Un rapport du Haut Conseil de la population et de la famille (HCPF), intitulé Famille et chômage (1), daté de juillet 1999, vient d'être rendu public. Sans dévoiler d'informations réellement nouvelles, ce document constitue néanmoins la première synthèse réalisée en France sur les relations entre le chômage et les liens familiaux. Au moment où le gouvernement communique sur les « bons chiffres » de l'emploi, l'étude rappelle que 15 % des ménages comprenaient au moins un chômeur en 1998, contre 10 % en 1982.
Le parti pris des auteurs de ce travail, dirigé par le sociologue Jacques Commaille, est dès lors très simple : les politiques publiques en direction de la famille « ne sauraient plus désormais être traitées comme elles pouvaient l'être dans une période de croissance économique, c'est-à-dire indépendamment des effets éventuels du chômage et de la précarité sociale ». Il s'agit donc de rompre, dans un premier temps, avec une comptabilisation du chômage et de ses conséquences en termes uniquement individuels. Car celui-ci a des effets sur la vie familiale, aggravés dans le cas des foyers monoparentaux. Constat presque banal, mais que cette étude a le mérite d'étayer. Parallèlement, le chômage « est susceptible de marquer toutes les phases du cycle de vie familiale, et ceci dès la constitution du couple », notent les auteurs. Il rend difficile la mise en couple, puis la vie à deux, pour ceux qui, en l'absence d'emploi, restent plus longtemps que les autres au domicile de leurs parents. Il serait aussi un facteur important du renoncement à l'enfant, avance prudemment le rapport, qui plaide pour une étude systématique sur le sujet. Plus largement, le chômage affecte l'ensemble de l'économie des relations familiales, notamment en brouillant les statuts et les rôles de chacun, jusqu'à disqualifier, parfois, les parents. Enfin, il est source de tensions familiales, dont l'indicateur le plus visible est la rupture.
Mais, au-delà de ces relations causales, pas toujours très fiables, reconnaissent les chercheurs, le chômage est un des éléments de l'installation de « systèmes d'incertitudes », où toutes les fragilités cumulées par la famille (santé, relations familiales, chômage...) entrent en synergie. Si les conséquences du chômage doivent être envisagées dans leurs manifestations concrètes, elles sont aussi de l'ordre du changement des représentations de l'univers familial. « La fermeture de l'horizon temporel » , due à l'impossibilité d'anticiper l'avenir, n'est pas la moindre d'entre elles.
Le rapport propose donc, entre autres, de réor-ganiser l'aide sociale, en substituant aux aides « verticales », « un système globalisé d'actions coordonnées, respectant l'unité de la personne, sa trajectoire de vie, et les spécificités de la configuration familiale dans laquelle elle se trouve [...] ».
(1) Famille et chômage - Rapport du groupe présidé par Jacques Commaille - Haut Conseil de la population et de la famille : 1, place Fontenoy - 75130 Paris 07 SP - Tél. 01 40 56 41 75.