quartiers en difficulté, « un programme de rénovation urbaine et de solidarité » sera mené. A cette fin, le projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les transports, actuellement préparé par le ministère de l'Equipement et le secrétariat d'Etat au logement, permettra, selon Lionel Jospin, d'aborder « de façon globale les problèmes de la ville ». En outre, le ministère chargé de la ville coordonnera la réalisation, sur cinq ans, de « 50 grands projets de ville combinant projet urbain, projet social et projet de revitalisation économique, dans les quartiers en difficulté ». Claude Bartolone en avait déjà esquissé les contours en janvier dernier (4). Un comité interministériel des villes se réunira en décembre pour en arrêter les modalités. Lionel Jospin a rappelé que, « dans cet esprit », l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine passera, dans le budget 2000, de 200 à 700 millions de francs.
Ce programme de solidarité et de rénovation « sera accompagné d'une action déterminée pour renforcer la présence et la qualité des services publics ». Le ministre de la Fonction publique préparera ainsi, avant la fin de l'année, des mesures pour « attirer, dans les quartiers en difficulté, plus de fonctionnaires compétents et motivés ». « De manière générale, les services publics doivent être largement ouverts aux habitants de ces quartiers », a poursuivi Lionel Jospin. En particulier, « un dispositif renforcé de bourses alliant critères sociaux et de mérite » pourrait encourager les succès des jeunes au lycée et à l'université.
La famille constituera aussi « un grand chantier de réflexion ». Dans un souci de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale, outre les dispositions déjà prévues en ce sens dans le projet de loi sur les 35 heures, les prestations devront faire l'objet d'un « réexamen global » en vue de la prochaine conférence de la famille. Celle-ci sera également l'occasion, pour le gouvernement, de révéler les grandes lignes du projet de loi de modernisation du droit de la famille (5), qui sera soumis au Parlement « au début de l'année 2001 ».
Au chapitre des retraites, pas d'éléments nouveaux puisque, comme annoncé (6), les orientations générales du gouvernement ne seront connues qu'au début de l'année prochaine. Dans l'immédiat, a simplement rappelé Lionel Jospin, le fonds de réserve sera abondé à hauteurs de 15 milliards de francs dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; mais « d'autres abondements seront décidés dans les mois qui viennent ».
Autre « priorité » pour Lionel Jospin : « la sécurité quotidienne », avec le vote, au cours de la prochaine session parlementaire, d'une loi créant un Conseil supérieur de déontologie de la sécurité, destiné à « consolider la relation de confiance » entre police, gendarmerie et concitoyens.
Aussi à l'ordre du jour : la réforme de la loi informatique et libertés, la révision des lois bioéthique et la modernisation du système de santé. Sur ce dernier thème, un projet de loi, « débattu l'année prochaine », concernera les droits des malades, et, en particulier, les droits à l'information, au consentement, à la dignité, ainsi que l'accès au dossier médical. Les grandes lignes de ce texte avaient déjà été tracées cet été, lors de la clôture des états généraux (7).
Le Premier ministre s'est, enfin, déclaré favorable à une réflexion sur « l'approfondissement de la décentralisation » ; une commission pluraliste, composée des représentants des grandes associations d'élus et de parlementaires, y travaillera.
(1) Voir ASH n° 2134 du 24-09-99.
(2) Voir ASH n° 2131 du 3-03-99.
(3) Voir ASH n° 2111 du 19-03-99.
(4) Voir ASH n° 2104 du 29-01-99.
(5) Voir ASH n° 2133 du 17-09-99.
(6) Voir ASH n° 2133 du 17-09-99.
(7) Voir ASH n° 2126 du 2-07-99.